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Intervention de Philippe Bolo

Réunion du jeudi 29 juin 2023 à 9h05
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Bolo, député, rapporteur :

. – Le troisième piège concerne les éco-organismes. Il ne faudrait pas les laisser tout faire. Ils sont la pierre angulaire du principe de la responsabilité élargie du producteur (REP) et du principe pollueur-payeur. Ils ont une mission de gestion des déchets. Une régulation devrait toutefois être mise en place. Parfois, des conflits d'intérêts sont à relever, car les actionnaires de ces éco-organismes peuvent être les metteurs en marché. Via l'éco-contribution, ces actionnaires apportent l'argent à l'éco-organisme qui doit gérer les déchets. Il est difficile de demander aux personnes qui apportent des ressources de réduire les quantités produites.

Face aux limites du recyclage précédemment mentionnées, des solutions sont mises en place. Il peut s'agir d'aller plus loin dans le tri, de chercher des polymères qui ne sont pas utilisés aujourd'hui ou de traiter des tailles plus réduites.

Des démarches expérimentales et exploratoires sont menées. Pour le flux de développement, Citeo n'est plus l'éco-organisme qui utilise ses moyens pour aider à recycler, mais un acteur qui lance des appels d'offres pour un certain nombre de quantités de plastiques à recycler. Il devient dès lors un autre opérateur économique. Les plus anciens d'entre nous ont connu des modèles économiques avant les REP. Les collectivités territoriales pouvaient alors s'adresser à plusieurs acteurs pour gérer leurs déchets. Aujourd'hui, une sorte d'intermédiaire voit le jour. Ces acteurs du monde de la gestion des déchets passent par l'éco-organisme, qui lui-même peut parler aux collectivités. Enfin, les éco-organismes, au vu des moyens financiers apportés aux collectivités, ne couvrent pas tout à fait les coûts. Pour ces raisons, nous pensons qu'un contrôle renforcé des éco-organismes est nécessaire. Par exemple, les parlementaires pourraient siéger dans les instances dirigeantes des différents éco-organismes. En effet, c'est le Parlement qui vote un certain nombre d'éléments en lien avec le fonctionnement des éco-organismes.

Le quatrième piège à éviter est que le recyclage chimique ne s'impose au détriment du recyclage mécanique. Le recyclage mécanique présente, certes, des limites et il est imparfait en l'état. Le recyclage chimique arrive en complément, au motif que le recyclage mécanique fait face à des impasses. On observe aujourd'hui un certain nombre d'éléments tendant à montrer que le recyclage chimique pourrait se substituer au recyclage mécanique.

Or des interrogations persistent autour du recyclage chimique, lequel est peu utilisé. Il se trouve dans les laboratoires, mais peu dans les industries. Quels sont véritablement ses impacts ? Les plastiques seront trempés dans des bains pour en extraire les additifs et les monomères. Que deviendront les bains contenant les additifs ? Que deviendront les substances chimiques dont certaines sont toxiques ? Quelle est la traçabilité ? Le recyclage chimique présente en fait les mêmes contraintes que le recyclage mécanique. Pour les deux, un gisement est nécessaire. À chaque fois, il sera nécessaire de chercher les déchets, de les collecter et de les trier. Entre deux technologies de qualité égale, privilégions la plus économe et celle qui a déjà montré un certain nombre de preuves. Évitons les effets verrous et rebonds. Il n'est pas souhaitable que les allégations commerciales laissent penser que le recyclage chimique fait disparaître l'impact de la consommation plastique. L'effet verrou résulte du fait que les collectivités devront moins investir, car il s'agit de technologies industrielles, mais elles devront toujours collecter. Il faut éviter d'enfermer des financements publics dans des logiques de captation de gisement. En effet, d'autres solutions et façons de regarder la pollution plastique existent.

Le dernier piège est la mise en place de la consigne pour le recyclage des bouteilles en PET. Les objectifs européens fixent à 77 % la proportion de bouteilles collectées en 2025 et à 90 % en 2029. En 2022, la France est à 60 % de bouteilles collectées. La France n'est donc pas très bien classée. Ceci a des incidences financières, car pour financer le plan de sortie de crise Covid au niveau européen, une taxe a été mise en place pour les dix pays européens les plus riches. Cette taxe est de 0,8 euro par kilogramme de plastique non recyclé. À ce titre, en 2021, la France a payé 1,42 milliard d'euros. Le sujet peut donc être creusé dans la mesure où le moindre milliard d'euros est recherché lors du bouclage du projet de loi de finances.

La loi anti-gaspillage pour une économie circulaire, dite AGEC, avait prévu que le sujet des consignes reviendrait cette année, car il n'avait pas abouti à l'époque en raison de blocages. La consigne correspond au deuxième « R » de l'économie circulaire. Mais ce modèle nous pose un problème, car il adresse aux citoyens une injonction contradictoire. Jusqu'alors, il leur était dit qu'avec l'extension de la consigne de tri, la bouteille devait être déposée dans la poubelle jaune. Du jour au lendemain, les citoyens seraient avertis que la bouteille doit être mise ailleurs. De plus, cette poubelle jaune a généré des coûts, en équipement, en investissements de communication, en camions de collecte, et parfois en usines de traitement, comme c'est le cas à Angers. Si nous avons aujourd'hui cette capacité à capter ces gisements, c'est parce qu'un effort financier très important a été fourni par les collectivités territoriales et les citoyens, notamment à travers la taxe d'enlèvement des ordures ménagères. Nous avons structuré un modèle qui permet de recueillir un gisement. Alors que ce modèle fonctionne plus ou moins bien, des acteurs privés arriveraient pour profiter de ces investissements et faire de l'argent avec. Bien que j'aie travaillé 25 ans dans une entreprise, cette logique me pose problème en termes d'intérêt général et d'utilisation de l'argent public.

Ensuite, la consigne génère un effet verrou, alors que les collectivités investissent lourdement dans la qualité de l'eau du robinet et que ce sera encore plus cher au cours des prochaines années en raison des pressions sur la ressource en eau et la détérioration de la qualité. D'un côté, la population est incitée à boire l'eau du robinet, d'un autre côté, l'usage des bouteilles d'eau ne serait pas considéré comme problématique. S'y ajoute la différence entre le rural et l'urbain. Ce n'est pas dans les collectivités telles que le Lot ou le Maine-et-Loire que les objectifs ne sont pas atteints, mais à Paris ou Marseille. Pourquoi impacter toutes les collectivités alors que seulement certaines sont concernées ?

Enfin, la consigne ne correspond pas à celle d'antan où lors de l'achat d'une bouteille, une petite somme était gardée par le commerçant et restituée lorsque la bouteille était rapportée. C'est un bon d'achat qui est donné lors du retour de la bouteille afin de racheter dans la grande distribution.

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