S'agissant du plan d'action commun coordonné, j'ai fourni en préambule les explications propres à son fonctionnement. Compte tenu de l'ampleur des manifestations en termes de mobilisation et des moyens qu'elles nécessitent pour la préservation de l'ordre public, il paraît nécessaire que les procureurs de la République soient informés des dispositifs mis en place. Comme ont pu le rappeler les différentes circulaires, les procureurs de la République devront par la suite apprécier l'opportunité de délivrer, ou non, un certain nombre de réquisitions sur les contrôles d'identité. Il est normal qu'ils aient connaissance des dispositifs de maintien de l'ordre correspondants. Les services régaliens suivent chacun leur mission afin de prévenir les débordements et d'apporter des réponses si les interpellations ont eu lieu. Il est normal qu'un plan d'action soit coordonné auparavant. Ce n'est pas une atteinte à l'indépendance de la justice de savoir dans quel contexte général on se trouve et ce qui doit pouvoir se passer.
À partir du moment où les services de renseignement ont pu identifier de probables troubles violents autour de Sainte-Soline, le procureur devait en être informé pour organiser ses services ses permanences en conséquence afin de traiter les suites judiciaires desdits troubles. Un plan commun coordonné ne relève que du fonctionnement optimisé des services de l'État, sans atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire. Les magistrats du siège ne sont absolument pas associés à la conception du plan et ils ne sont pas inclus dans ses éléments préparatoires, sauf en prévision d'un certain nombre de comparutions immédiates ou de comparutions sur reconnaissance préalable de culpabilité qui nécessiteraient leur présence au tribunal.
Concernant les violences illégitimes qui donnent lieu à des enquêtes judiciaires, tout est envisageable. Nous ne donnons aucune instruction sur ce qui fonde la décision d'enquêter et de poursuivre, qui relève du seul procureur de la République. Il peut se saisir à chaque fois qu'il a connaissance d'une infraction ou d'une plainte. S'il apprend la commission d'une infraction par les médias ou par la clameur publique, il a la possibilité d'ouvrir une enquête et il le fait parfois. Il arrive qu'il le fasse spontanément, comme dans beaucoup de types d'infractions, quelle que soit leur nature, par des articles de presse, par ce que relayent les réseaux sociaux. Je n'ai pas de statistique détaillée, parce que ce ne sont pas des éléments qui nous remontent, dans le cas précis des violences illégitimes.
Quant à la question relative à la garde à vue, il revient à l'officier de police judiciaire de prévenir le procureur de la République de la mesure de placement. Dès qu'une personne a été appréhendée, elle est présentée dans les plus brefs délais à l'officier de police judiciaire. C'est souvent un point dont le respect est soumis aux juridictions de jugement par la suite. Pour illustrer mon propos par un exemple qui n'est pas spécifique aux manifestations, lorsque des patrouilles interpellent quelqu'un qui vient de commettre un vol, elles le présentent à l'officier de police judiciaire du commissariat le plus proche. Mais il se passe de toute façon un certain temps. Ce qui est exigé, c'est qu'elles s'y rendent le plus rapidement possible compte tenu des circonstances générales dans lesquelles elles se trouvent. Le procureur de la République dans un premier temps, et la juridiction de jugement le cas échéant, apprécieront si, au regard du procès-verbal de contexte et des éléments tels qu'ils apparaissent dans la procédure, le délai entre la prévention de l'intéressé et sa présentation à l'officier de police judiciaire dépasse ce que l'on pouvait attendre. À partir du moment où les troubles sont très importants dans une ville, il est tout à fait accepté que ce délai varie en conséquence. Il faut accepter de prendre le temps que les personnes concernées soient appréhendées, regroupées et transportées. Si des centaines d'auteurs commettent des troubles, assez rapidement, les moyens vont manquer et les délais augmenter. De toute façon, il y a cette temporisation qu'impliquent les véhicules.
Parmi les juridictions, nous trouvons des ressorts où la densité d'officiers de police judiciaire est beaucoup plus importante. Des officiers de police judiciaire y sont mobiles : ils se rendent sur les lieux de regroupement des personnes afin de s'assurer des conditions d'interpellation, décider du placement en garde à vue et notifier les droits. Les villes comme Paris sont très organisées pour ce type de situation. Je conçois que ce soit plus difficile quand les agglomérations sont plus petites et moins habituées à ces situations.