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Intervention de Marie-Charlotte Garin

Réunion du lundi 18 septembre 2023 à 16h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Charlotte Garin :

Après les réformes de l'assurance chômage et des retraites, ce texte constitue le troisième acte d'une politique visant à précariser les plus fragiles. Derrière l'argument de la centralisation de l'information et de la rationalisation, je crains que ne se cache une volonté de piloter le marché du travail pour faire coïncider, à marche forcée, l'offre et la demande : votre objectif, c'est le plein emploi à tout prix et à n'importe quel prix.

France Travail résulte d'un logiciel productiviste au sein duquel tout ce qui ne produit pas, ne cotise pas et ne consomme pas, n'a pas de valeur : les jeunes, les aînés, les chômeurs.

La pauvreté touche 9 millions de nos concitoyens, dont 3 millions d'enfants ; 2 000, parmi eux, sont à la rue et plus de 200 dans la seule métropole de Lyon ; bien au-dessous du seuil de pauvreté : les bénéficiaires du RSA, que vous visez dans ce projet de loi.

Pour une personne seule, il s'élève à 598,54 euros. Votre réforme est aussi abjecte qu'inefficace, comme vous l'expliqueront toutes les associations venant en aide aux plus démunis là où l'État fait défaut. ATD Quart Monde, Secours catholique, Fondation Abbé Pierre, les trente-quatre fédérations et associations nationales de lutte contre la pauvreté, réunies au sein du collectif Alerte, toutes dressent le même constat.

Les personnes les plus pauvres ont tout d'abord besoin d'être libérées de la peur du lendemain. Être pauvre, c'est avant tout une charge mentale, des privations, c'est compter chaque dépense, c'est être en moins bonne santé physique et mentale.

Ensuite, nombre de bénéficiaires des minima sociaux travaillent déjà. Ils s'occupent d'un parent, d'un enfant en situation de handicap, ils bouchent les trous que vous n'avez pas réussi à combler faute d'une politique volontariste : pas assez de places en crèches, pas de places en structures spécifiques ou pas assez d'accompagnants d'élèves en situation de handicap, des lieux de vie pour les personnes âgées bien trop chers, etc.

Enfin, la grande majorité des personnes les plus pauvres souhaite travailler, prendre toute leur place dans la société mais grâce à un travail reconnu socialement et rémunéré correctement. Or votre texte éclipse une nouvelle fois la question du travail, notamment celle du sens qu'on lui donne. S'il ouvrait un tel débat, nous nous poserions les questions suivantes : pourquoi certains secteurs ne trouvent-ils plus de candidats ? Faut-il orienter les travailleurs de force ? Le ferions-nous pour nos enfants ? Je soupçonne que non.

Vous refusez de regarder les choses en face. La responsabilité des emplois non pourvus incombe majoritairement aux employeurs et à la nature des emplois proposés, avec des conditions de travail dégradées. Ce texte ne comporte rien à ce sujet parce que vous ne tenez surtout pas à contraindre les employeurs.

Ce projet de loi fait porter toute la responsabilité de leur condition de vie aux personnes n'arrivant pas à trouver un emploi alors que les inégalités de patrimoine, de parcours et de capital social sont évidemment déterminantes dans la quête d'un emploi bien rémunéré et socialement valorisé. C'est la responsabilité de l'État de faire en sorte que les plus vulnérables puissent accéder à leurs droits.

Vous avez mentionné les 16 % de personnes inscrites au RSA qui le sont encore dix ans plus tard, mais cela relève de notre, de votre responsabilité. Augmenter les contraintes ne fait que renforcer la peur et la stigmatisation. Ces personnes ont d'abord besoin d'un accompagnement bienveillant et de proximité avec quelqu'un qui ait du temps à leur consacrer. Ce n'est pas avec des conseillers de Pôle emploi qui gèrent parfois plus de cent demandeurs d'emploi que nous y parviendrons.

Les femmes occupent huit emplois à temps partiel sur dix. Elles exercent bien souvent des métiers précaires, représentent 62 % des personnes payées au Smic et ont des carrières plus hachées. La quasi-totalité des bénéficiaires du RSA majoré sont des femmes. Une femme sur deux bénéficiaire du RSA a plus d'un enfant à charge. Je regrette encore une fois l'absence de mesures spécifiques.

Pourtant, les idées ne manquent pas et nous vous en faisons part régulièrement : aides aux familles monoparentales, revalorisation des emplois à prédominance féminine et prise en compte de leur pénibilité, refonte du congé paternité. Non seulement vous n'activez aucune de ces mesures pour endiguer les phénomènes que je viens de décrire mais celles que vous proposez risquent d'aggraver la situation.

J'aimerais que nous prenions un peu de hauteur et que nous réfléchissions à ce que deviendra le travail avec le réchauffement climatique. Le monde change et le travail avec lui. C'est le sens de la proposition que nous avons formulée au mois de juillet visant à inscrire dans le code du travail un droit de retrait des travailleurs au-delà d'une certaine température. Avec cette proposition, nous avons voulu montrer que la raréfaction des ressources, la multiplication des événements climatiques extrêmes et la hausse des températures modifieront profondément nos façons de vivre, donc, de produire et, inévitablement, de travailler. Il relève de notre responsabilité d'anticiper et de proposer en conséquence des adaptations de notre modèle social et de notre droit. Je regrette que rien de tout cela ne soit ne serait-ce qu'évoqué.

Donnons-nous davantage d'ambitions que ces simples petits arrangements techniques, qui seront peut-être utiles mais qui sont très loin d'être à la hauteur.

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