Intervention de Jean-Philippe Tanguy

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 13h35
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Philippe Tanguy, député :

En tant que parlementaire, je n'aime pas faire l'arbitre des élégances, mais c'est vraiment un excellent rapport qui, de plus, ce qui n'a pas encore été dit, est très accessible à nos compatriotes. Il est très important que les documents scientifiques et techniques que nous produisons soient accessibles à tous ceux que cela intéresse, quel que soit leur niveau d'études ou de connaissances du secteur. On entre vraiment très facilement dans ce rapport. Je ne suis pas scientifique donc je suis parfois le baromètre de l'accessibilité des documents. Celui-ci est parfait.

Je remarque aussi la densité du travail que vous avez réalisé et des consultations. Je ne veux pas polémiquer, mais je ne me sens pas du tout instrumentalisé et je ne pense pas du tout que notre institution soit instrumentalisée, bien au contraire. Vous avez fait la preuve que, dans un temps très court, vous pouviez répondre à la demande du Sénat. Je partage avec Maud Bregeon le fait que, si une décision doit être prise, il faut le faire le plus rapidement possible, puisque trop de temps a été perdu, tandis que des chantiers immenses nous attendent pour relever les défis climatique et énergétique, ainsi que ceux du pouvoir d'achat et de la réindustrialisation. Je suis donc d'avis qu'on avance très vite et vous aurez le soutien du groupe Rassemblement national pour avancer très vite dans ce domaine, sans aucune ambiguïté ou processus dilatoire destiné à faire semblant de demander quelque chose qui n'a aucun intérêt.

Pour ce qui est de la fuite, je partage votre indignation. Pour une commission d'enquête qui relevait de ma responsabilité, j'ai porté plainte. Il faut que le Parlement se fasse respecter. C'est une pratique qui n'est pas nouvelle. Peut-être cela n'a-t-il pas été le cas pour vous mais j'ai participé à trois commissions d'enquête et il y a eu trois fuites. Pour celle-ci, ce n'est pas moi ! Il pourrait y avoir un soupçon puisqu'une fuite a eu lieu à chaque fois, mais j'ai suffisamment confiance dans mon innocence… Pour avoir porté plainte, je pense qu'il arrive un moment où c'est la seule solution, faire rattraper certains par l'autorité de l'État qui, même ici, n'est pas respectée. Cela se passe de commentaire.

Je pense aussi que l'AFP étant un service parapublic, il serait peut-être bon de leur faire savoir, Monsieur le président, qu'il existe une éthique scientifique et une éthique journalistique. Le fait qu'un média de second ordre, désireux de générer des « clics », donne suite à de telles fuites est une chose. Le fait que l'AFP et son autorité donnent suite à ce genre de fuites, ce qui met en cause l'information comme vous l'avez très bien dit, interroge l'éthique de l'AFP et la bonne information de nos concitoyens, au-delà de la pratique immorale que cela démontre.

Sur le fond, je ne vois pas de problème dans la présentation. Ce sont des recommandations. Que certaines soient en premier ou en dernier ne me pose pas de problème.

Je vous remercie d'avoir eu le courage de tordre le cou à cette espèce de mensonge sur la dualité, pas vraiment un mensonge mais une présentation fallacieuse de cette dualité. Cela fait des années que j'essaie de l'expliquer. Je pense que je l'ai déjà dit ici ou ailleurs : tout ce qui est moulin à prières que l'on doit agiter avant de prendre la parole tue la pensée. Dès qu'on parle de sûreté nucléaire, il faut, avant de dire quoi que ce soit, saluer Monsieur Machin ou Madame Machine, mais tous ces processus verrouillent la pensée et aboutissent à toujours répéter la même chose, parce qu'il faut le dire par convenance ou pour ne vexer personne. On en vient à créer des légendes parascientifiques, comme il existe des légendes urbaines. Il a donc fallu presque vingt ans pour arrêter de dire quelque chose de faux, que tous ceux qui s'intéressaient au sujet savaient être faux. Je pense que c'en est un exemple caractérisé.

Votre rapport apporte beaucoup de réponses et ouvre à mon avis une grande question sur le chantier que nous avons devant nous. En suivant l'historique, que vous avez retracé avec efficacité, de la complexification de la sûreté nucléaire, je n'arrive finalement pas à savoir pourquoi on a autant complexifié et pourquoi nous en sommes arrivés à cette situation, puisqu'il n'est jamais apparu de problème dans l'organisation, même souple, qui a permis d'accompagner le plan Messmer.

Même si corrélation n'est évidemment pas causalité et si je ne veux pas polémiquer, je remarque quand même que, depuis que le système de surveillance du nucléaire est soi-disant parfait, le nucléaire ne fonctionne plus. Oui, je sais que je suis dur, mais c'est aussi dans le but de provoquer.

Je voudrais enfin évoquer le sujet de l'indépendance. L'indépendance en elle-même n'est pas une vache sacrée, puisqu'elle veut aussi dire irresponsabilité. Notamment, le fait que le pouvoir politique se défausse systématiquement sur des agences, qui ont certes leur expertise, pose un problème de responsabilité. Nous l'avons vu dans la commission d'enquête sur la souveraineté et l'indépendance énergétique. Peut-être que le fait que des ministres en exercice n'étaient au courant de rien et n'avaient visiblement aucun problème moral à dire sous serment qu'ils n'étaient au courant de rien est-il lié au fait que le pouvoir politique s'est entièrement déresponsabilisé.

Je ne dis pas qu'il faut remettre le système entièrement sous contrôle, mais le pouvoir s'est déresponsabilisé sur des agences qui, parce qu'elles sont indépendantes, seraient responsables de tout et de rien. À force de ne pas s'impliquer, il ne répond de rien. Or, devant qui sommes-nous responsables ? Devant le peuple, et le problème des commissions ou des agences indépendantes dans une démocratie est qu'on critique la responsabilité populaire, ce qui est quand même problématique, à la fin du raisonnement.

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