Monsieur Lallement, nous sommes ici pour comprendre la nature et les auteurs des violences lors des manifestations. Or, votre gestion du maintien de l'ordre lorsque vous étiez préfet de police a été largement remise en cause et décriée par de nombreux observateurs. Pour le dire clairement, vous avez été accusé d'avoir provoqué des violences, notamment par l'intermédiaire des brigades de répression de l'action violente motorisées auxquelles a appartenu, on l'apprend aujourd'hui, le policier qui a tué Nahel à bout portant à Nanterre. Il a aussi fait partie de la tristement célèbre compagnie de sécurisation et d'intervention 93, compagnie déployée en Seine-Saint-Denis sous votre responsabilité et dont les membres ont été accusés, certains même condamnés, de violence, de vol, de mensonge et de racisme par l'inspection générale de la police nationale après de nombreuses enquêtes. Ce policier avait également été décoré par vos soins, comme on l'a appris hier.
Mais revenons à l'objet de cette commission d'enquête. Votre politique de maintien de l'ordre a été documentée, entre autres, dans une enquête de Mediapart de mars 2020. Elle révèle que de hauts responsables de la gendarmerie nationale jugeaient vos pratiques illégales, notamment parce que vous incitiez vos troupes à impacter les manifestants, c'est-à-dire à rentrer dans le tas. Ces responsables dénoncent vos directives et estiment que vos ordres dérogeaient volontairement au code de la sécurité intérieure, en particulier à son article R. 211-13, selon lequel la force ne doit être employée qu'en cas d'absolue nécessité et de manière proportionnée.
L'enquête de Mediapart cite plusieurs témoignages. Je vais me permettre de lire celui d'un membre d'une compagnie républicaine de sécurité qui, lors d'un défilé, a encadré les manifestants sur près de 14 kilomètres de parcours. « “[L]es black blocs ne bronchaient pas. Ça a commencé à dégénérer quand les Brav ont commencé à intervenir”. À la fin de la manifestation, à la gare de Lyon, “les Brav se sont mis à foncer dans le tas. […] C'est incroyable de foncer dans le tas comme ça alors que ce n'était pas conflictuel”. » Il ajoute que, parmi les manifestants, il y avait des « cas sociaux » – ce sont ses mots – « mais quasiment pas de casseurs. Et les Brav ont chargé gratos ». Et il conclut : « La manière d'agir des Brav démontre soit un manque d'expérience, soit un manque de lucidité, soit des ordres à la con. »
Monsieur Lallement, que répondez-vous à ces critiques émises par des membres des forces de l'ordre, non par des factieux ou des gauchistes ? Placées sous vos ordres, elles vous accusent clairement d'avoir été, lorsque vous étiez préfet de police, à l'origine de nombreuses violences dans des manifestations dont vous étiez chargé d'assurer le bon déroulement.