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Intervention de Tristan Dufes

Réunion du mercredi 5 juillet 2023 à 9h30
Commission de la défense nationale et des forces armées

Tristan Dufes, adjoint au sous-directeur de la stratégie de défense à la DGRIS :

Nous avons rarement l'occasion d'évoquer notre partenariat avec l'Inde, qui est ancien et dense, mais ne va pas de soi. Il doit être entretenu dans la durée, par tous les moyens et à tous les niveaux – relations de travail, relations parlementaires, dialogue entre nos forces de défense.

J'évoquerai d'abord l'inscription de cette relation dans la stratégie de défense française en Indo-Pacifique. J'en aborderai ensuite les aspects historiques, dont je montrerai les conséquences sur sa qualité et ses perspectives d'évolution. Je parlerai enfin de comitologie, c'est-à-dire des grands rendez-vous politiques permettant de l'animer, dès lors qu'elle repose largement sur une impulsion politique. Les intervenants qui suivront traiteront des aspects opérationnels de cette coopération, de ses effets stratégiques et des gains nets qu'elle nous permet d'obtenir pour notre environnement de défense et la défense de nos intérêts de souveraineté en Indo-Pacifique.

L'Inde figure parmi les principaux partenaires de la stratégie de défense en Indo-Pacifique arrêtée par le ministère des armées en 2019. Nous en déclinons les priorités dans la région avec elle. Notre acception de l'Indo-Pacifique n'est pas celle des médias anglo-saxons et du commandement régional américain (USINDOPACOM). Pour les forces armées françaises, l'Indo-Pacifique commence à Bab el-Mandeb et s'arrête à Clipperton et la façade ouest de l'Amérique latine. Les Américains et les Britanniques partent de la pointe du Deccan, au sud de l'Inde, et vont un peu moins loin dans le Pacifique.

La stratégie de défense en Indo-Pacifique inclut les départements et régions d'outre-mer (Drom) et les collectivités d'outre-mer (Com), ainsi qu'une grande part des flux dont nous dépendons pour la prospérité mondiale. Elle comporte quatre axes, à la concrétisation desquels nous travaillons quotidiennement avec les Indiens.

S'agissant de la défense de notre souveraineté dans les Drom et les Com de la région, nous transitons par l'océan Indien pour y projeter des forces dans la région. Nous contribuons à la sécurité des espaces qui les environnent, notamment grâce à la connaissance du domaine maritime – notre partenariat avec l'Inde nous a permis de progresser en la matière au cours des dernières années. Nous veillons à la préservation d'un accès libre et ouvert aux espaces communs, condition de la souveraineté de nos territoires d'outre-mer, que nous ne pouvons défendre que si nous disposons d'un accès aux routes de communication maritimes et aéromaritimes. Nous participons activement, aux côtés de l'Inde, à la stabilité stratégique de la région, grâce à une action globale fondée sur le multilatéralisme.

Cette stratégie est adaptée en permanence, à la lumière notamment de la guerre en Ukraine, des évolutions de certains de nos partenariats dans la région et des soubresauts de la conflictualité induite par nos compétiteurs, notamment un recours accru aux manœuvres hybrides et un retour à la haute intensité. Elle décline, à l'échelle de la région, la notion d'autonomie stratégique, ce pour quoi l'Inde est un partenaire privilégié. Il s'agit, comme l'a souhaité le Président de la République, de fournir aux États de la région des compétences et les capacités de contribuer directement à la stabilité régionale ainsi qu'à la préservation des règles et promouvoir des initiatives collectives de sécurité. Je comprends que les Indiens ont une compréhension similaire de cette notion.

J'en viens à l'histoire de notre relation avec l'Inde, qui met en lumière l'intérêt de ce partenariat, mais aussi l'effort qu'exige l'entretien d'une relation constructive avec un partenaire exigeant dans la durée. Au fil des ans, notre convergence sur la notion d'autonomie stratégique nous a ouvert des champs précieux, que nous explorons. Depuis la visite du Premier ministre Vajpayee en 1998, plusieurs axes structurants ont été définis : la défense, le nucléaire civil, l'espace et la lutte contre le terrorisme, puis la prise en compte des enjeux globaux que sont l'évolution du climat, les océans, la santé, la cybersécurité et le numérique.

Avec le franchissement, en 1998, du palier qu'a été l'établissement d'un partenariat stratégique avec l'Inde, puis la signature, en 2006, d'un accord intergouvernemental de coopération, la défense est l'un des piliers structurants de notre relation avec ce partenaire dans la région. Cette relation de défense appelle deux observations.

D'abord, notre relation est privilégiée, mais l'Inde a d'autres partenaires. Historiquement, elle préfère les partenariats bilatéraux aux partenariats multilatéraux. Nous nous inscrivons dans cette logique, même si la situation évolue. Dans la discussion que nous avons dans le cadre de notre relation de défense, des questions inédites se posent, notamment celles de l'ouverture de partenariats trilatéraux et de la participation aux côtés de l'Inde, devenue plus active en la matière au cours des dernières années, à des formats multilatéraux.

Ensuite, le partenariat d'armement, au sein de la relation de défense, peut paraître nettement visible, surtout depuis la signature du contrat de livraison de Rafale en 2016. Même si notre relation d'armement avec l'Inde est ancienne : dans les années 1950, nous avons fourni du matériel aux Indiens, notamment des avions Ouragan et Mystère. Toutefois, notre relation de défense avec l'Inde ne se résume pas à notre relation d'armement. La construction, grâce aux échanges politico-militaires, d'un cadre d'analyse commun, ainsi que la coopération opérationnelle, ne sont pas moins importantes et en constituent les deux autres piliers.

S'agissant des perspectives d'évolution de notre relation avec l'Inde, nous en vivrons, le 14 juillet prochain, un temps fort. Ces moments privilégiés viennent rythmer une comitologie de dialogue de défense. Le dialogue stratégique entre le conseiller diplomatique du Président de la République et le conseiller à la sécurité nationale du Premier ministre indien dépasse les seules questions de défense. Depuis 2018, un dialogue annuel de défense réunit les ministres.

Depuis 2006, le Haut comité de coopération de défense franco-indien mène un dialogue de nature politico-militaire, tel que nous en avons avec certains de nos partenaires. Il offre un cadre d'analyse privilégié et permet de faire le point sur notre compréhension commune des défis et des menaces, et de trouver les moyens d'y faire face. Il est organisé en deux sous-comités, l'un d'armement dirigé par la direction générale de l'armement (DGA), l'autre militaire dirigé par l'état-major des armées. Par ailleurs, des dialogues ont lieu, notamment dans les domaines de l'espace, du cyber et, depuis 2016, de la sécurité maritime au sens large, qui inclut une coopération opérationnelle, les questions relatives à l'armement et à l'espace, ainsi qu'un large partage d'informations relatives à la connaissance du domaine maritime.

En somme, des travaux sont lancés dans de nombreux domaines. Il s'agit d'un travail de longue haleine. Notre situation est privilégiée parce que notre partenariat est ancien, mais elle n'est pas donnée. Elle doit être entretenue dans la durée, par des efforts politiques et une connaissance du partenaire indien. L'expertise géographique, dans l'administration et ailleurs, doit être entretenue.

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