. – Le recyclage des plastiques contribue-t-il et à quelle hauteur à l'économie circulaire ? Telle sera la question qui guidera mon propos. L'économie circulaire constitue un changement de paradigme qui nous invite à passer d'une économie linéaire, laquelle prélève et produit des biens de consommation qui peuvent rapidement devenir des déchets, vers un modèle d'économie circulaire où le prélèvement de ressources fera toujours l'objet de la production de biens de consommation, mais qui tourneront au sein d'un cycle. Le recyclage constitue notamment une solution. Souvent l'économie circulaire est résumée au recyclage. Mais elle comprend d'autres composantes : la réduction des quantités consommées, la réutilisation, le réemploi et la réparation.
Quelles sont les quantités recyclées ? Il existe une très grande variabilité des données existantes. Selon que l'on considère les polymères et leur utilisation (emballage, bâtiment, automobile, etc.), les pays ou les méthodes de calcul, les taux de recyclage diffèrent. À titre d'exemple, en 2020, en France, on a consommé 6,5 millions de tonnes de plastiques, dont 3,8 millions de tonnes deviennent des déchets. Une fois devenus déchets, les plastiques sont collectés ou non, préparés au recyclage ou non, recyclés ou non. Lorsqu'ils sont recyclés, ils peuvent faire l'objet d'une production réelle de matières recyclées. Lorsque vous considérez tous ces étages et que vous en établissez le rapport de l'un à l'autre, vous obtenez une multiplicité de chiffres qui vous permettent de conclure différemment.
Je vous invite à considérer la dernière méthode validée par l'Europe : regarder la quantité effectivement recyclée par rapport aux déchets produits. Selon cette méthode, 11,7 % des déchets ont été recyclés, contre 25 % selon d'autres méthodes de calcul. L'OCDE estime quant à elle le taux de déchets recyclés à 9 %. Ces statistiques liées aux données des plastiques et de leur recyclage sont très variables et dépendent de la gestion des déchets et de la quantité de matières recyclées. Cette multitude de paramètres fait que le sujet doit être observé avec beaucoup de précautions.
De plus, il existe deux types de recyclage : en boucle ouverte ou en boucle fermée. Ce n'est pas la même logique du point de vue de l'économie circulaire. Un objet en plastique recyclé qui devient un même objet en plastique s'inscrit dans une logique d'économie circulaire. En revanche, si un pot de yaourt devient un cintre ou un pot de fleurs, il ne s'agit plus tellement d'économie circulaire, mais d'un amerrissage de la production de déchets. Ainsi, les chiffres peuvent être trompeurs, mais ils révèlent un faible taux de recyclage, lequel est encore plus faible en boucle fermée.
Le sujet peut être appréhendé sous l'angle de l'incorporation des matières recyclées. Les plastiques sont-ils réutilisés pour produire de nouveaux objets en plastique ? Les chiffres varient énormément. Au niveau mondial, 8,3 % de plastiques sont produits avec des matières recyclées et 9,9 % en Europe. Pour les seuls emballages, ce taux s'élevait à 7,8 % en France et à 8,5 % en Europe. Les pratiques sont très variables et il est difficile de conclure.
Le recours aux matières plastiques recyclées pour la production de plastiques ne se traduit pas par un recours massif au recyclage. Pourquoi ? Il existe un certain nombre d'obstacles à franchir pour procéder au recyclage. La première limite est technique. Les polymères ne sont pas miscibles entre eux lors du recyclage. Un polymère comprend différentes résines et différents additifs combinés pour lui apporter des propriétés. Le nombre de matières combinées peut être très élevé. Si ces matières ne peuvent être mélangées, la difficulté est notable. De plus, les propriétés physiques du plastique sont dégradées.
La deuxième limite est réglementaire. Un plastique produit il y a vingt ans pour construire un véhicule peut comporter des additifs aujourd'hui interdits. Cependant, la durée de vie du véhicule fait que le plastique arrive aujourd'hui au recyclage. Parmi ces limites réglementaires figure également le grade alimentaire, pour lequel je vous invite à consulter la note afin d'obtenir plus de détails.
La troisième limite est économique, car le prix de la matière vierge est moins élevé que celui de la matière recyclée. Qui dit recyclage dit gisement. Toutefois, le gisement doit être disponible et présent en quantité et en qualité.
L'ensemble de ces limites réduit la possibilité d'avoir recours au recyclage. Malgré cela, d'importants efforts ont été consentis, et ce, à trois niveaux. D'abord au niveau législatif, nous avons défini des objectifs de recyclage et d'incorporation au niveau français et européen. Les collectivités territoriales ont investi massivement. Tous les sénateurs qui connaissent des élus locaux et les députés qui ont été élus locaux et qui ont gravité dans les instances de gestion des déchets, savent combien les montants dépensés ont été importants pour sensibiliser les citoyens à l'extension de la consigne de tri, à la redevance incitative, au tri des biodéchets, à la collecte ou aux centres de tri, etc. Cependant, le résultat n'est pas au rendez-vous. S'ajoutent enfin d'importants efforts de recherche.
Le recyclage progresse, mais moins vite que la production de plastiques, ce qui ne permet pas d'endiguer la production de déchets. Je voudrais vous communiquer deux chiffres issus d'un rapport de l'OCDE de 2022. En 2019, 353 millions de tonnes de déchets plastiques ont été produites. Selon cette même trajectoire, en 2060, ce seront 1 041 millions de tonnes de déchets qui seront produites, soit une multiplication par 4. Le taux de déchets recyclés est compris entre 9 % et 10 % aujourd'hui ; il ne s'élèvera qu'à 17 % en 2060 selon cette trajectoire. Le processus est divergent, car la production de plastiques augmente et le recyclage n'est pas en mesure de la rattraper. De plus, les fuites dans l'environnement sont très importantes.
Pour répondre à ma question initiale, le recyclage ne contribue pas, en l'état, à l'économie circulaire, en tout cas pas seul et sans certaines évolutions.