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Intervention de Christian Huyghe

Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Christian Huyghe, directeur scientifique agriculture à l'INRAE :

. – Je vous remercie pour votre invitation.

Nous abordons ici un sujet de controverse sociétal. J'apprécie la rédaction de la question : « Réduire l'usage des produits phytosanitaires agricoles, est-ce mettre en danger la production alimentaire ? » car elle traduit un biais majeur qui considère les pesticides comme un intrant, pour lequel il existe une courbe de réponse. Mais les pesticides ne sont pas un intrant. La vraie question est plutôt : faut-il maintenir la protection des cultures ? La réponse est ici positive. Cette protection des cultures a pour but de maintenir les agresseurs en dessous d'un certain seuil de nuisibilité, plutôt que de les éradiquer.

Depuis que le plan Ecophyto a été mis en place en 2009, une absence de réduction de volumes des pesticides chimiques, de synthèse, a été observée pendant dix ans, mais un fléchissement a émergé depuis quelques années. Ceci s'accompagne d'une augmentation régulière des produits dits de biocontrôle, avec en premier lieu le soufre et son large champ d'application, par exemple en viticulture, en protection des céréales. Nous pouvons donc constater un vrai changement dans l'offre et dans l'utilisation de ces produits et nous demander jusqu'à quel point ce système peut aboutir.

Nous rencontrons également deux autres effets de fixation majeurs quand nous évoquons les pesticides :

– la question des alternatives : cette question implique qu'on cherche une « solution miracle ». Il convient plutôt de se demander où trouver des degrés de liberté et quelle sera la consommation alimentaire de demain ;

– la question de la disponibilité des pesticides à long terme. Cette hypothèse est battue en brèche avec les travaux menés sur les soixante-quinze substances actives les plus impactées actuellement. Le risque de génotoxicité lié aux molécules émerge également.

Mais nous devons aussi savoir qu'une baisse d'efficacité des produits est observée, par exemple des herbicides, car les populations sont devenues résistantes. Par ailleurs, nous bénéficions d'un nombre moins important de leviers d'actions et de cibles pour les substances chimiques. Le système est donc amené à évoluer.

Enfin, nous pourrons revenir plus tard sur la question de la réduction de la consommation alimentaire. Pour l'instant, la question se pose d'assurer le même volume de culture avec moins de pesticides. Différents leviers sont alors disponibles.

Le premier levier consiste à réduire la pression : s'il existe moins de bio-agresseurs, moins de produits seront nécessaires. Deux grandes voies existent : les régulations naturelles, pour lesquelles un travail de l'INRAE a abouti en octobre 2022) et l'augmentation de la complexité des paysages agricoles, démarche qui relève de l'agrobiologie, pour réguler les populations mais aussi pour augmenter la production. Il en résulte ainsi davantage de temps disponibles pour les cultures. Ces procédés sont efficaces, peu chers mais peu utilisés car ils nécessitent une transition.

Le deuxième levier est génétique. Proposer des variétés tolérantes aux maladies est pratiqué depuis longtemps mais reste peu utilisé alors que les résultats sont très bons, par exemple les vignes résistantes au mildiou et à l'oïdium. Ici encore, il convient de savoir comment gérer ce processus sur le long terme pour éviter les contournements des plantes. Ce cadre permet aussi l'émergence des nouvelles techniques d'édition du génome et une réflexion sur son utilisation.

Le troisième levier concerne les agro-équipements et le digital. Le potentiel est considérable sur le désherbage mécanique avec, par exemple, une bineuse entre les rangs et sur le rang mise au point en Allemagne, qui fonctionne à une vitesse de 8 km/heure. Des robots existent également, qui sèment et qui désherbent, ainsi que des drones. Nous pouvons aussi évoquer les produits d'éclaircissage sur les pommiers, pruniers, etc., avec un bras qui fait tomber les jeunes fruits inutiles.

Le dernier levier est le biocontrôle, qui marque une rupture totale dans la façon de penser la santé des plantes. Il s'agit ici de réguler une population sans la réduire à zéro, grâce au cuivre ou au soufre. Mais d'autres techniques émergent autour des macro-organimes et de la technique des insectes stériles, des microorganismes, qui ouvrent un champ d'innovation considérable et très prometteur, et enfin des phéromones et des kairomones qui permettent de modifier les paysages olfactifs des insectes.

Tous ces leviers peuvent être combinés, ainsi qu'avec les molécules chimiques en dernier ressort.

La vraie question repose sur la vitesse d'évolution car l'offre doit pouvoir s'aligner et il est important de déverrouiller les systèmes de production. En aval, on doit aussi anticiper la demande alimentaire qui se modifie et gérer les risques associés au passage d'un système à un autre.

Un point important également est celui de l'anticipation des changements liés au dérèglement climatique.

Enfin, je dirai que la recherche a une responsabilité, celle d'attaquer ces nouveaux fronts de science.

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