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Intervention de Marc Sauvourel

Réunion du jeudi 20 juillet 2023 à 11h50
Commission d'enquête relative à l'identification des défaillances de fonctionnement au sein des fédérations françaises de sport, du mouvement sportif et des organismes de gouvernance du monde sportif ayant délégation de service public

Marc Sauvourel, réalisateur :

Comme vous l'avez indiqué, nous avons mené ce projet avec M. Olivier Dacourt, un ancien joueur de football, ex international français, qui a joué huit années en Italie, un pays gangréné par le racisme dans ses stades de football. En 2019, nous avons souhaité réaliser ce documentaire sur le racisme dans le football, après le signalement d'une insulte raciste dans un stade italien par le joueur français M. Blaise Matuidi, qui jouait alors à la Juventus de Turin.

J'ai discuté avec Olivier de son expérience professionnelle et j'ai trouvé curieux qu'il me dise ne pas avoir ressenti le racisme dans les stades italiens, malgré ses huit années passées en Italie. Je pense qu'Olivier a une force de caractère et une force mentale qui lui permettaient de se focaliser uniquement sur le match, mais ce n'est pas le cas de tous les joueurs. Tous les joueurs, et nous l'avons encore vu il y a deux mois avec le joueur brésilien du Real Madrid, Vinícius Junior, n'ont pas la capacité d'être absorbé de cette manière par la rencontre.

Cela donne lieu à des débordements : les supporters se servent de ces actes racistes pour déstabiliser les équipes. Bien souvent, ils s'abritent derrière le supporterisme pour soutenir qu'il ne s'agit que d'une manière d'affaiblir l'équipe adverse. De leur côté, les fédérations disent agir, mènent des campagnes contre les discriminations, qui bien souvent se résument à des banderoles « Non au racisme » déployées avant les matchs.

Certes, il existe bien un arsenal de sanctions et une évolution a vu le jour après notre documentaire. Pourtant, j'ai pu constater que les joueurs sont livrés à eux-mêmes vis-à-vis des insultes qu'ils peuvent recevoir. Bien que des soutiens officiels existent, aucune action n'est véritablement conduite pour les protéger. Par ailleurs, les préjugés racistes perdurent : même sans vouloir être consciemment racistes, nous le sommes souvent.

La deuxième partie du documentaire se penche d'ailleurs sur la représentation des entraîneurs noirs ou arabes en France. Si les joueurs de couleur composent à 50 % les effectifs, il n'y a que 5 % d'entraîneurs ou de dirigeants. Nous en concluons que les préjugés ont la vie dure. Il y a quelques années, Mediapart avait ainsi révélé une affaire de quotas de joueurs de couleur dans les centres de formation. À l'époque, les préjugés voulaient que les joueurs noirs soient athlétiques et puissants et les joueurs blancs intelligents. Les joueurs noirs auraient donc vocation à jouer en défense et les blancs au milieu de terrain, dans des postes de meneurs-organisateurs du jeu. Au sein de l'équipe championne du monde en 1998, on a souvent vanté la puissance de joueurs comme MM. Lilian Thuram et Marcel Dessailly et la vision du jeu de M. Didier Deschamps.

Naturellement, les hommes noirs peuvent passer leurs diplômes d'entraîneur comme les hommes blancs, mais les préjugés demeurent. Notre documentaire donne d'abord la parole aux joueurs, à des arbitres, à des entraîneurs et des dirigeants, pour exposer les actes discriminatoires et racistes dans le stade. Il s'agissait donc d'exposer des faits et de donner la parole à ceux qui les subissaient. Ensuite, une fois que l'on avait exposé ces éléments, il s'agissait de voir comment les fédérations et les acteurs agissaient, par exemple l'éventail des possibilités pour un arbitre d'intervenir quand un acte raciste survient dans un stade. Nous nous sommes également penchés sur les règlements mis en place par les fédérations pour lutter contre le racisme.

En résumé, nos premières conclusions indiquent que le joueur est livré à lui-même et que les sanctions, bien qu'elles existent, ne sont quasiment jamais appliquées derrière les discours de façade. Il n'existe pas de sanctions proportionnées face aux déstabilisations que subissent les joueurs. Cependant, depuis 2019, nous estimons que la situation a évolué positivement.

En revanche, la représentation des entraîneurs noirs ou arabes dans les effectifs au plus haut niveau ne s'est pas améliorée. À l'époque de notre documentaire, il y avait trois entraîneurs de couleur en Ligue 1 : MM. Patrick Vieira, Sabri Lamouchi et Antoine Kambouaré, qui est néo-calédonien. Ce dernier n'avait pas souhaité figurer dans le documentaire, mais MM. Patrick Vieira et Sabri Lamouchi nous avaient parlé. Ils faisaient le même constat d'un manque de représentation mais ils ignoraient les raisons véritables même s'ils s'accordent pour constater que les préjugés sont bien ancrés. Cette année, M. Patrick Vieira est le seul entraîneur de couleur en Ligue 1. Chez nos voisins européens, le constat est identique : dans le championnat anglais de première division, 55 % des joueurs sont noirs en 2023 mais on y croise seulement 5 % d'entraîneurs noirs. L'Espagne connaît aussi des problèmes de racisme dans les stades mais les sanctions ne sont pas prononcées.

La Fédération internationale de football, la FIFA, a mis en place en 2017, juste avant la coupe du monde en Russie, un protocole pour lutter contre les actes racistes : quand un problème de racisme survient dans un stade, l'arbitre interrompt la rencontre. Un message est ensuite transmis par le speaker pour demander au public de cesser les agissements racistes. Le troisième échelon concerne le retour au vestiaire des joueurs et l'arrêt définitif des rencontres. Il n'est arrivé qu'une seule fois que le protocole aille jusqu'au bout, à Paris. En l'espèce, l'arbitre lui-même s'était rendu auteur d'un acte raciste lors d'un match opposant le PSG au club turc Basaksehir Instambul, en Ligue des champions. L'arbitre roumain avait ainsi dit « negru » à M. Pierre Achille Webo, l'entraîneur adjoint camerounais du Basaksehir Istanbul. Il s'était défendu en disant qu'en roumain, on dit « negru » pour « noir ». Cet argument était plutôt léger. Les joueurs avaient décidé de ne pas reprendre la rencontre et l'arbitre avait été plus tard suspendu.

Cependant, ce protocole ne s'accomplit jamais jusqu'au bout. Les arbitres s'abritent derrière ce protocole et parfois se trompent d'attitude. Nous l'avions montré dans notre documentaire et la situation demeure. Comme je vous le disais plus tôt, le brésilien du Real Madrid, M. Vinícius Junior, a pris un carton rouge parce qu'il voulait arrêter de jouer après avoir été victime d'insultes racistes.

En résumé, notre documentaire visait à exposer les faits, ce qui nous a conduits à mettre en lumière le racisme qui s'exprimait dans les stades, mais aussi un autre, plus sournois, vis-à-vis des entraîneurs.

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