J'aimerais revenir brièvement sur la circulaire de 2021, évoquée d'ailleurs au printemps à l'appui d'une circulaire complémentaire du 22 avril 2021, sur la judiciarisation des infractions qui peuvent survenir durant les manifestations. Je cite : « Un plan d'action commun coordonné peut être utilement mis en place en collaboration avec les forces de l'ordre et la préfecture ». N'y a-t-il pas de risque de porter atteinte à l'indépendance de l'autorité judiciaire en demandant des plans d'action coordonnés ? Il est de bon aloi que le lancement des poursuites soit le plus décorrélé possible de l'activité des agents de police ayant procédé à l'interpellation, en dehors évidemment de la phase de recueil des preuves et d'établissement des faits. Cette coordination trop poussée ne risque-t-elle pas d'amener les magistrats à jouer pratiquement le rôle de policiers et donc à porter atteinte à leur objectivité ?
J'aimerais savoir quelle est la mise en œuvre dans le cas de violences policières de type individuel. Vous avez parlé de la protection des libertés publiques, qui est en effet une mission de première importance. Quand des violences sont commises à titre individuel, les enquêtes sont-elles ouvertes d'initiative ? Par exemple, lorsqu'un journaliste espagnol reçoit un violent coup de matraque dans l'entrejambe, lequel l'amène à être amputé d'un testicule, attend-on que la victime porte plainte ou bien le parquet ouvre-t-il une enquête ? Avez-vous des statistiques sur ce type de cas ?
Estimez-vous qu'il y a une utilisation abusive des gardes à vue aujourd'hui ? Vous avez expliqué que c'est un officier de police judiciaire qui place en garde à vue. Je rappelle les chiffres qui ont beaucoup circulé dans les médias pour la nuit du 16 mars à Paris : deux cent-quatre-vingt-douze interpellations, neuf déferrements, aucune poursuite. Ces arrestations de masse traduisent visiblement un manque de discernement total quant aux éléments qui conduisent à placer une personne en garde à vue. Comment prévenir ce type de situation ?
J'ai personnellement assisté à la mise en place, pendant plus de deux heures, d'un bus à côté du dépôt de garde à vue à la gare du Nord. On y entassait des jeunes qui n'avaient accès ni un point d'eau, ni à un point toilettes, ni à un avocat, ni à un médecin. Vous avez connaissance de ce type de dispositif. Comment l'utilise-t-on ? Comment faire pour que ces bus, qui portent le sigle de la police nationale, ne deviennent pas des locaux de garde à vue, fermés à toute possibilité de visite de la part des avocats ou des parlementaires ?
Enfin, j'aimerais connaître votre opinion sur les nasses. Là encore, c'est une double atteinte à la liberté individuelle et aux libertés publiques. Je parle de nasses sans possibilité de sortie, dans lesquelles sont utilisés des gaz lacrymogènes. Cette pratique est à tout le moins problématique au regard de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Comment appréciez-vous le type de poursuite que l'on peut mettre en œuvre à l'encontre des donneurs d'ordre ?