Intervention de Valérie Faudon

Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 9h30
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Valérie Faudon, déléguée générale de la Société française d'énergie nucléaire (SFEN) :

. – Nous sommes très touchés de votre invitation. Nous avons nous-mêmes fêté hier les cinquante ans de la SFEN et les cent cinquante ans de la Société française de physique.

Nous avons regardé d'anciens débats présidentiels et avons constaté que la controverse « nucléaire vs renouvelable » y était déjà présente. Selon moi, la controverse se place autour de l'idée du 100 % renouvelable. Elle n'existait pas en 1981, François Mitterrand souhaitant un mix, ce qui était aussi le cas pour Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy en 2007. La controverse actuelle apparaît dans le débat de 2012.

Selon moi, la question est d'abord politique car le nucléaire porte des halos symboliques : la bombe, la place de l'Etat, la science, la décroissance, voire le patriarcat. Beaucoup de gens y sont donc opposés.

Cette controverse s'avère compliquée car elle utilise des modèles qui valident des thèses scientifiques. C'est le cas en France, par exemple avec les scénarios de négaWatt, mais également aux États-Unis où Bernie Sanders prône un modèle 100% renouvelable en s'appuyant sur des modèles universitaires. Cette situation complique pour les citoyens la compréhension des enjeux avec peu d'informations sur la méthodologie et les données utilisées. Cependant, nous ne connaissons pas les conditions de 2050. Nous devons aussi faire preuve d'humilité car les chocs pétroliers, le gaz de schiste, la crise en Ukraine n'étaient pas prévus. Il convient donc de choisir la trajectoire la plus robuste et la plus résiliente.

De nombreux travaux existent (Ademe, négaWatt, mais aussi pro-nucléaires), mais aucun ne se base sur une hypothèse de 100 % nucléaire.

Je vais insister sur les scénarios RTE car leur méthodologie a été partagée par tous les acteurs français. Ils s'appuient sur trois niveaux de consommation : moyen de référence (scénario Stratégie nationale bas carbone SNBC), plus faible (sobriété) et plus fort (réindustrialisation profonde ; vertueux car relocalisation en France avec une production bas carbone).

Un nouveau scénario est en cours de réalisation chez RTE avec une perspective haussière de la consommation d'électricité très forte, mais en restant à 1 600 térawatts-heure en 2035, du fait de la demande d'hydrogène dans l'industrie et de l'arrivée des e-fuels dans l'aviation.

Je tiens à rappeler qu'une confusion a longtemps existé entre énergie et électricité. Or il nous faut baisser la consommation d'énergie, et pour cela il nous faut augmenter la consommation d'électricité.

Nous sommes donc devant des scénarios établis fin 2021 et avec trois niveaux de consommation et six trajectoires : trois sans renouvellement du parc nucléaire, trois avec un renouvellement progressif. Cette étude nous indique qu'il existe une différence de coûts, mais que ce sont des coûts de réseau Enedis-RTE et des coûts d'entretien. Ces coûts système jouent donc aujourd'hui à travers la distribution, le transport et l'équilibrage du réseau. Ce scénario de RTE présente aussi le mérite de poser la question de la robustesse du réseau.

Je vais évoquer les forces et les faiblesses du nucléaire. Concernant les faiblesses, nous devons nous interroger sur notre capacité à construire tous les EPR. Selon nous, il est important de lancer les constructions et d'atteindre ensuite un « rythme de croisière ». Il convient aussi de savoir si les réacteurs peuvent avoir une durée de vie supérieure à 60 ans pour ne pas avoir à fermer tous les réacteurs simultanément. Le financement, prévu actuellement à 4 %, pose aussi question, ainsi que la place du contribuable et du consommateur dans celui-ci.

Concernant les énergies renouvelables, les risques identifiés consistent en notre capacité de proposer un déploiement à la vitesse requise, plus élevée que celle de nos meilleurs voisins. Se pose aussi la question de la disponibilité, des flexibilités, donc du stockage.

Nous sommes convaincus de l'importance du nucléaire dans notre système au niveau français mais aussi au niveau européen pour stabiliser l'ensemble du réseau. Au niveau français, je souhaite que nous arrivions à un consensus sur cette question.

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