Le projet de loi dont nous entamons l'examen traduit la volonté politique du Gouvernement et de sa majorité d'atteindre le plein emploi grâce à la transformation du service public de l'emploi et à l'intensification de l'accompagnement des demandeurs d'emploi et des bénéficiaires du RSA. Il trouve sa source dans les travaux de préfiguration conduits par le haut-commissaire à l'emploi et à l'engagement des entreprises, M. Thibaut Guilluy, et les expérimentations en cours sur nos territoires. Il s'inscrit dans un contexte d'amélioration significative du marché du travail dont notre pays peut être fier. Non seulement notre taux de chômage est historiquement bas, à 7,2 %, mais la part de CDI est aussi très élevée parmi les emplois créés. Malgré ces résultats très encourageants, une partie de nos concitoyens reste durablement éloignée de l'emploi et, mécaniquement, enfermée dans une situation de très grande précarité. C'est un constat dont personne ne peut se satisfaire.
L'article 1er prévoit la transformation de la nature même de la liste des demandeurs d'emploi, qui devient un outil d'accompagnement de l'ensemble des personnes sans emploi pour leur insertion sociale et professionnelle. Il définit, en outre, un nouveau cadre d'orientation des demandeurs d'emploi, qui a été utilement précisé par les sénateurs.
En cohérence, l'article 2 modifie le régime des droits et devoirs des demandeurs d'emploi à travers un contrat d'engagement rénové. Les contrats signés par les allocataires du RSA ne contiennent souvent aucune action à visée d'emploi. Par conséquent, sept ans après l'entrée au RSA, seuls 11 % des bénéficiaires ont retrouvé́ un emploi durable, alors que 60 % d'entre eux sont encore allocataires cinq ans après leur première inscription. Pourtant, nombre d'entre eux sont capables de travailler et le revendiquent. C'est pourquoi nous voulons que l'allocataire puisse désormais fixer avec son référent des objectifs progressifs, afin de lui construire de nouvelles perspectives professionnelles, mais aussi de lever les freins périphériques qu'il connaît, que ce soit en matière de santé, de logement ou de garde d'enfant, par exemple.
Nous devrons débattre de la meilleure manière d'appliquer ce plan d'action. Aux dispositions figurant initialement dans le projet de loi, les sénateurs ont ajouté une obligation d'activité d'au moins 15 heures par semaine. Au-delà du fait qu'un tel dispositif sera matériellement impossible à mettre en place, il méconnaît les grandes difficultés sociales et professionnelles que rencontrent certains allocataires. Sans remettre en cause l'idée que ce contrat doit replacer au cœur du dispositif des exigences d'engagement, d'assiduité et de motivation, nous proposerons d'aménager la rédaction proposée par le Sénat, tout comme nous reviendrons sur la mesure liant la radiation de la liste des demandeurs d'emploi à celle de la liste des bénéficiaires du RSA, afin de ne jamais perdre de vue notre objectif de poursuivre l'accompagnement des demandeurs d'emploi. Les portes du service public de l'emploi leur seront toujours ouvertes.
En cas d'échec de l'accompagnement, se traduisant par des manquements répétés du demandeur d'emploi à ses obligations, il existe déjà un régime de sanctions, qui se traduit par la suppression de l'allocation et la rupture de l'accompagnement. Nous souhaitons faire évoluer cette logique. L'article 3 construit ainsi un régime de sanctions plus progressif par la création d'une sanction dite de suspension-remobilisation. Par celle-ci, le bénéficiaire verra son allocation suspendue temporairement. S'il reprend son parcours et les devoirs qui lui sont liés, ses droits seront restaurés et ses allocations lui seront restituées.
J'en viens à présent au titre II, relatif à la réforme du service public de l'emploi.
Contrairement à ce que l'on peut lire dans l'exposé sommaire d'un grand nombre d'amendements, les acteurs auditionnés ont tous appelé de leurs vœux l'approche territoriale des politiques de l'emploi et de l'insertion adoptée dans ce texte.
L'article 4 crée un réseau national réunissant l'ensemble des acteurs de l'emploi, de la formation et de l'insertion, afin de définir un nouveau cadre pour l'exercice de leurs compétences, et ce dans le respect de la libre administration des collectivités territoriales consacrée par l'article 72 de la Constitution. Parce que la notion de « charte d'engagements » a pu sembler coercitive, nous proposerons de lui substituer celle de « charte de coopération », dont la signature par les collectivités locales et leurs groupements ne conditionnera pas la coprésidence des comités territoriaux du réseau. Tous ces acteurs partageront un patrimoine commun, en particulier numérique et méthodologique, fourni par l'opérateur France Travail, dont nous vous proposerons de rétablir la nouvelle dénomination, en particulier à l'article 5, qui définit ses missions.
Si l'article 6 vise à mieux repérer les personnes les plus éloignées de l'emploi, grâce à de nouveaux organismes associées au réseau, l'article 7 vise, pour sa part, à développer, en lien avec les régions, une offre nationale complémentaire de formation à distance et à élargir l'accès à la préparation opérationnelle à l'emploi individuel. Nous aurons l'occasion de débattre, mesure par mesure, du bien-fondé de cette réforme ambitieuse, mais je suis convaincu qu'elle nous permettra d'atteindre notre objectif à tous, celui d'accompagner au mieux l'insertion sociale et professionnelle de nos concitoyens et, ainsi, de les aider à sortir de la pauvreté.