Je suis directeur d'une unité de recherche qui travaille sur les sols, à Orléans, et vais vous présenter l'état des connaissances sur la contamination des sols par les pesticides en France. Ces résultats ont été obtenus grâce au réseau de mesures de la qualité des sols (RMQS), piloté par le groupement d'intérêt scientifique sur les sols (GIS Sol). Ce groupement réunit différents acteurs publics, dont les ministères de l'écologie et de l'agriculture, dans le but de financer des travaux et des analyses pour améliorer la connaissance des sols, dont le RMQS.
Le RMQS est un réseau maillé. La France est divisée en petits carrés de seize kilomètres sur seize. Au sein de chacun de ces carrés, un échantillon de sols est prélevé tous les quinze ans, qui est ensuite analysé pour connaître la qualité des sols en France. Tous les ans, nous prélevons ainsi 180 échantillons dans toute la France, lesquels sont ensuite analysés suivant différents paramètres. En parallèle, des enquêtes sont menées sur les sites de prélèvement des échantillons, afin de connaître les pratiques du gestionnaire, notamment en matière de fertilisants mais aussi de produits phytosanitaires.
En 2019, l'Anses nous a demandé si nous pouvions utiliser le réseau pour établir un état des lieux de la contamination des sols par les pesticides, avec un budget d'environ 300 à 400 000 euros. En deux ans, nous avons prélevé 47 sites et cherché 111 molécules actuellement utilisées. Nous avons principalement retenu des sites de parcelles cultivées, de prairies et de forêts. Les analyses ont été réalisées par un laboratoire universitaire à Bordeaux.
Les résultats ont permis d'identifier 67 substances sur les 111 qui étaient recherchées. On a trouvé au moins une de ces molécules dans 46 sites, c'est-à-dire dans 98% d'entre eux, même en agriculture biologique, en forêt et en prairie permanente. Le seul site où nous n'avons rien détecté est une prairie permanente de trente-cinq ans. Les molécules les plus détectées sont, par ordre décroissant, des fongicides, des herbicides puis des insecticides. On retrouve notamment le glyphosate et son produit dérivé, l'acide aminométhylphosphonique (AMPA). On a trouvé jusqu'à 33 substances sur un même site. Les concentrations les plus importantes ont été détectées dans les zones cultivées, davantage que dans les prairies et forêts.
Nous avons identifié un risque potentiel sur un grand nombre de ces sites, notamment pour les organismes du sol ; mais mes collègues reviendront plus en détail sur ce point. Nous avons par ailleurs effectué des calculs de temps théorique, à partir des enregistrements des pratiques des agriculteurs et de notre base de données, pour déterminer le temps de dégradation théorique de ces molécules. On observe que l'on retrouve parfois dans les sols certaines molécules qui devraient, en théorie, déjà avoir été dégradées. Ceci pose la question des temps de rémanence dans l'environnement et dans les sols de ces différentes molécules, mais aussi du devenir et de la persistance de ces composés dans les sols par rapport aux études théoriques qui servent à l'homologation.
En conclusion, nous avons montré que le réseau de mesures pouvait être utilisé comme un réseau de surveillance pour les produits phytosanitaires. A priori, nous avons acquis le soutien du programme Écophyto pour poursuivre cette étude, cette fois sur l'ensemble des 180 échantillons prélevés annuellement, pour encore trois ans. L'objectif assigné est de mesurer en parallèle la concentration, l'exposition et l'impact sur la biodiversité pour tous ces échantillons.