Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville :

Nous sommes convaincus de la nécessité de continuer à lutter contre le chômage, qui demeure un immense fléau social, et que ce n'est pas en portant atteinte aux droits des personnes privées d'emploi et des salariés que nous y parviendrons.

Cette réforme s'inscrit dans la droite ligne des réformes de l'assurance chômage, qui réduisait les droits, et des retraites, qui accroîtra la crise du travail et de l'emploi. Vous parlez de plein emploi mais de quel emploi s'agit-il ? Il est possible de s'en faire une idée en lisant votre texte mais également le rapport de préfiguration de France Travail où, page 18, le « bon » emploi n'est qu'un détail entre parenthèses : « le plein (et bon) emploi ».

Si l'on se contente d'un objectif qui se résume à un taux de chômage de 5 %, que l'on ne dit rien sur la qualité de l'emploi visé – durée, droits, revenus – on court le risque d'occulter une très grande hétérogénéité des emplois et l'inégalité des chances face à l'emploi. Avec de nombreuses personnes condamnées au sous-emploi ou au mal-emploi, nous risquons de nous diriger vers une société du « plein mauvais emploi ». Avec un tel adéquationnisme, une logique de pions à mettre dans des cases, sommés d'aller au turbin coûte que coûte, vous ne manquerez pas d'augmenter la souffrance au travail alors que nous avons besoin d'accompagnement humain, d'insertion et de formation.

Si nous pouvons souscrire à une nécessaire clarification des circuits et à une meilleure accessibilité et performance du service public de l'emploi, comme le demandent les organisations syndicales des structures concernées, nous nous interrogeons : est-ce bien là votre objectif ?

La description de l'entité France Travail est assez difficile à appréhender, avec ses comités à tous les échelons territoriaux, son réseau associant tous les organismes d'accompagnement, le public et le privé, sans distinction. Précisément, nous assistons à la privatisation d'une part des prestations du service public de l'emploi.

Nous comprenons que le comité national présidant aux grandes orientations sera en définitive aux mains de votre ministère. Si cette concentration du pouvoir a le mérite de simplifier la « lecture » de ce que sera France Travail, elle nous laisse perplexes quant au projet politique, à la place des élus « très » locaux, au risque d'accroissement de la concurrence des territoires et à la marge de manœuvre des différents opérateurs, qui n'ont pas tous la même vocation. Les missions locales, notamment, s'inquiètent de l'amputation de leurs missions d'accompagnement des jeunes dans tous les aspects de la vie.

La simplification que vous invoquez passe par une uniformisation : chaque personne concernée doit s'inscrire d'office et, si j'ose dire, à contre-emploi, sur la liste des demandeurs d'emploi, mais doit être également soumise au même contrat d'engagement, contrat de non-travail qui ne comporte aucune réciprocité : tout le monde est soumis à un même régime de droits et de devoirs et, surtout, à des sanctions plus importantes. Votre logique, c'est l'érosion du droit à choisir son emploi, l'infantilisation, l'« invisibilisation » des personnes privées d'emploi ou en difficulté sociale.

Au-delà d'une expérimentation dont nous ne connaissons pas le fin mot, vous organisez une confusion entre protection sociale et solidarité nationale, entre allocation chômage et RSA. Vous brouillez les pistes entre le revenu de remplacement assurantiel et le RSA, prestation sociale assise sur la solidarité et financée par l'impôt.

Devant le Sénat, vous avez indiqué que quand le plein emploi sera atteint, il conviendra de réfléchir à la nature des allocations pouvant être versées à ceux qui sont dans une situation où l'employabilité n'est pas possible. Pouvez-vous nous en dire plus ?

Se pose enfin la question des moyens. Dans la lettre de cadrage adressée aux organisations syndicales et patronales pour la prochaine négociation de l'Unedic, on découvre que celle-ci devra débourser des milliards supplémentaires. La contribution de l'Unedic, en effet, « a vocation à monter en charge au fur et à mesure que le régime dégage des excédents, pour atteindre en 2026 entre 12 % et 13 % des recettes du régime ». Au-delà des sérieuses contestations de vos projections macroéconomiques et concernant l'Unedic, un tel choix de financement est problématique car il constitue une forme de détournement de plus en plus massif des cotisations Unedic et des droits à l'assurance chômage.

Nous souhaitons une vraie loi en faveur d'un véritable respect du travail et de l'homme au travail.

À propos de l'outre-mer, vous annoncez des mesures réglementaires mais quelle est la nature des distinctions que vous faites ? Je me fais ainsi le porte-parole de nos collègues ultramarins, qui souhaitent que soient débattues et votées les mesures concernant les outre-mer, ce que nous souhaitons également.

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