. – Il existe un travail sur la sûreté, notamment en appui de l'ASN, auquel s'ajoute un ensemble d'activités autour de la radioprotection et de la gestion de crise avec des dimensions opérationnelles sur la dosimétrie. Une des compétences fortes de l'Institut concerne la dosimétrie sous toutes ses formes. Nous sommes organisme de référence sur ces sujets. Nous organisons des inter-comparaisons. Par exemple, nous créons des échantillons qui seront mesurés par un autre organisme.
L'IRSN a développé des méthodes pour faire de votre téléphone portable un dosimètre rudimentaire. Ce projet est unique au monde à ce stade. L'outil serait efficace pour des doses élevées et pour des situations de terrorisme radiologiques. Nous sommes capables avec les téléphones portables de reconstituer la dose reçue par l'individu.
La gestion de crise constitue un bon exemple d'alimentation croisée. Nous disposons d'un centre de crise et de moyens qui seront déployés sur site. Dans notre centre de crise se trouvent des outils pour réaliser des calculs. Nous avons développé des outils de simulation issus de nos recherches et les avons adaptés à une situation de gestion de crise.
À l'international, le cas des VVER 1000 constitue un exemple de prestation nécessaire, car elle entretient nos compétences. C'est d'ailleurs le cas pour la radioprotection quand nous organisons des anthroporadiométries. En effet, certaines personnes souhaitent connaître la radioactivité au sein de leur organisme. Des personnels de médecine nucléaire peuvent notamment s'interroger. Ces prestations réalisées en situation normale nous permettent de nous préparer à une situation de crise et de travailler sur les méthodes. Par exemple, en 2008, 73 kilogrammes d'uranium ont été rejetés dans un canal près du site du Tricastin. Cela avait suscité beaucoup d'émotion. À l'époque, le préfet nous avait demandé des mesures de contamination. Plusieurs jours étaient alors nécessaires en raison des contraintes de la physique. À la suite de cet événement, nous avons développé des méthodes plus rapides. Désormais, nous sommes capables de fournir des mesures en un temps très court.
Ce système croisé est l'une des plus-values de l'organisation actuelle. Nous devons encore progresser et renforcer les échanges. C'est également vrai pour le premier bloc de sûreté nucléaire entre la recherche et l'expertise, lesquelles se nourrissent mutuellement. Par exemple, nous avons mené des essais sur la manière dont un incendie se propage d'une armoire électrique à une autre ou par des chemins de câbles. Ces sujets ne sont aujourd'hui pas bien maîtrisés. Des valeurs existent dans la littérature, mais elles ne sont pas fondées sur des éléments concrets. Ce travail de recherche alimentera notre expertise et nos codes de calculs.
En ce qui concerne l'utilité pour la société, nous présentons une utilité directe, car nous menons des missions de service public. Nous contribuons à assurer la sûreté à travers notre regard extérieur et notre analyse, et ce, à notre place, car le premier responsable est l'opérateur.
Nous jouons un autre rôle, celui d'expert technique. Nous ne sommes pas décideurs et restons en retrait de la décision, laquelle relève de l'opérateur. Ce rôle plus décalé nous permet d'avoir un positionnement scientifique et technique qui, me semble-t-il, est important pour la confiance dans le système de contrôle. Pour que les personnes aient confiance en ce système de contrôle, elles doivent avoir confiance en ses acteurs. Le système actuel permet cela.
Nous réalisons chaque année un baromètre sur la perception des risques par les Français. Le baromètre le plus récent montre une évolution – déjà constatée les années précédentes – sur l'acceptation du nucléaire. Pour la question « La construction d'une nouvelle centrale est-elle une bonne chose ? », 65 % des répondants ont une appréciation positive (+5 points par rapport à l'année précédente), 50 % sont pour continuer à construire (+6 points par rapport à l'année précédente) et 54 % des répondants (+8 points par rapport à l'année précédente) ne sont pas pour la fermeture des installations.
De manière générale, les organismes de sûreté français sont visibles à l'international, car nos installations nucléaires sont conséquentes avec 56 réacteurs. Ce nombre est significatif au regard de ce qui existe dans d'autres pays. Par ailleurs, le système est très centralisé. La taille des opérateurs leur donne un poids important ; c'est le cas d'EDF au sein de Wano, l'association internationale des opérateurs nucléaires. L'Autorité de sûreté nucléaire a également un poids important, de même que l'IRSN. Avec 1 800 personnes, l'Institut n'a pas d'équivalent au niveau européen. L'Allemagne n'est peut-être pas le bon exemple, car elle sort aujourd'hui du nucléaire, mais son organisme expert en sûreté nucléaire comprenait 600 personnes et son organisme expert en radioprotection 300 personnes. Par ailleurs, l'IRSN est reconnue parmi les TSO. J'ai récemment été élu président des TSO européens. Cela contribue au rayonnement des politiques et des démarches françaises grâce à ses acteurs.