Intervention de Gérard Longuet

Réunion du jeudi 29 juin 2023 à 9h05
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Gérard Longuet, sénateur, premier vice-président de l'Office :

. – Je voudrais remercier les députés et sénateurs qui ont pu se libérer ce matin. La modestie des effectifs est heureusement compensée par la qualité des intervenants et la profondeur de leurs réflexions. Je voudrais vous présenter les excuses de notre président Pierre Henriet, retenu par l'intérêt que Madame la Première Ministre porte à la lutte contre la grippe aviaire et à la vaccination des palmipèdes. Elle a choisi la Vendée, terre d'élection de Pierre Henriet, pour présenter une action qui sera sans doute décisive.

Trois sujets assez différents composent notre ordre du jour. Ce sera tout d'abord l'examen de deux notes scientifiques, des notes courtes qui demandent un travail long. La première concerne le recyclage des plastiques, affaire que nous suivons depuis l'important rapport présenté en décembre 2020. Nous avions organisé une audition publique sur les enjeux des négociations du futur traité international. Philippe Bolo et Angèle Préville présenteront cette note courte sur le recyclage des plastiques, sujet techniquement plus complexe qu'il n'y paraît.

Ensuite, nous examinerons une note scientifique sur les avancées thérapeutiques en oncologie, sujet qui nous concerne tous et souvent notre environnement le plus proche. Philippe Berta et Laure Darcos nous présenteront les progrès dans le traitement du cancer.

Enfin, nous auditionnerons l'IRSN pour son rapport annuel, lequel s'inscrit dans un contexte connu de chacun, ce qui rendra l'intervention du directeur général de l'IRSN, Monsieur Jean-Christophe Niel, passionnante.

Trois ans après notre rapport sur la pollution plastique, Philippe Bolo et moi-même avons souhaité retravailler sur le recyclage des plastiques. Nous avions déjà abordé ce sujet dans notre rapport. Toutefois, les techniques évoluant rapidement dans ce domaine, il nous a paru important d'actualiser nos connaissances et de les approfondir.

Pour commencer, je vais vous présenter les caractéristiques du recyclage des plastiques. Je tiens d'abord à faire remarquer que la définition retenue du recyclage par l'article L. 541-1-1 du code de l'environnement est très générale. Il définit le recyclage comme « toute opération de valorisation par laquelle les déchets sont retraités en produits, matières ou substances aux fins de leur fonction initiale ou à d'autres fins. Cela inclut le retraitement des matières organiques, mais n'inclut pas la valorisation énergétique, la conversion pour l'utilisation comme combustible ou pour des opérations de remblayage ». Cette définition ne distingue pas le recyclage en boucle fermée, dans lequel les déchets recyclés peuvent être réutilisés pour un usage identique – c'est le cas du recyclage de la bouteille en PET pour refaire des bouteilles en PET – et le recyclage en boucle ouverte, dans lequel la matière recyclée est utilisée pour une destination différente. C'est le cas du recyclage d'une bouteille en PET en fibre synthétique et notamment en fibre polaire.

Il existe deux grandes techniques de recyclage.

D'abord, le recyclage mécanique qui, actuellement, est utilisé dans 99 % des cas. Les déchets plastiques sont collectés, triés pour obtenir des flux homogènes de polymères, puis ils sont broyés, lavés, retriés, extrudés et transformés en granulés pour être réutilisés sous la forme de matières plastiques recyclées.

L'autre grande technologie est le recyclage chimique. En réalité, ce terme très générique englobe de nombreuses technologies différentes, qui peuvent néanmoins être classées en trois groupes :

La purification à l'aide de solvants, qui vise à séparer de façon sélective les matrices polymères des autres matériaux et des substances chimiques (additifs, pigments, substances non intentionnellement ajoutées, etc.). Les déchets plastiques sont plongés dans un bain de solvant qui dissout le polymère ciblé, le séparant des autres composants. Une fois le procédé de purification achevé, le polymère est exposé à une solution non-solvante pour être solidifié par un procédé de précipitation ;

La dépolymérisation, qui consiste à rompre la chaîne moléculaire d'un polymère afin de le faire retourner à l'état de monomère. Une fois que la dépolymérisation a eu lieu, les monomères sont récupérés en vue d'être purifiés par distillation, précipitation ou cristallisation. Il y a plusieurs sortes de dépolymérisation : la dépolymérisation chimique, dont le nom change en fonction du solvant (hydrolyse lorsque le solvant est l'eau, méthanolyse lorsque le solvant est le méthanol, etc.). Il existe également une dépolymérisation enzymatique (ou dépolymérisation biologique) qui vise à briser les chaînes polymères à l'aide d'enzymes. En France, la société Carbios a montré la faisabilité d'un recyclage en boucle fermée des déchets en PET en utilisant ce procédé ;

La conversion (ou dépolymérisation thermique), technique qui consiste à rompre les chaînes polymères à l'aide d'un traitement calorifique. La pyrolyse et la gazéification appliquées aux déchets sont des moyens de les convertir en liquides ou en gaz qui peuvent ensuite être utilisés comme matières premières dans un processus de raffinage-conversion-polymérisation.

Quels sont les avantages attendus du recyclage ?

D'abord, le recyclage s'inscrit dans une logique d'économie de ressources et de gestion durable des déchets. Mais il est également censé limiter les émissions de CO2 et économiser l'énergie. Actuellement, 98,5 % du plastique est d'origine fossile et cette industrie représente 10,7 % de la consommation de pétrole. En 2018, les émissions totales de gaz à effet de serre générées par la production d'objets en plastique dans l'Union européenne étaient estimées à 208 millions de tonnes d'équivalent CO2, dont 63 % au cours de sa production, 22 % lors de la transformation des polymères en produits et 15 % à l'occasion du traitement des déchets plastiques en fin de vie. Par ailleurs, tous les déchets en plastique ne sont pas traités, puisqu'ils finissent dans l'environnement. Au niveau mondial, l'empreinte carbone du plastique s'élevait à 1,8 gigatonne de CO2 en 2019. Cela correspond à 4,7 % des émissions de gaz à effet de serre. En comparaison, les outils numériques sont responsables de 3,5 % des émissions de gaz à effet de serre et le transport aérien de 3,8 %.

Une étude réalisée en 2017 sur les émissions de CO2 et les économies en énergie liées au recyclage a montré qu'une tonne de PET recyclé permet d'économiser 70 % de gaz à effet de serre et 83 % d'énergie par rapport à la production d'une tonne de plastique vierge. L'économie de gaz à effet de serre et d'énergie atteint 89 % pour le recyclage d'une tonne de PEHD.

Le recyclage permettrait également de réduire notre dépendance vis-à-vis des importations d'énergies fossiles et de matières premières (telles que le polyester pour les textiles ou le caoutchouc naturel pour les pneus). Je tiens néanmoins à préciser que pour cela, il faudrait qu'il y existe des filières de recyclage en boucle fermée des textiles en polyester et des pneus, ce qui n'est pas le cas actuellement en France.

La contribution du recyclage à la lutte contre les déchets et la pollution plastique est plus mitigée : s'agissant de la production de déchets, la proportion de recyclage en boucle ouverte ainsi que la limite physique à laquelle se heurte le nombre de cycles de recyclage font de ce dernier un amortisseur temporel de la formation de déchets, sans permettre de les éviter. Quant à la pollution plastique, elle ne se limite pas à la gestion de la fin de vie des plastiques, mais concerne tous les stades de leur cycle de vie (production, usage, fin de vie) et je pense également au relargage des additifs et autres plastifiants, ainsi qu'à la dégradation en microplastiques.

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