La technique de l'impact, indépendamment de la question des moyens, correspond à une nécessité tactique de reprise du terrain. Les armes de force intermédiaire sont des moyens de maintien à distance, pas de dispersion.
Il existe une différence de doctrine entre policiers et gendarmes, qui n'est pas forcément écrite et que je vais résumer telle que je la comprends. La logique des gendarmes est globalement de moins aller au contact : ils restent un peu en retrait et, lorsqu'apparaît une zone de violence, ils saturent l'espace de gaz lacrymogène, ce qui n'est pas sans effets pervers car ils sont alors tributaires du vent. Dans la police, c'est plus mitigé : il peut y avoir parmi les compagnies républicaines de sécurité une tradition tactique plus orientée vers l'impact. Certes, tout le monde obéit à des ordres, mais dans la part d'autonomie tactique laissée aux uns et aux autres, les deux cultures sont légèrement différentes.
Vous avez auditionné Thierry Vincent qui suit une logique politique, idéologique. Avec une certaine distance, que je laisse chacun apprécier, il porte la parole de gens dans une démarche de fracas et de rupture avec notre société. Il ne faut pas tomber dans le piège : tout ce que l'État mettra en œuvre, sur le plan judiciaire ou tactique, pour se protéger et avant tout pour protéger la République, sera critiqué comme un glissement vers le fascisme, l'américanisation, le surarmement. C'est, comme je le disais, une logique politique. Les black blocs sont tout de même entravés par un certain nombre de mesures tactiques ou judiciaires, ces dernières pouvant être encore renforcées. En réalité, pour les raisons évoquées et en particulier l'affaiblissement des moyens de force intermédiaire depuis l'affaire Rémi Fraisse en 2014, l'affirmation selon laquelle la police est surarmée est objectivement fausse : les moyens ont plutôt diminué.
Vous m'avez interrogé sur le manque de formation. D'un côté, je ne crois pas à des lacunes car le maintien de l'ordre est le métier des unités de force mobile, compagnies républicaines de sécurité et escadrons de gendarmerie mobile. D'un autre côté, d'autres unités leur sont adjointes qui ne sont pas toujours, en tout cas au début, parfaitement formées à cette mission. En cas de crise, on demande à des brigades anti-criminalité de renforcer les unités de maintien de l'ordre, mais elles ne sont pas du tout conçues pour travailler de la même façon. Il peut être compliqué pour les agents des brigades anti-criminalité de percevoir tactiquement comment la force qu'il est habitué à engager, en contrepartie de celle à laquelle il est exposé, s'adapte à l'univers complexe du maintien de l'ordre. Celui-ci obéit, en plus, à des règles qui ne sont pas strictement identiques. À Paris, les compagnies d'intervention et les brigades de répression de l'action violente sont néanmoins très efficaces, en dépit de la propagande que l'extrême gauche essaie de véhiculer.