Madame Thomin, vous nous avez interrogés sur la durée de rémanence, et sur le temps qu'il faudrait pour récupérer un sol lavé de tout pesticide. Cela dépend beaucoup du type de sol, des molécules – certaines sont très longues à dégrader. Dans le cas de la chlordécone aux Antilles, on annonce une durée de dégradation de plusieurs centaines d'années. D'autres molécules sont reconnues comme étant beaucoup plus facilement dégradables, bien qu'on les retrouve parfois malgré tout.
L'un des sites que nous avons analysés, une forêt, est situé en bas d'une vallée et pourrait récupérer tous les ruissellements des plateaux autour : dérive et eaux de percolation. Les transferts dans le paysage peuvent par conséquent être assez importants. Sur les 47 sites que nous avons dosés, nous devons étudier leur environnement. On retrouve par exemple des pesticides en agriculture bio, en raison de phénomènes d'érosion ou de dérive qui peuvent contaminer le sol en produits phytosanitaires.
Les réglementations sur les boues d'épuration visent seulement certains éléments : des traces métalliques, du cadmium, du plomb, du mercure par exemple. Elles ciblent aussi quelques polluants organiques persistants, mais il en manque beaucoup. Il y a effectivement un cocktail de polluants dans ces boues – résidus de pesticides, médicaments – et l'on ne sait pas vraiment évaluer le devenir de ces molécules dans les sols et les transferts vers les plantes.
S'agissant des financements, le réseau de mesure de la qualité des sols dont je vous ai parlé est financé depuis les années 2000 par période de cinq ans. Ainsi, tous les cinq ans se pose la question du financement avec le ministère de l'agriculture et le ministère de l'écologie, l'Ademe et l'Office français de la biodiversité (OFB). Le premier RMQS a coûté dix millions d'euros sur un peu plus de dix ans ; cela correspond aux prélèvements et aux analyses agronomiques au sens large. Si l'on veut analyser les produits phytosanitaires et l'impact sur la biodiversité, le prix du réseau double, soit deux millions d'euros par an. Le programme Écophyto va nous financer pendant trois années supplémentaires.
Ce montant peut sembler important mais, ramené à la surface agricole ou même à la surface de la France, cela ne représente que 30 centimes à l'hectare. Jusqu'à présent, les acteurs publics ont toujours trouvé les moyens de financer ce réseau. Nous espérons pouvoir mener à bien quatre campagnes pour effectuer des comparaisons sur l'évolution de la qualité des sols. Certains réseaux de surveillance sont financés et pérennes, notamment pour les pesticides dans l'eau, parce qu'il y a une réglementation. Ce n'est pas le cas pour les sols.
Le 5 juillet, la proposition de loi européenne sur la surveillance des sols a été mise sur la table. Si elle est effectivement votée, à terme, elle permettra peut-être la mise en place d'un dispositif qui sécurisera la surveillance des sols en France.