Sur le premier point, une réflexion a bien été engagée dans les deux ministères après les manifestations. Comme je le disais à l'instant, les retours d'expérience sont toujours analysés pour déterminer si le cadre normatif est adapté. En l'état, aucune proposition d'évolution ne s'est imposée avec évidence.
C'est surtout le traitement des éléments de désorganisation des manifestations qui a été relevé. Une part des troubles graves à l'ordre public correspond à la délinquance opportuniste, qui profite du trouble pour commettre des pillages de magasins en milieu urbain notamment. Je ne porte pas d'appréciation sur la légitimité de la protestation contre telle ou telle politique, mais le fait de piller un magasin dépasse le champ de la liberté d'expression. Ce qui a été noté lors de la préparation de Sainte-Soline et que l'on a parfois observé dans d'autres manifestations, ce sont des groupes plus ou moins structurés qui organisent la façon dont ils vont éventuellement entrer en conflit, en confrontation physique avec les forces de l'ordre. Cette démarche est évidemment constitutive d'une infraction. Notre préoccupation est de savoir comment les services de renseignement peuvent suffisamment nourrir les investigations, à l'instar de ce qui peut exister dans d'autres domaines, pour identifier les formes d'action visant à commettre des infractions. C'est d'autant plus important que ces groupes peuvent être assez mobiles, de type Sainte-Soline, et se déplacer en plusieurs endroits du territoire national. En amont, la question consiste à savoir comment on coordonne les investigations.
Nous conduisons ces réflexions en utilisant les moyens connus comme des groupes locaux de traitement de la délinquance, plutôt thématiques, qui réunissent sous l'autorité du procureur de la République les différents services d'investigation et de renseignement. Le but est de voir si des éléments sont de nature à être judiciarisés, c'est-à-dire transmis à l'autorité judiciaire pour alimenter des poursuites. Cela ne relève pas du normatif, mais de l'organisation et des travaux qui doivent se faire localement. Ensuite, les parquets peuvent se transmettre les informations reçues.
Je fais le lien avec ce que vous évoquiez au sujet des éléments recueillis dans un cadre administratif. Ce champ est plus complexe. Il rappelle la nécessité d'une qualité de renseignement et d'exploitation de renseignement particulièrement poussée. Les notes blanches sont très utilisées, mais de façon différente. Elles éclairent le contexte général dans lequel on se trouve. C'est utile pour la juridiction. Plusieurs circulaires ont rappelé l'importance de solliciter auprès des services de la sécurité publique l'établissement d'une note qui rappelle ce qui s'est passé, qui explique comment les groupes ont pu se mouvoir, qui identifie les infractions selon les lieux. La note générale de contexte relie l'ensemble des éléments qu'ont pu réunir les services de police à partir de renseignements administratifs. Elle est discutée devant le tribunal et la défense y a accès sans difficulté. Ces informations influent sur le niveau de répression que privilégie ensuite le tribunal. Ce n'est pas du tout la même chose de présenter un prévenu qui a volé une paire de chaussures avec ou sans la note de contexte général qui explique que toute la rue a été entièrement pillée, que le prévenu s'est donc inscrit dans un mouvement général de pillage. Ces notes sont plutôt utilisées. Nous encourageons leur versement en procédure.