Intervention de Philippe Berta

Réunion du jeudi 29 juin 2023 à 9h05
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Berta, député, rapporteur :

. – Hier, la commission de la culture de l'Assemblée nationale a tenu une réunion délocalisée au siège du CNRS. Au cours des dernières années, la France est le seul pays qui n'a pas augmenté le pourcentage de PIB consacré à la recherche. Certains pays augmentent leurs investissements de 20 ou 30 %. La Chine l'a augmenté de 235 % au cours de la dernière décennie.

Mais ce n'est pas seulement la faute de l'État, car le principal contributeur de la recherche est l'industrie. Nous payons aujourd'hui la désindustrialisation. Les Allemands investiront probablement 3,5 % de leur PIB dans la recherche en fin d'année. La France se situe à 2,21 %.

Les Comités de protection des personnes (CPP) sont des structures incroyables qui disposent de moyens infimes. Certains collègues se réunissent dans des arrière-boutiques de bar pour tenir leur CPP. C'est aux CPP qu'est transmis le besoin d'un essai clinique. Les membres des CPP sont tirés au sort. Au cours de la dernière mandature, ce tirage au sort est toutefois devenu un peu orienté afin de s'assurer que parmi les personnes réunies (médecins, scientifiques, etc.) se trouvaient des spécialistes. Ceux-ci étudient la demande de l'industriel pour lancer un essai clinique. Les CPP donnent ensuite le feu vert à cette chaîne de valeur.

Il me semble d'ailleurs qu'une note de l'OPECST sur les essais cliniques serait la bienvenue. En effet, même si la situation s'améliore quelque peu, la majorité des essais cliniques ne se déroulent plus en France. Cette situation est dramatique, car elle cause une perte de chance pour les patients et une absence de retour financier pour l'hôpital. Je parle de centaines de milliers d'euros.

Quasiment toutes les semaines, je rencontre des exemples de médicaments auxquels les patients n'ont pas accès, et ce, pas seulement en oncologie. En effet, la HAS fonctionne « à l'ancienne », comme à l'époque où le médicament était chimique. Derrière chaque médicament chimique se trouvait la perspective de soigner des millions de patients. Nous effectuions alors des bras contrôles. Ce fut notamment le cas pour le Covid où 47 000 patients ont participé à l'essai. Cependant, il n'est pas possible de procéder ainsi pour ces maladies. En effet, le nombre de patients est réduit. La question du bras contrôle ne se pose donc plus. Il faut saisir ces médicaments immédiatement. Ce sont d'ailleurs souvent des traitements de dernière chance. La HAS continue de faire perdre du temps à tout le monde. Ainsi, je compte sur la nouvelle agence d'innovation de santé pour étudier ce sujet de façon urgente.

En outre, 34 % des médicaments autorisés par l'Agence européenne des médicaments ne sont pas accessibles aux Français, uniquement en raison de la HAS. Ce sont évidemment des médicaments qui ont fait leur preuve. Le modèle économique est complexe et doit être revu. Les traitements coûteront toujours cher. 80 % du coût concerne la bioproduction. Le programme France Biolead a été lancé pour essayer de rattraper le retard.

Certes, un enfant traité coûtera 2 millions d'euros avec une injection unique de thérapie génique. Mais un enfant non traité sera décédé à 12 ans et aura coûté 15 millions d'euros à la société.

De plus, nombre de tests diagnostiques ne sont pas remboursés. Les biomarqueurs (circulants, protéiques) sont utilisés par des tests où quelques cellules de la tumeur sont prélevées. Un programme massif de séquençage sera ensuite lancé. Les ARN et protéines de la tumeur seront éventuellement représentés. Il s'agit d'une analyse approfondie, pour laquelle nous sommes certainement insuffisamment équipés dans ce pays.

La note parle de vaccination thérapeutique. La vaccination HPV est prophylactique. Aujourd'hui, le taux des jeunes filles vaccinées est de 20 % et celui des garçons vaccinés de 9 %. Il y a encore 8 000 cas et 3 000 morts chaque année en France. L'Australie annoncera quant à elle 80 % de vaccination en 2023. Elle aura éradiqué à la fin de l'année le HPV et les tumeurs du col de l'utérus.

Les patients experts sont déjà inclus dans les structures de recherche et de soins. Aujourd'hui, l'enveloppe médicament annualisée est décidée par quelques technocrates. La part du budget de la santé consacrée au médicament est passée de 15 % à 12 %. Je pense que cette année, elle sera inférieure à 9 %. Ceci veut dire que la France ne veut plus payer ses médicaments. C'est un choix politique. Je pense que le médicament devrait faire l'objet de négociations continuelles avec le ministère de la Santé, de la Recherche, les patients et les associations de patients et le ministère de l'Industrie. Si nous voulons redevenir un grand pays industriel dans le monde du médicament, les industriels doivent être écoutés, même s'il ne faut pas prendre en compte tous leurs desiderata.

Je ne peux pas répondre sur le sujet du registre national des cancers. Je pense qu'il s'agit plus globalement du problème des données de santé. Pour l'instant, nos données de santé sont traitées par nos amis américains.

Enfin, nous faisons effectivement face à un problème de coût et nous devons nous interroger sur la manière de le calculer. Pour calculer le coût d'un médicament, il faut prendre en compte toutes les données. Le médicament restera coûteux mais il me semble que les industriels sont prêts à beaucoup d'efforts. À ce sujet, une mission médicament à l'Assemblée nationale rendra prochainement ses résultats.

Les industriels sont tout à fait capables de mettre en place un échéancier sur plusieurs années avec une évaluation régulière en vraie vie. Si la promesse du service médical rendu n'est pas au rendez-vous, ils rembourseront. Un modèle économique doit être inventé. J'espère que nous arriverons rapidement à une solution. Le risque est que nos patients ne soient pas soignés. Ceux qui en auront les moyens se soigneront à l'étranger. C'est déjà le cas dans certaines situations. Ce sera également l'effondrement de l'industrie française. Pfizer vient d'annoncer 1,5 milliard d'investissements en France et AstraZeneca 750 millions. Si la manière de gérer le médicament dans ce pays n'évolue pas, ces industriels partiront.

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