Je ne suis pas spécialiste des black blocs : c'est de mon ressenti qu'il s'agit, en aucun cas d'une expertise. Ce que les policiers me disent, et également des gens du renseignement, c'est qu'on a affaire à une nébuleuse, à une mouvance pas du tout structurée, à des membres qui la composent ponctuellement. Il y a une agglomération de gens, comme des mouches autour d'un verre de lait, qui repèrent les grands événements à venir. Ce fut le cas pour Sainte-Soline : j'ignorais jusqu'à l'existence de cette localité mais, quinze jours à l'avance, on m'a prévenu qu'il allait se passer quelque chose de terrible là-bas. Moi qui suis un professionnel des questions de sûreté, mais qui ne suis ni dans l'appareil d'État ni particulièrement informé, je savais cela avec deux semaines de préavis. On m'avait même dit qu'il risquait d'y avoir des morts.
Autour de ce verre de lait donc viennent de toute l'Europe des gens dont les profils relèvent globalement – ce n'est, je le répète, qu'un ressenti – d'une mouvance d'ultragauche, comportant des écologistes, des autonomes et de simples nihilistes, des casseurs, certains fils de bourgeois et d'autres non. C'est très compliqué. Ce qui est sûr, en revanche, c'est qu'il y a un échelon supérieur, même si ce n'est pas de façon organique. Il y a des gens, même s'ils ne se connaissent pas et ne se parlent pas, dont l'objectif affiché et assumé, et il y en a y compris au sein de l'Assemblée nationale, est de détruire la Ve République. Ils peuvent tout faire, soit en ne condamnant pas soit en incitant, pour que certains commettent un maximum de violences sur le territoire national. Des groupes, parfois structurés mais souvent une agglomération de gens disparates ayant en commun une espèce de haine ou d'envie de violence, et pour certains de détestation de la France, sont encouragés par des gens qui, à un échelon au-dessus, ont très clairement une logique antirépublicaine.
Jusqu'à maintenant, et cette hypothèse serait restée théorique jusqu'aux deux derniers jours, il n'y a pas eu de convergence entre ces gens que j'appellerais d'ultragauche, par facilité, et les banlieues. Une tentative a eu lieu au moment de l'affaire Théo en 2017, mais elle n'a pas abouti. On peut se demander si le rapprochement ne va pas se produire dans les prochains jours. Beaucoup essaient de le générer. Pour l'instant, malgré plusieurs tentatives, on n'a rien observé de tel.