Intervention de Philippe Bolo

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 13h35
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Bolo, député :

Je me réjouis que l'Office puisse se saisir de ce sujet. En effet, souvenons-nous qu'il avait été traité d'une façon déplorable par voie d'amendements examinés à l'Assemblée nationale et pas au Sénat. Nous avions débattu avec ardeur et un amendement avait été déposé pour que l'Office puisse s'emparer du sujet. Donc, c'est une bonne chose que cela puisse être étudié aujourd'hui. J'insiste sur le démarrage manqué de cette réforme, un point d'ailleurs repris dans la lettre de saisine puisque la présidente de la commission des affaires économiques du Sénat évoque une réforme « mal évaluée, mal concertée et mal anticipée ».

Heureusement, vous avez un peu remis le train sur les bons rails, avec un travail de fond qui commence par un rappel sur l'histoire de l'expertise et du contrôle que je trouve utile. Cela permet de savoir d'où l'on vient et le parcours suivi pour arriver au système actuel. Il n'est jamais inutile d'interroger les aspects que l'on veut faire évoluer à la lumière de l'histoire qui les a façonnés.

Ensuite, vous faites l'état des lieux du système actuel. Je ferai aussi la remarque que, parfois, des informations sont fournies ou des propos sont tenus sans que l'on sache véritablement leur provenance. Parfois – c'est un ressenti personnel et non une critique à l'égard de votre travail – cela donne l'impression que davantage d'éléments proviennent de l'ASN que de l'IRSN, alors que le fait de citer aurait peut-être permis un dénombrement permettant de mieux juger de l'équilibre. Vous regardez ensuite les atouts et les risques d'une éventuelle réorganisation.

Je regrette moi aussi la transmission tardive du rapport. J'aurais aimé m'y plonger plus longuement. Je voudrais faire une remarque sur les fuites, parce que nous en sommes les premières victimes – du moins, nous en sommes également victimes – pour la simple et bonne raison que, parfois, cela peut conduire à une communication tardive des documents. Ce n'est pas votre cas, vous avez travaillé tard, jusqu'au dernier moment, mais on peut se demander quand transmettre le document si la fuite devient une stratégie. Nous en sommes donc les victimes, parce que nous n'avons pas le temps de travailler suffisamment les sujets. C'est même dramatique du point de vue des conférences de presse organisées par la suite, parce que c'est le moment où l'on espère que les journalistes seront présents, pour répondre à leurs questions et échanger. Cela peut se diluer en cas de fuite. Des journalistes peuvent renoncer à venir, ce qui nuit aussi à la visibilité de l'Office.

Sur le fond, je voudrais revenir sur trois points en résonance avec des éléments de votre rapport et en vous posant les questions correspondantes. Premier point, vous évoquez l'expertise de l'IRSN, nourrie par ses activités de recherche, menées le plus souvent dans un cadre international, ce qui lui assure les moyens d'investigation les plus performants. Vous dites également qu'un tiers, voire seulement un quart, des activités de l'IRSN concerne la sûreté des réacteurs et la prévention des accidents majeurs dans les installations nucléaires, l'Institut étant également compétent dans des domaines de la radiologie que vous énumérez précisément. Je regrette que cette dernière dimension ne soit pas traitée dans le rapport. Il est axé sur la sûreté des installations nucléaires mais, finalement, on ne voit pas véritablement ce que deviendront ces métiers annexes ou connexes en cas de regroupement des deux organisations.

Pourtant, c'est très important, parce que ces activités sont loin d'être négligeables pour le pays, compte tenu des enjeux qu'elles représentent et aussi parce qu'elles nourrissent parfois la connaissance du chercheur ou de l'expert. En effet, au travers des confrontations avec des collègues qui travaillent sur ces activités périphériques, l'expert peut avoir un autre éclairage de son métier, des disciplines qu'il doit pratiquer et des conséquences que peut avoir l'usage du nucléaire. C'est un point important qui, selon moi, aurait mérité de figurer dans l'étude d'impact. Stéphane Piednoir a dit tout à l'heure que cela serait étudié du point de vue de l'emploi, pour ceux qui ne seraient pas compris dans le rapprochement, mais je pense qu'au-delà de la question de l'emploi, la valeur apportée par ces activités ne doit pas être oubliée.

Mon deuxième point porte sur la temporalité. Je m'appuie sur trois citations de votre rapport. La première citation est : « Il y aurait péril à atermoyer alors qu'une éventuelle réforme peut être engagée dès la rentrée 2023. ». Vous attirez aussi « l'attention sur les tensions, les frictions et les inquiétudes inéluctables que peut faire naître toute perspective de changement institutionnel ». La troisième citation est : « La sûreté nucléaire ne relève pas seulement d'une approche technique mais aussi d'une approche managériale et organisationnelle. » Dans ce cadre, comment voyez-vous l'intégration des équipes qui doivent s'adapter à ce changement ?

De plus, vous mettez vraiment l'accent sur la nécessité d'avoir des moyens additionnels. Vous insistez également sur le sujet de l'attractivité, donc il s'agit vraiment d'un sujet de méthode. Conduire une évolution de l'organisation et du fonctionnement, c'est une chose. Mais comment s'y prendre ? Je trouve qu'il manque des recommandations pour passer de votre plaidoyer en faveur d'un changement à sa mise en œuvre opérationnelle.

Ma dernière remarque porte sur la suite de votre travail. Comment tout ceci sera-t-il orchestré maintenant ? Je rappelle que ce travail de l'Office a été motivé par les amendements déposés à l'Assemblée nationale, le débat dans l'hémicycle et le renforcement souhaité du rôle du Parlement. Comme nous n'y arrivions pas, nous avions présenté l'Office comme un moyen de renforcer le rôle du Parlement. Vous y êtes parvenus et vous formulez une dernière recommandation importante, qui est de « s'appuyer sur un texte législatif dûment débattu au Parlement pour engager toute réforme de l'organisation actuelle ». J'ai presque envie d'amender votre dernière recommandation en ajoutant après « débattu » les mots « et voté ». Il ne faudrait pas que, partant d'une méthode déplorable au départ, on arrive sur une méthode déplorable à l'arrivée. Vous voyez à quoi je fais référence.

Vous parlez d'un texte législatif. Je ne vois aucun espace dans le calendrier d'ici la fin de l'année autre que le projet de loi de finances (PLF). Il faudrait éviter que cette question soit réduite à un amendement au PLF, avec une éventuelle application de l'article 49.3 qui pourrait encore empêcher un débat. Certes, le débat aura lieu, mais le vote aura-t-il lieu ? Je n'en sais rien. Ce point me semble important à signaler.

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