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Intervention de Isabelle Saint-Mézard

Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Isabelle Saint-Mézard, professeure à l'IFG de l'université Paris 8 :

S'agissant du conflit du Cachemire, précisons d'emblée que l'Inde et le Pakistan sont des puissances équipées plutôt que dotées, n'étant pas signataires du traité de non-prolifération nucléaire (TNP), même si l'Inde a, grâce aux États-Unis et à la France, un statut sur mesure par rapport au régime de non-prolifération.

Ce conflit oppose l'Inde à la partie pakistanaise, mais aussi à la partie chinoise. Pour les Indiens, l'Aksai Chin, historiquement, est au Cachemire. Totalement bloqué, ce conflit a été aggravé par le gouvernement Modi, qui a rendu encore plus improbable toute perspective, si lointaine soit-elle, de stabilisation ou de résolution – je n'ose dire « solution ».

En 2019, à peine un mois après le début du deuxième mandat de Narendra Modi, le gouvernement a fait adopter une loi abrogeant l'article 370 de la Constitution. Symboliquement et idéologiquement important, il garantissait une autonomie, certes assez factice, au seul territoire de l'Inde à majorité musulmane qu'est le Cachemire. L'abrogation du statut du Cachemire, était un point essentiel de l'agenda idéologique de la mouvance nationaliste hindoue. Accorder une autonomie de façade est une chose, modifier la Constitution pour y inscrire ce message en est une autre.

À cette occasion, le gouvernement a divisé le Cachemire en deux territoires distincts, le Ladakh, côté chinois, en face de l'Aksai Chin, et le Jammu-et-Cachemire, côté pakistanais. Surtout, il a dégradé le statut administratif du territoire, qui ne forme plus un État mais deux « Territoires de l'Union » directement placés sous la férule de l'administration centrale.

Côté pakistanais, on est donc dans une impasse : un territoire sur lequel on a des revendications a fait l'objet d'une manipulation politique, idéologique et administrative qui, politiquement, rend toute concession encore moins possible qu'auparavant.

Côté chinois, il n'est pas exclu que la forte dégradation des relations avec la Chine en 2020 soit liée à ce qu'a entrepris le gouvernement Modi en 2019 : un acte unilatéral et déterminant d'affirmation de souveraineté consistant en la dégradation administrative d'un territoire en conflit avec le Pakistan et, d'une certaine façon, avec la Chine. La question mérite d'être posée. Les Indiens ne sont pas de simples victimes de l'agressivité chinoise. Ils ont commis un acte qu'ils disent interne mais qui a des répercussions sur le voisinage, lequel ne peut pas faire semblant de l'ignorer.

La situation au Cachemire est donc bloquée et se détériore. L'acte commis en 2019 rend toute solution difficilement envisageable. Le territoire du Cachemire, du point de vue de la population locale, est un territoire occupé. À l'aune du nombre de soldats indiens qui y sont stationnés, il s'agit probablement du territoire présentant la plus forte concentration de forces de sécurité au monde.

Des pratiques de violation des droits de l'homme y ont cours. Internet a été coupé pendant pratiquement un an et continue de l'être à répétition jusqu'à ce jour. Tous les journalistes un tant soit peu contestataires ou indépendants ont été emprisonnés ou intimidés. La population cachemirie n'a accès ni à la justice, ni à l'éducation. Elle n'a rien. Elle n'a aucun espoir.

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