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Intervention de Didier Lallement

Réunion du jeudi 6 juillet 2023 à 8h00
Commission d'enquête sur la structuration, le financement, les moyens et les modalités d'action des groupuscules auteurs de violences à l'occasion des manifestations et rassemblements intervenus entre le 16 mars et le 3 mai 2023, ainsi que sur le déroulement de ces manifestations et rassemblements

Didier Lallement :

Il n'y a pas de stratégie d'interpellation a priori : on interpelle quand c'est nécessaire. On ne part pas dans une manifestation en se disant que l'on va interpeller tel nombre de personnes. Je le répète : l'interpellation, pour les services de police et les services judiciaires, c'est compliqué. Et quand on a interpellé quelqu'un, les choses ne font que commencer. Quand la manifestation est finie débutent les suites des interpellations. Dans les services de l'accueil et de l'investigation de proximité, cela prend la nuit. Quant aux magistrats de permanence, ils y passent la nuit et une partie de la journée suivante. Une interpellation débouche sur de longues heures de mobilisation des dispositifs administratifs et judiciaires. Or, quand le service de l'accueil et de l'investigation de proximité est occupé au traitement de manifestation, il délaisse les autres affaires judiciaires et les autres faits de délinquance, ou du moins il s'en occupe moins rapidement. Cela allonge les files d'attente. Pour les services de police, c'est la principale difficulté : le dispositif est engorgé. C'est exactement la même chose pour les magistrats.

Votre question est sans doute liée à la communication politique selon laquelle le grand nombre d'interpellés serait la preuve que le dispositif fonctionne. Elle ne date ni du gouvernement actuel ni des deux derniers quinquennats. Je ne crois pas que le nombre d'interpellations soit un critère de la réussite d'une opération de police. C'est un élément qu'il est nécessaire que le public connaisse, car il est révélateur du niveau de violence, mais il ne dit pas si la manifestation s'est bien ou mal passée.

Je ne suis pas favorable au statut d'observateur. On n'a pas besoin, dans ce pays, d'observateur dans les manifestations sur le modèle de ceux que les Nations-Unies envoie dans certains États. Nous sommes la République française. Il y a des manifestants, des autorités, des personnes assermentées et un contrôle des images par l'ensemble des journalistes. Si on ajoutait à tout cela des observateurs, ce ne serait plus la République : ce serait considérer que nous sommes hors du droit commun, appliquer ce que l'on fait dans des terres lointaines lorsque la communauté internationale estime les règles fondamentales des droits de l'homme bafouées. Cela me heurterait profondément.

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