Intervention de Général de corps d'armée Jacques Langlade de Montgros

Réunion du mercredi 12 juillet 2023 à 9h35
Commission de la défense nationale et des forces armées

Général de corps d'armée Jacques Langlade de Montgros, directeur du renseignement militaire (DRM) :

Le ROSO est un élément essentiel du recueil de renseignement. Il contribue au renseignement multi-sources, issu du recoupement d'informations obtenues par des capteurs différents.

Nous obtenons en sources ouvertes des informations qui éclairent et confirment d'autres informations. Nous les prenons avec beaucoup de précaution, leur fiabilité étant par essence limitée. Il s'agit en général d'éléments d'appoint, qui doivent systématiquement être confirmés par les capteurs nationaux du ROIM, du ROEM et du ROHUM. Le développement de l'intelligence artificielle amoindrira le recours au ROSO, car tout ce qui en sera issu sera davantage sujet à caution.

Certains véhicules et matériels donnés par la France à l'Ukraine ont été détruits ; ainsi va la guerre, malheureusement. Nous suivons ces destructions et tâchons d'en tirer profit en matière de RETEX sur leur utilisation en temps de guerre, laquelle est toujours riche d'enseignements.

La Biélorussie est un pays assez proche de la Russie sur le plan politique. Elle l'est aussi, historiquement, sur le plan militaire, dès 1991 et singulièrement depuis le 24 février 2022, lorsque son territoire a été utilisé pour lancer l'invasion de l'Ukraine. Depuis lors, la Biélorussie aide la Russie en fournissant des munitions et de l'armement, et en formant sur son territoire de jeunes recrues russes, en appui des centres de formation de la Fédération de Russie. Ce lien étroit est renforcé par la conduite de la guerre. Au niveau politique, il est nourri par des conversations régulières entre M. Loukachenko et Vladimir Poutine.

S'agissant des causes de la mutinerie de Prigojine, la dissension entre lui et le haut commandement militaire, induite par leur divergence de vision sur la façon de mener la guerre, a donné lieu à des déclarations de M. Prigojine, fracassantes mais pas toujours exactes, les réseaux Prigojine ayant pratiqué une forme de désinformation à destination de l'opinion publique internationale, de l'opinion publique russe et de la sphère décisionnelle russe. L'abondance de cette désinformation a acculé M. Prigojine dans une position intenable et l'a contraint, dans une forme de fuite en avant, à franchir le Rubicon.

Des discussions sur l'avenir de la société Wagner sont en cours au niveau politique. On ne peut exclure que la survie de Wagner soit en jeu. Cela dépendra de la nature et du point de sortie des discussions entre M. Prigojine et M. Poutine, ainsi que des contraintes auxquelles la Russie soumettra le système Wagner en matière financière et de liberté d'action. Les Russes ont recours à d'autres SMP, qui contribuent de près ou de loin à aider l'outil militaire russe dans sa guerre en Ukraine.

S'agissant de la Géorgie, elle s'inscrit non seulement dans les effets dominos du conflit, mais aussi en amont de celui-ci. Les pays de l'Est de l'Europe orientale nous rappellent régulièrement que la volonté russe de restaurer une forme d'influence sur ses anciennes zones périphériques a commencé à se manifester en 2008, avec la guerre en Géorgie. Elle est un sujet de préoccupation légitime pour les Géorgiens, qui en ont fait les frais. À court terme, la Russie n'a pas les capacités de relancer une action militaire en Géorgie et a d'autres préoccupations en Ukraine, où elle tente de faire face à la guerre qu'elle a déclenchée il y a un an et demi. À moyen terme, après restauration de ses capacités militaires, il n'est pas exclu que la Russie veuille et puisse relancer son action en Géorgie.

S'agissant du partage du renseignement au sein de l'Union européenne, qui n'est pas une alliance, contrairement à l'Otan, les échanges entre services ont singulièrement crû depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine. Il existe des forums de partage de renseignement au sein des deux structures, organisées de façon un peu différente mais très actives, singulièrement depuis le 24 février 2022.

Nous accordons une attention particulière aux centrales nucléaires ukrainiennes, et notamment à celle d'Enerhodar, la plus grande d'Europe, située à proximité de la ville de Zaporijjia. Devenue une zone de combat, ses approches ont été contestées. Les Russes s'en sont emparés il y a plus d'un an. Ils contrôlent son périmètre strict et ses approches. Cette centrale a fait l'objet, outre de combats, de joutes en matière d'influence et de propagande.

D'après les déclarations des experts avertis de l'AIEA, l'effondrement du barrage de Kakhovka n'a pas provoqué de risque nucléaire, car la centrale dispose d'un bassin de refroidissement à proximité immédiate, indépendant de la retenue d'eau qui était en amont du barrage.

Les questions relatives à l'action de la Russie en Europe et en France relèvent de la compétence du directeur général de la sécurité intérieure (DGSI), Nicolas Lerner, qui est chargé de la lutte contre les influences extérieures. Quoi qu'il en soit, il ne faut pas être naïf : de nombreux pays, dont la Russie, mènent des actions d'influence en France pour défendre et promouvoir leurs intérêts.

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