Intervention de Hendrik Davi

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 13h35
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHendrik Davi, député :

Nous examinons aujourd'hui un rapport très important concernant la sûreté nucléaire. Je voudrais effectivement remercier les deux rapporteurs, mais je voudrais aussi dire ma déception sur la forme qu'a prise cet examen.

L'Office est une institution respectable dont nous fêtons d'ailleurs les quarante ans et le moment que nous avons eu la semaine dernière était vraiment bien. Hélas, nous voudrions décrédibiliser l'Office – je pèse mes mots, vous savez que je ne suis pas porté à la surenchère – nous ne nous y prendrions pas autrement, parce que la fusion hâtive entre l'IRSN et l'ASN est critiquée par l'ensemble des salariés de l'IRSN et que l'Assemblée nationale s'est déjà prononcée contre. De nombreux acteurs avaient dit ici leurs doutes sur cette fusion ; instrumentaliser l'Office pour remettre ce projet à l'ordre du jour n'est une bonne idée ni pour le projet en question, ni pour l'Office.

Je pense, mais peut-être me direz-vous le contraire, qu'il s'agit bien d'une instrumentalisation. Pourquoi ? Car les conditions d'examen du rapport ne sont pas satisfaisantes et je vais vous le démontrer. Les membres de l'Office n'ont pas pu assister aux auditions. Je sais que c'est commun, néanmoins je n'ai reçu aucune convocation pour les auditions. J'ai cherché à savoir quand elles avaient lieu. Le rapport a été porté à notre connaissance à dix heures vingt ce matin pour un examen à treize heures trente. Effectivement, vous avez beaucoup travaillé mais, quand on est dans ces conditions… me forger une opinion sur ce rapport quand je le reçois à dix heures vingt est extrêmement problématique.

J'en viens au fond du rapport parce que, en trois heures, je suis quand même parvenu à le lire. Il n'est pas à la hauteur des enjeux. Les enjeux des deux approches, déterministe et probabiliste, de la sûreté nucléaire sont selon moi insuffisamment décrits.

La première partie, sur l'état des lieux, n'apporte aucun élément de réponse à la question qui était posée : quelles sont les forces et faiblesses du système dual ASN/IRSN actuel ? On ne peut que déplorer cette absence de diagnostic du système dual. Le rapport comporte finalement peu de critiques du système actuel.

Certaines assertions importantes, comme celle qui explique en page 14 que le succès du programme nucléaire est dû à la souplesse du système contrôle, sont insuffisamment démontrées. Ce sont des assertions extrêmement importantes. Nous aurions voulu savoir qui avait formulé ces assertions, qui sont peut-être justes, mais insuffisamment démontrées.

Les rapporteurs reconnaissent d'ailleurs qu'ils n'ont pas pu se rendre aux États-Unis pour examiner sérieusement le système de sûreté américain. Il s'agit quand même d'un point important, même si je sais que c'est difficile.

Le rapport contient des remarques inquiétantes, comme celle qui suggère qu'EDF pense qu'il faudrait assouplir, si j'ai bien compris, la prise en compte du risque de séisme et faire confiance, concernant la sûreté nucléaire, aux rapports de la Cour des comptes plutôt qu'aux agents. C'est pour moi assez questionnable.

Les relations entre l'ASN et l'IRSN sont un sujet. C'est un élément du rapport mais, selon les agents eux-mêmes, ces problèmes de relations sont plutôt derrière nous.

Enfin, je remarque beaucoup de manques. Les activités de l'IRSN autres que l'expertise des installations, telles que la surveillance radiologique des travailleurs, le secteur médical, les impacts environnementaux, le traitement de l'héritage nucléaire ne sont pas mentionnées. La question des différences de statut au sein d'une même autorité – puisqu'il s'y trouve des fonctionnaires et des contractuels de droit public et de droit privé – n'est pas mentionnée. À aucun moment le rapport n'aborde les activités du pôle défense et sécurité de l'IRSN autres que celles liées à la sûreté défense. La sûreté des installations de défense est en outre plus effleurée que vraiment évoquée et aucune personne impliquée dans le contrôle de la sûreté défense ne semble avoir été auditionnée. Enfin, les conséquences sociales d'une éventuelle fusion sont mentionnées, mais rien n'est de nature à rassurer les personnels.

En définitive, très peu d'extraits d'auditions sont cités. Elles ont pourtant été nombreuses et on voudrait savoir quelles ont été les opinions exprimées réellement en faveur ou en défaveur d'une fusion et quels points de vigilance ont été soulevés. Le rapport ne les mentionne pas.

Selon la France insoumise, à ce stade, le rapport qui préconise donc la fusion de l'IRSN et l'ASN – c'est votre première recommandation – ne peut pas et ne doit pas être adopté par l'Office. Quelles que soient nos positions sur la relance du nucléaire, le débat sur la sûreté mérite mieux qu'un examen tronqué et un rapport trop hâtif, même si le travail que vous avez fait est de qualité.

Je vous propose donc, en mon nom, que nous ayons un débat plus collégial, avec de nouvelles auditions publiques, avant de rendre un rapport définitif qui fasse vraiment l'unanimité entre nous. Rappelons quand même que le système dual actuel procède d'une proposition d'un ancien président de l'Office, qui s'était exprimé ici même. Je pense que cette question extrêmement importante et extrêmement technique mérite mieux que l'adoption d'un rapport rendu en si peu de temps. Cela m'a quelque peu irrité.

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