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Intervention de Catherine Périn

Réunion du mardi 18 juillet 2023 à 18h20
Commission des finances, de l'économie générale et du contrôle budgétaire

Catherine Périn, présidente de section :

Dans la note « Apprécier la contribution de la dépense publique à la transition écologique », nous avons identifié trois niveaux d'action. Le premier, macroéconomique, est la programmation pluriannuelle des crédits nécessaires à la transition écologique et à l'atteinte des objectifs consentis par la France. Il existe deux manières de procéder : d'une part, il s'agit d'adopter des lois de programmation sectorielles – comme celles votées dans le domaine de la recherche, de la justice ou de la défense. Le projet de loi de programmation énergie-climat est aussi en préparation. D'autre part, certains appellent de leurs vœux une loi de programmation des finances publiques en faveur de la transition écologique – un amendement a été déposé en ce sens durant la discussion du projet de loi de programmation des finances publiques 2023-2027. Une telle loi permettrait d'asseoir la crédibilité de l'engagement et sa compatibilité avec la trajectoire des finances publiques. En amont, le Haut Conseil des finances publiques (HCFP) serait saisi ; un débat budgétaire aurait lieu par la suite, et la Cour des comptes interviendrait en aval pour analyser l'exécution de ces différents textes.

Nous sommes partis du constat que beaucoup de politiques publiques avaient des objectifs volontaristes, mais que les crédits correspondants ne sont souvent pas programmés – ils peuvent même ne pas être évalués. C'est le cas de certaines infrastructures de transport ou de politiques énergétiques, de gestion des déchets ou de l'eau, qui nécessitent pourtant des enveloppes très importantes.

Le deuxième levier d'action est le budget vert. Dans la note thématique, nous émettons des propositions sur la manière d'élargir le périmètre de la budgétisation verte : comme la présidente Camby l'a rappelé, les dépenses brunes et vertes ne portent que sur 10 % du budget de l'État. Nous pourrions aussi affiner les méthodologies utilisées afin de coter des dépenses actuellement considérées comme mixtes. Enfin, nous pourrions rendre cet outil plus opérationnel, car il est encore assez descriptif. Ainsi, le budget vert serait utile pour prendre des décisions de programmation et d'élaboration de la loi de finances de l'année suivante, notamment pendant les revues de dépenses du printemps. En gestion infra-annuelle, un tel outil serait efficace pour choisir d'annuler, de geler ou de maintenir certains crédits. Enfin, il pourrait guider certains textes comme les lois de finances rectificatives en cours d'année. On sait que dans la période récente, beaucoup de dispositifs, notamment tous les boucliers énergétiques, étaient bruns. Par ailleurs, en exécution, il serait intéressant de réaliser des analyses d'écart. En effet, le budget vert correspond actuellement aux crédits présentés dans le PLF, et non à la loi de finances initiale. C'est d'ailleurs ce que la Cour s'emploie à faire depuis deux campagnes budgétaires : chaque note d'exécution budgétaire analyse l'exécution du budget vert propre au périmètre de la mission et une consolidation de ces analyses est présentée dans le rapport sur le budget de l'État.

Le troisième levier renvoie à la qualité de la dépense : il s'agit des études d'impact, des démarches évaluatives et de la bonne connaissance du rapport entre le coût et le bénéfice des dépenses. Or les études d'impact ne sont pas réalisées dans les règles de l'art : de nombreuses données pourtant essentielles en sont absentes. Elles ne comportent pas d'objectifs chiffrés ou d'indicateurs permettant une évaluation ultérieure, ni d'estimation du coût climatique des mesures ou des émissions de gaz à effet de serre, ni de mesures alternatives pour atteindre le même objectif.

De même, pour le rapport entre le coût et le bénéfice des dépenses, les évaluations seraient nécessaires – plus encore au vu de l'importance des mesures qu'il faudra financer. En matière de rénovation des bâtiments, on ignore par exemple le montant d'énergie économisé ou de gaz à effet de serre épargné, mais on connaît le montant de crédits budgétaires utilisés et le nombre de logements transformés. L'enveloppe consommée en dehors du plan France relance s'élevait à 7 milliards d'euros : cette approche pourrait donc être affinée.

De même, le volet environnemental de la politique agricole commune (PAC) n'est pas évalué ; en octobre 2021, l'Autorité environnementale avait invité le Gouvernement à analyser l'impact environnemental du plan stratégique nationale (PSN) en matière agricole.

Les données dont nous disposons sur la gestion de l'eau, notamment sur les prélèvements, sont également partielles : on ne peut pas s'entendre sur des politiques de maîtrise de cette ressource qui se raréfie sans disposer de données complètes.

En matière de déchets, on ne manque pas d'indicateurs – au contraire, il en existe une quarantaine, ce qui rend la consolidation des documents de suivi et la lisibilité des résultats très difficiles. Ainsi, nous peinons à avoir une vision du rapport entre le coût et le bénéfice qui permettrait d'amender une politique ou d'en changer.

Les dépenses fiscales brunes, notamment celles liées aux hydrocarbures, sont rattachées à la mission Écologie, développement et mobilité durables – qui semble assez mal nommée au regard des dispositifs qu'elle finance – de même que les dispositifs de boucliers énergétiques. Cette mission est ainsi déséquilibrée entre des dispositifs verts et bruns. Le choix de maintenir ces dépenses fiscales relève toutefois de la représentation nationale ; le CPO s'était prononcé sur plusieurs dispositifs dans le rapport « La fiscalité environnementale au défi de l'urgence climatique » publié en septembre 2019, au moment de la taxe carbone.

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