Sur l'intervention de Monsieur Davi, si je voulais être relativement mesuré, je dirais qu'il y a une forme de méconnaissance du fonctionnement de l'Office. Si j'étais moins mesuré, je dirais qu'il y a une forme de mépris à l'égard du travail des parlementaires.
La méconnaissance concerne les auditions des rapporteurs, qui ne sont en aucun cas publiques. J'en suis à mon quatrième rapport pour l'Office en six ans ; on n'invite pas les collègues aux auditions. Quel que soit le sujet, ces auditions ne sont pas publiques.
À la suite des annonces de l'exécutif, nous avons organisé, le 16 février dernier, une audition publique qui était filmée et diffusée. Cela fait partie des auditions publiques de l'Office, organisées soit sur des sujets d'actualité brûlants, comme c'était le cas, soit sur des sujets moins sensibles. Il m'est arrivé, par le passé, d'organiser des auditions publiques mais, vous l'apprendrez peut-être dans votre travail parlementaire, on n'invite pas les collègues à assister aux auditions de rapporteurs. Ce n'est pas une obstruction de notre part, mais simplement un usage constant. On verra s'il y a matière à s'en départir mais, pour l'instant, c'est ainsi.
Je vais redire un mot sur le délai dans lequel nous vous avons fourni le rapport. Nous en sommes vraiment désolés. Ce n'est pas une plaisanterie : hier soir à minuit, voire à une heure, nous étions encore en train de faire des corrections. Il ne s'agissait pas de modifications majeures du rapport, mais il est indispensable de vous fournir un rapport mis en forme et rédigé, si possible, sans coquilles, sans fautes d'orthographe, etc. Ce travail incombe bien sûr aux rapporteurs mais aussi aux administrateurs, aux quatre personnes ici présentes qui ont fait des relectures acharnées, jusqu'au petit matin et encore ce matin.
Il ne s'agit vraiment pas d'une volonté de retenir l'information, pour éviter des fuites que nous n'avons, de toute façon, pas réussi à éviter. C'est la preuve qu'un délai, même contraint, ne permet pas d'éviter ce genre de désagrément. Je le regrette, parce qu'après avoir présenté quatre rapports devant l'Office, c'est la première fois que j'observe des fuites sur un sujet que l'on sait suivi et attendu.
Je trouve que ce n'est pas honnête : ce rapport est provisoire. En réalité, on donne à publier à l'Agence France-Presse un communiqué qui pourrait ne pas refléter le rapport qui sera adopté. C'est un biais dont il faut prendre conscience et je m'adresse à celle ou celui qui a pu délivrer ces informations.
Le terme « instrumentalisation » que vous avez utilisé traduit un mépris pour le travail des parlementaires. Nous pouvons nous faire tous les procès d'intention que nous voulons. Jean-Luc Fugit et moi sommes tous deux scientifiques, ce n'est pas un gage d'objectivité, mais nous avons vraiment agi avec la rigueur qui nous semblait nécessaire pour aborder ce sujet.
Nous n'avions pas d'idée préconçue et, à titre personnel, j'ai appris beaucoup de choses sur ce qu'on appelle la dualité. Un paragraphe de notre rapport s'intitule « la présentation fallacieuse du système dual ». Nous avons découvert que ce n'est en réalité pas un système dual ; il existe des cellules d'expertise au sein de l'ASN elle-même et – je crois que c'est le président qui l'a rappelé – 400 décisions sur les 2 000 délivrées chaque année par l'ASN relèvent de l'IRSN.
L'IRSN est donc l'un des acteurs, mais l'ASN a sa propre expertise et EDF a son propre pôle d'expertise. Les groupes permanents d'experts existent et sont là pour confronter les doutes ce qui, pour tout scientifique, est un gage absolu d'objectivité, le B-A-BA. En fait, le système n'est pas dual. On ne trouve pas totalement séparées l'expertise d'un côté et la décision de l'autre. Cela ne fonctionne pas comme ça et nous avons essayé de le mettre en lumière dans ce rapport.
Deuxième point, nous ne victimisons personne et nous n'incriminons personne dans sa pratique. Nous sommes les premiers à dire que l'IRSN fournit un travail remarquable, notamment sur la recherche et dans ses rapports d'expertise. Toutefois, qu'on l'accepte ou non, cela correspondait à un temps où l'activité dans le domaine nucléaire était relativement modeste. Nous avons devant nous un mur d'activité du fait du nombre de réacteurs dont il faut réexaminer le fonctionnement lors des visites décennales, de la variété et de la diversité des sujets relatifs aux nouveaux réacteurs, de la construction de nouveaux réacteurs de type EPR2, etc.
Cela n'a jamais été le cas, même en 1973 lors du lancement du plan Messmer. Il s'agissait, j'allais dire « juste », de la construction de réacteurs d'un certain type, à raison de six par an. Le plan Messmer était très ambitieux, je ne dis pas le contraire, mais ne concernait qu'un seul type de réacteur, à eau pressurisée. Actuellement, nous devons faire face à une diversité des technologies qui, de notre point de vue – nous pouvons nous tromper – nécessite une réorganisation.
Pour rester sur ce point, le rapport que nous vous présentons n'est pas un rapport législatif. Nous ne sommes pas une commission permanente, nous avons été saisis par la commission des affaires économiques du Sénat qui nous pose une question : quelles sont les conséquences éventuelles d'une réorganisation, etc. ? Nous répondons, mais ce n'est pas un rapport législatif.
Vous avez demandé quelle serait la suite à donner. Nous pouvons les uns et les autres décider de porter un certain nombre de ces préconisations dans le cadre d'un texte législatif. Cela ne pose pas de problème. Peut-être que le Gouvernement le fera. Nous disons très clairement en conclusion qu'il faut un texte législatif qui doit être débattu par le Parlement. Je ne peux pas m'engager sur le fait qu'il soit voté par le Parlement. Qu'il soit « soumis au vote » ne serait pas mal.
Nous sommes évidemment dans le même état d'esprit qu'il y a quelques semaines : le sujet ne peut pas revenir par la fenêtre alors qu'il est sorti par la porte, ou le contraire, puisqu'il avait été examiné par voie d'amendement et seulement à l'Assemblée nationale. Quand vous dites que cela a été refusé par le Parlement, je voudrais juste rectifier : cela a été refusé par l'Assemblée nationale. Le Parlement français dispose d'une deuxième chambre. C'est ce qui nous a heurtés, nous sénateurs, parce que ces amendements ne faisaient pas partie du texte initial. Il ne nous semblait pas normal d'aller dans ce sens. C'est pour cela que le Sénat a saisi l'Office, donc ne portons pas de pas de jugement de valeur sur les uns ou les autres. En tout cas, nous avons abordé ce sujet de la façon la plus rigoureuse possible.
En ce qui concerne les observations de la Cour des comptes, nous attendons d'en prendre connaissance. Nous avons usé des dispositions en notre pouvoir, mais pour l'instant nous n'avons pas obtenu ces rapports. En tout cas, nous savons que le rapport de 2014 dit qu'il existait des tensions, et nous savons aussi que les plus récents disent que cela s'améliore. Ce n'est pas un scandale qu'il se produise des tensions, cela existe.