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Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 13h35
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur :

En effet, nous avons identifié dans ce travail approfondi un certain nombre de propositions et nous en énonçons huit dans le rapport qui vous a été transmis ce matin.

La première proposition est de clarifier l'organisation, ce qui est le point de départ de notre analyse. Nous sommes arrivés à la conclusion qu'un regroupement des moyens financiers et humains actuellement alloués à la sûreté nucléaire et à la radioprotection permettrait de mettre fin à ce que l'on peut appeler une certaine forme d'ambivalence et de faire face aux nombreux défis qui s'annoncent, pointés à l'instant par Jean-Luc Fugit, face à la diversité des projets qui sont devant nous.

Sous réserve de définir exactement son périmètre d'activité – je cite en première approche le contrôle, l'expertise et la recherche en sûreté nucléaire et en radioprotection –, l'entité nouvelle pourrait être constituée sous la dénomination d'Autorité indépendante en sûreté nucléaire et radioprotection, avec l'acronyme AISNR. La dénomination de l'autorité nouvelle tirerait les conséquences de cette réorganisation matérielle qui renforcerait de fait ses capacités d'expertise. Le rappel de sa qualité d'autorité indépendante, parfois oubliée, devrait être en tout état de cause inclus dans sa dénomination.

La deuxième proposition est d'accroître les moyens. J'en ai dit un mot tout à l'heure : l'état des lieux a mis en évidence le besoin d'augmenter les effectifs dédiés aux activités de la sûreté nucléaire civile, tant en matière de sûreté et de radioprotection que de recherche. Cette augmentation des effectifs doit être réalisée sans tarder et en grande partie dès 2024, concomitamment à l'évolution envisagée de la gouvernance, pour tenir compte des délais nécessaires à la montée en compétence des personnels. Nous n'ignorons pas qu'une acculturation sera nécessaire et prendra du temps.

La troisième recommandation est de préserver l'indépendance de l'expertise. Cette indépendance de l'expertise en matière de sûreté nucléaire doit être préservée quelle que soit l'organisation envisagée. À cet égard, il convient de maintenir une publication des rapports d'expertise, en particulier ceux sur lesquels s'appuient actuellement les décisions de l'ASN. Il apparaît également nécessaire de rendre concomitantes cette publication et celle des décisions de l'Autorité indépendante de sûreté nucléaire.

Par ailleurs, un renforcement du rôle assez largement méconnu des groupes permanents d'experts, à la fois en termes de composition et de fréquence de réunion, pourrait consolider d'une part l'indépendance de l'expertise, en explicitant la confrontation de la diversité des avis, d'autre part la confiance du public, en favorisant une plus grande transparence dans le processus en amont de la décision.

La quatrième proposition est de maintenir la sûreté nucléaire à son haut niveau actuel. La prévention des accidents nucléaires en France doit demeurer au niveau qu'elle connaît depuis maintenant plus de quatre décennies. Toute réorganisation structurelle doit être préparée de façon à garantir le suivi ininterrompu des procédures ouvertes ainsi que la continuité des flux de traitement de l'information régulièrement recueillie auprès des opérateurs.

La cinquième proposition est d'unifier la gestion de crise. À ce titre, nous avons consulté le rapport présenté par nos collègues députés Alma Dufour et Sébastien Rome le 31 mai 2023, au nom de la commission des finances de l'Assemblée nationale, sur l'évaluation du système dual en matière de sûreté nucléaire, fondé sur l'indépendance entre la fonction de régulateur assurée par l'ASN et la fonction d'expertise assurée par l'IRSN. Nous préconisons de reprendre leur quatrième recommandation : « Clarifier la répartition des compétences en matière de gestion de crise entre l'ASN et l'IRSN et étudier la mise en place d'un centre de crise commun entre les deux organismes. Les modalités d'organisation de ce centre devront faire l'objet d'échanges entre le gouvernement, l'ASN et l'IRSN afin de disposer de la structure la plus efficace pour clarifier la chaîne de réponse en cas de situation d'urgence. »

Notre sixième proposition est de renforcer la recherche. Plusieurs de nos interlocuteurs ont souligné la qualité des travaux de recherche menés à l'IRSN, qui bénéficie d'une réelle reconnaissance européenne et internationale dans son domaine. C'est d'ailleurs ce que confirme le Haut Conseil de l'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur (Hcéres) dans son dernier rapport d'évaluation en date du 17 mars 2023. La nouvelle entité devra donc impérativement inclure un département entièrement dédié à la recherche, capable de renforcer cette position de pôle international d'excellence dans le domaine de la sûreté nucléaire et radioprotection.

La septième proposition est d'améliorer la transparence. À notre sens, il faudra garantir dans la future structure des modes d'information et d'association du public, pour lui permettre de suivre les questions techniques les plus importantes tout au long de leur traitement. Une information à froid sur les grands dossiers de sûreté nucléaire et de radioprotection doit notamment être proposée, comme c'est le cas aujourd'hui au travers des concertations numériques systématiquement mises en place par l'ASN, en amont d'une décision du collège ayant une incidence sur l'environnement.

La huitième et dernière proposition concerne les parlementaires et l'OPECST. Je rappelle que, depuis sa création en 1983, l'Office a joué un rôle central dans les évolutions de l'industrie nucléaire en France. Les rapports de l'Office ont souvent influé sur la politique nationale dans des domaines tels que la sûreté nucléaire, la gestion des déchets, la recherche ou encore l'acceptation sociale de l'énergie nucléaire. De ce fait, nous pensons que l'Office apparaît aujourd'hui comme l'instance la mieux à même de traiter les nouveaux enjeux du nucléaire dans leur globalité et d'assurer un suivi de ces questions pour le Parlement.

Nous vous recommandons donc que l'Office reçoive explicitement la mission de suivre de manière rapprochée les questions nucléaires, en particulier celles de la sûreté, de la radioprotection et de la réorganisation envisagée dans ce domaine. Par ailleurs, nous souhaitons que le conseil scientifique qui appuie les activités de l'Office bénéficie du renfort de scientifiques de haut niveau dont l'expertise en matière nucléaire est reconnue.

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