Selon la Cour, le niveau atteint par l'activité économique en 2022 demeure inférieur de près de 3 % au niveau attendu pour 2022 dans le projet de loi de finances pour 2020 et, par rapport à son niveau d'avant crise, la France fait moins bien que la zone euro : – + 0,9 % contre + 2,3 %. Comment expliquez-vous cette contre-performance ?
Vous insistez sur la dégradation du solde public. Puisque les dépenses seraient stables en volume, les recettes sont manifestement le principal paramètre de cette dégradation. Avant même d'aborder les modifications de la législation, la Cour souligne que la progression des cotisations sociales, soit 6,7 %, « a été freinée par l'impact croissant des allègements généraux ». Ainsi que l'indique ensuite votre rapport, « les mesures nouvelles ont entraîné une diminution des prélèvements obligatoires de 53,9 milliards d'euros en 2022 par rapport à 2017 » et « cette baisse nette, importante, résulte notamment de la baisse du taux normal de l'impôt sur les sociétés de 33 % à 25 % – soit une perte de 11,1 milliards – de la baisse des impôts de production – 11,3 milliards ». En comparaison avec 2021, ces choix auraient « contribué à détériorer le déficit structurel de 0,3 point de PIB ». Avez-vous pu estimer la perte structurelle due aux mesures discrétionnaires annoncées ou déjà engagées d'ici à 2027 ?
Par ailleurs, le Gouvernement a revu à la baisse son estimation du produit de la très modeste contribution sur les rentes inframarginales des producteurs d'électricité qui avait été instaurée en loi de finances pour 2023. Ainsi, comme il était possible de s'en douter, elle ne rapporterait finalement que 3,1 milliards d'euros et non, comme on l'annonçait à l'automne dernier, 9,7 milliards. Ne craignez-vous pas que d'autres recettes aient connu une prévision artificiellement gonflée ?
Votre rapport rappelle l'impératif de ramener le déficit à moins de 3 % du PIB en 2027, tout en indiquant que cet objectif n'est atteignable qu'au prix « d'un effort substantiel sur la dépense publique », à savoir une évolution de la dépense publique en volume limitée à 0,4 % par an, ce que la France n'a jamais connu depuis plusieurs décennies. Dans le même temps, la Cour souligne que l'activité économique faiblit à nouveau en 2023, que l'inflation ne recule que faiblement et que les incertitudes sur la croissance demeurent fortes. N'êtes-vous pas inquiet de l'effet récessif que pourrait induire une contraction durable des dépenses publiques, ce qui aurait alors un effet négatif sur le taux d'endettement ?
Plutôt que du côté des dépenses publiques, ne faudrait-il pas chercher du côté des dépenses fiscales pour réduire l'endettement public ? Je pense notamment au crédit d'impôt recherche, aux allègements de cotisations et contributions sociales et plus généralement aux aides aux entreprises non conditionnées. Je note d'ailleurs que, dans votre rapport, la dépense publique est considérée en incluant les crédits d'impôts enregistrés en dépense en comptabilité nationale.
Enfin, nous avons auditionné hier les auteurs du rapport sur les incidences économiques de l'action pour le climat, Jean Pisani-Ferry et Selma Mahfouz. Celui-ci a expliqué que 66 milliards d'euros d'investissements supplémentaires par an d'ici à 2030 étaient nécessaires pour espérer une bifurcation écologique. D'après lui, le « quoi qu'il en coûte » n'est pas derrière nous en matière écologique, mais devant nous – c'est une idée que je défends aussi. Il a donné plusieurs pistes : un redéploiement des dépenses brunes, une meilleure ingénierie financière, une hausse des dépenses d'investissement et deux suggestions plus iconoclastes sur lesquelles je voulais recueillir votre avis. Considérant que l'inaction coûte plus cher que l'action, la première idée est une hausse de l'endettement public de 5 à 6 points de PIB d'ici à 2030, multiplié par deux d'ici à 2040, l'endettement étant la conséquence d'investissements dans la transition écologique. La seconde est la hausse temporaire des prélèvements obligatoires pour les hyper riches, qui rapporterait 150 milliards d'euros en trente ans, à raison de 5 milliards par an. Il s'agit d'une perspective un peu différente de celle qui nous a été présentée par le ministre Bruno Le Maire. Elle apporte une réponse à la question que le Gouvernement a laissée de côté : comment chiffrer et financer les investissements que tout le monde estime nécessaires en faveur de la transition écologique ?
Nous en venons aux questions des orateurs des groupes.