Une des grandes difficultés de notre étude tient à la diversité des taux implicites. Par exemple, selon que l'on utilise des taux implicites avant ou après report, la situation change. Certaines entreprises annoncent des déficits, lesquels cachent en réalité des optimisations fiscales. Il conviendrait donc d'aller plus loin dans ce domaine.
Ensuite, la question du différentiel d'imposition par taille doit être relativisée pour différentes raisons. Il faudra voir les effets des mesures prises depuis 2019 sur les sociétés, mais tout laisse à penser qu'elles avantagent plutôt les grandes entreprises. De plus, la plupart du temps, les différents taux implicites qui nous servent de comparaison sont traités avant crédits d'impôt, ces derniers n'étant pas défalqués. Or l'écart du CIR va sans doute repartir à la hausse. Mais quelle que soit notre analyse sur la plus ou moins grande différence selon la taille des entreprises, nous avons identifié les mêmes facteurs de déséquilibre. La vraie distinction est celle entre les entreprises multinationales et les autres. En effet, des milliards d'euros échappent sans doute à l'impôt et cet enjeu est majeur pour l'État.
Madame Marie-Christine Dalloz, nous avons failli émettre une proposition commune sur le CIR. Ce crédit avantage de manière un peu trop importante les grandes entreprises et coûte 7 milliards. Le Conseil des prélèvements obligatoires a proposé trois scénarios de réforme, dont l'un permettrait de récupérer 2 milliards d'euros de recettes. Le gouvernement s'interroge aujourd'hui sur le report de la suppression de la CVAE, report auquel je ne suis pas opposé. Cependant, il semble tout aussi opportun d'envisager de récupérer 2 milliards sur le CIR, qui avantage surtout les grandes entreprises. C'est la raison pour laquelle j'ai effectué à titre personnel une proposition de réforme du CIR.
M. Philippe Brun a évoqué la déductibilité des charges financières. Une de nos propositions communes vise précisément à cibler ce sujet. Il importe en effet de réduire les écarts entre PME et grandes entreprises, mais aussi de traiter l'utilisation de cette déductibilité à des fins d'optimisation fiscale, notamment dans le cadre de holdings.
S'agissant du renforcement des moyens de la lutte contre la fraude et notamment du PNF, les personnes que nous avions interrogées nous ont toutes indiqué qu'elles éprouvaient des difficultés pour retenir les cerveaux, c'est-à-dire des gens du niveau des avocats fiscalistes des parties adverses. Nous préconisons le renforcement des moyens techniques et humains, notamment au niveau du PNF.
Madame Dalloz, les aides ne sont pas toutes rendues publiques. Par exemple, nous n'avons pas le droit de vous dire aujourd'hui quel est le montant du crédit d'impôt recherche dont a bénéficié Sanofi, car il s'agit d'une donnée couverte par le secret fiscal. Une plus grande transparence s'avère donc nécessaire en la matière.
S'agissant de la propriété intellectuelle, certaines entreprises françaises déplacent leur siège social de manière opportune, se localisant d'abord en France pour bénéficier de différents dispositifs comme le CIR avant de partir à l'étranger pour payer moins d'impôts sur les prix de transfert. Nous préconisons par exemple que cela ne soit plus possible. En la matière, nous pouvons d'ailleurs considérer que nous sommes très timides par rapport aux Américains, qui protègent beaucoup plus leurs sièges sociaux et leur propriété intellectuelle. Leur politique est moins libérale que la nôtre de ce point de vue.
Monsieur de Courson, je vous trouve un peu sévère quand vous considérez que nos propositions sont timides. Par exemple, nous estimons qu'il est nécessaire d'aller plus loin sur le pilier 2, qu'il faut continuer à renégocier. Nous nous déclarons également favorables à une harmonisation fiscale et sociale en Europe et nous formulons des propositions en matière de transparence fiscale. Nous proposons notamment d'étudier les possibilités d'un droit de contrôle des salariés renforcé concernant la politique fiscale de l'entreprise, en reprenant ici une proposition de la CFDT. De même, nous évoquons la possibilité de mener une revue des taux réduits d'impôt et de revoir la question de la quote-part pour frais et charges applicable dans le cadre du régime mère-fille.
Pour ma part, je suggère de ne pas attendre la fin de la négociation du pilier 2 et d'établir un dispositif, notamment à travers une taxe unitaire française.
Enfin, nous avions diagnostiqué le problème relatif aux dividendes et à la mise en place de holdings dédiés. Ces éléments, qui avantagent les grandes multinationales, ont aussi des implications sur l'enrichissement des milliardaires, comme l'étude de l'IPP l'a révélé.