Vous êtes, monsieur le député, un fin connaisseur du sujet. Nous avons assisté à une politique de déflation considérable des forces mobiles, notamment par la réduction structurelle des effectifs, qui a nécessairement induit des problèmes d'efficacité. À une période, certains ont pensé que ces unités ne servaient plus à grand-chose. On les a aussi transformées de forces mobiles en personnels sédentaires.
Nous n'avons pas besoin de plus de policiers mais de « mieux de policiers », en répartition territoriale comme en spécialisation. La réduction de la formation initiale est un danger absolu. La formation doit concerner la relation avec les citoyens quels qu'ils soient, mais également l'apprentissage permanent de l'usage des outils dont les personnels n'ont ni l'habitude, ni l'expérience, ni la maîtrise. Le flashball et le lanceur de balles de défense sont clairement différents en termes de distance, de puissance et de diamètre. L'un est un équipement conçu pour repousser, l'autre pour frapper.
Depuis les évènements récents, les effets pervers de tirs malencontreux de lanceur de balles de défense ont été bien répertoriés. On constate de nombreux usages dont les effets involontaires sont liés à la mauvaise maîtrise et la mauvaise compréhension de l'outil. La qualité des personnels et de leur formation représente des enjeux majeurs. Il a fallu regarnir les effectifs après en avoir perdu beaucoup pour de mauvaises raisons. Mais on ne gère pas la politique du pays avec un tableur à Bercy. S'il est essentiel d'avoir un bon contrôle des deniers publics, certains ont été complices d'une opération qui a désorganisé l'industrie, la sécurité, le militaire et le sanitaire.
Sur le fond, on peut parfaitement redéployer, restructurer et former à nouveau une partie importante des dispositifs. Depuis de nombreuses années, je forme des gendarmes, des militaires et des analystes du renseignement. Je suis étonné du retard de la police nationale par rapport aux autres institutions en charge de l'ordre, notamment depuis le départ du contrôleur général Émile Perez.
Après le ministère Poniatowski est intervenue une modification des régimes horaires à l'arrivée de la gauche au pouvoir. Des effectifs en volume horaire ont été perdus, les heures supplémentaires n'ont pas été réglées. Différents évènements ont montré un profond désamour vis-à-vis du cœur du ministère de l'intérieur, c'est-à-dire les humains. De temps en temps, il existe de grands ministres de la police et de grands ministres des policiers – plus difficilement les deux. Mais l'on sent bien l'immense difficulté. La peine morale, sociale, organisationnelle et matérielle des policiers constitue un véritable sujet de préoccupation.
Dans cette situation, le ministre de l'intérieur actuel est plus actif et compréhensif que certains de ses prédécesseurs. Cependant, il existe un enjeu de doctrine, de structuration des missions. Il faut arrêter de tout mélanger. L'idée de polyvalence a tué le métier : on ne peut pas tout faire avec les mêmes personnels, et seulement 10 % d'entre eux la nuit alors que 50 à 60 % de la criminalité s'y concentre. De surcroît, les affectations horaires et territoriales, les moyens matériels et humains demeurent marqués par une certaine « curiosité » dans les implantations.
Il existe un grand enjeu pour faire de la police un nouvel outil de préservation de la paix, accepté par la population et en situation d'enracinement dans les espaces, y compris les plus difficiles. Cela nécessite évidemment un grand effort qualitatif. L'actuel ministre de l'intérieur en est parfaitement conscient. Mais je ne suis pas sûr que cela soit nécessairement partagé par le ministère de l'économie. Cependant, il ne faut jamais désespérer.