Je ne crois pas. De notre côté, nous nous étions adressés aux joueurs. Le règlement indique que si un évènement raciste intervient dans un stade, l'arbitre doit le signaler dans son rapport. Malheureusement, bien souvent, les joueurs victimes de racisme ne veulent pas créer de polémique, en pensant à leur carrière et à leurs clubs. Ils finissent donc par minimiser ce qui leur arrive ou ce qui peut arriver à leurs collègues. Dans notre documentaire, nous avons interrogé le joueur camerounais, M. Samuel Eto'o, qui avait été pris à partie par le public de Saragosse lorsqu'il jouait pour le FC Barcelone. Ses coéquipiers, dont certains étaient noirs, lui disaient de ne pas quitter le terrain car son équipe allait perdre le match.
Nous avons également donné la parole à M. Samuel Umtiti, champion du monde avec l'équipe de France en 2018. Après la victoire des Bleus, il a subi un torrent de commentaires racistes, notamment anonymes, sur les réseaux sociaux, que les joueurs utilisent par ailleurs fréquemment. Parmi les commentaires, on pouvait lire que « ce n'est pas l'équipe de France qui a gagné la Coupe du monde, c'est l'équipe d'Afrique ». Quand on a rapporté cela au joueur, il ne voulait pas forcément revenir sur cet épisode. Il avait d'ailleurs hésité à nous accorder une interview, car selon ses propres termes « il ne voulait pas passer pour une victime ».
J'écoutais les propos de Mme Béatrice Barbusse, qui a été auditionnée avant moi. Il y a sans doute une éducation à mener en amont sur ce sujet, sur la manière dont on se comporte quand on éduque les enfants dans les fédérations sportives. Le sportif de haut niveau ne doit pas montrer de faiblesse et, pour certains, dire qu'il a été touché par une insulte ou une discrimination revient à accepter le statut de victime. Il arrive très souvent qu'un joueur soit victime de racisme sur le terrain mais qu'il ne le signale pas. L'arbitre dira alors qu'en l'absence de ce signalement, il n'a rien à indiquer dans son rapport.
Les joueurs doivent donc être conscients de la nécessité de rapporter de telles situations. Les joueurs doivent être convaincus que reconnaître que l'on a été victime de racisme et que cela les a touchés ne constitue pas une faiblesse. Certains le font, mais c'est souvent compliqué. Un joueur de basket du championnat de France a été touché par une insulte raciste et l'a signalé. Un jugement interviendra d'ailleurs au mois d'août. L'accusé est un septuagénaire, qui s'est excusé mais assume d'avoir insulté le joueur de basket, lequel a ensuite été victime d'une dépression.