La Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement a pour mission de contrôler l'usage par les services de renseignement des techniques de renseignement énumérées par la loi. Elle rend notamment un avis au Premier ministre sur chaque demande visant à recourir à ces techniques. Si le Premier ministre souhaite délivrer une autorisation malgré un avis négatif, la Commission doit solliciter l'arbitrage du Conseil d'État. En pratique, cela n'arrive jamais. Il arrive, en revanche, que le Premier ministre oppose un refus malgré l'avis positif de la Commission pour des raisons d'opportunité.
S'agissant des techniques de renseignement visant des membres de groupuscules violents, l'action des services de renseignement trouve son fondement au 5° de l'article L. 811-3 du code de la sécurité intérieure, relatif, en particulier, à la prévention des violences collectives de nature à porter gravement atteinte à la paix publique. Les autorisations délivrées sur ce fondement représentent environ 12 % des 90 000 demandes de surveillance reçues par la Commission. En 2022, cela a représenté exactement 2 692 personnes surveillées.
Une même personne peut faire l'objet de plusieurs techniques. Dans le cas des militants violents, les méthodes de base incluent l'étude de la facture téléphonique détaillée ou « fadette » de la personne visée, la géolocalisation en temps réel qui permet de savoir où elle est sans avoir à la suivre, et l'interception de ses communications pour essayer de connaître son activité. Il peut s'agir de militants engagés dans divers courants de l'ultradroite ou de l'ultragauche ainsi que de personnes connues pour leur appartenance à des groupes violents, comme des hooligans ou des motards.
La Commission accorde une attention particulière aux demandes fondées sur cette finalité car les techniques sollicitées sont susceptibles de porter atteinte à la protection de la vie privée des personnes concernées, mais aussi à leur liberté d'expression et de manifestation. Conformément aux garanties fixées par le cadre légal du renseignement, plusieurs conditions doivent être réunies pour admettre la demande : la vraisemblance d'un risque de violences ; le caractère collectif de ces violences ; leur degré de gravité et d'intensité enfin, car il doit s'agir de violences susceptibles de causer, selon les termes mêmes de la loi, un trouble grave à la paix publique – une notion qui relève du ressenti du citoyen, celle d'ordre public incombant à l'appréciation du préfet.
S'agissant d'une matière telle que le renseignement, qui vise à prévenir, à des fins de police administrative, d'éventuelles menaces contre les intérêts fondamentaux de la Nation à partir d'indices, la Commission doit faire confiance au service demandeur. Elle n'a pas de pouvoir d'enquête et ne peut donc vérifier elle-même les faits qu'il décrit dans sa demande. Mais elle exige que les services présentent des demandes particulièrement motivées, éventuellement complétées de renseignements supplémentaires si les informations qu'elles comportent lui paraissent insuffisamment étayées au regard des enjeux invoqués. C'est un exercice relativement facile lorsqu'il s'agit de hooligans ou de certains groupes antifascistes, dont la violence constitue l'objet même de l'activité. Dans ces cas, il suffit d'attester à la Commission de l'appartenance à un groupe violent. Concernant l'ultradroite, la Commission dispose souvent d'éléments liés à une passion des personnes visées pour les armes à feu.
La surveillance de l'ultragauche est moins aisée dans la mesure où il est rarement question de détention d'armes. Sa culture lui permet de mieux se protéger des services, par exemple en n'utilisant pas ou en utilisant peu les téléphones portables. Elle présente par ailleurs une plus grande diversité, qui s'est sensiblement accrue avec le développement d'un militantisme écologique. De nouveaux acteurs, inconnus des services, ont émergé. Ils ont développé de nouvelles formes d'action constatées, par exemple, lors de l'épisode des gilets jaunes. Le collectif des Soulèvements de la Terre résulte ainsi d'un mouvement de convergence ou d'entrisme. Il forme une sorte de creuset militant dont l'organisation est difficilement saisissable.
La Commission s'est efforcée de donner aux services des repères sécurisants : un manuel de la doctrine et des séances de retour sur dossier. Elle a aussi veillé à comprendre l'évolution de la menace, à travers de nombreux échanges thématiques et des déplacements au contact des services. Sa doctrine a également évolué s'agissant notamment de la prise en compte des atteintes aux biens, lorsque de telles atteintes s'inscrivent dans un contexte d'aggravation des violences, ou de la surveillance de personnes qui, sans prôner la violence, l'acceptent, notamment en apportant un soutien logistique. L'exemple des mobilisations anti-bassines vient ici à l'esprit.
Au final, le taux des avis défavorables est plus élevé dans ce domaine qu'en matière de contre-terrorisme ou de contre-ingérence, sans que cela entraîne une incapacité des services à exercer une surveillance efficace : plus de 10 000 demandes de surveillance sont aujourd'hui présentées sur ce fondement, contre environ 4 000 en 2017.