Madame Le Peih, s'agissant de la place des actifs dans la PAC, les crédits ont augmenté, passant de 2 à 3 % du budget. Nous avons aussi travaillé sur la transparence des groupements agricoles d'exploitation en commun (Gaec) – nous en reparlerons dans le cadre des travaux que vous menez avec le président Chassaigne. Cette trajectoire vise à solidifier les installations.
La nouvelle PAC est entrée en vigueur il y a six mois. Les questions qui se posent ont été évoquées par Frédéric Petit : elles concernent les effets de l'intégration de nouveaux États sur le système et les outils. Nous devons manier à la fois des outils d'aide économique et des outils qui permettent la transition.
Nous devons aussi réfléchir à l'intégration ou non dans la PAC des paiements pour services environnementaux. Il ne serait pas illogique de prévoir des modalités de financement qui ne soient pas complètement adossées à la PAC. Je n'ai pas de position arrêtée à ce stade, mais nous devons y travailler.
Lors des débats sur la PAC, on soulève toujours deux questions : celle du couplage ou du découplage des aides, depuis la réforme de 1992, et le niveau du budget. Si nous voulons de la souveraineté, il faut qu'en dépit des contraintes, le budget soit à la hauteur. Nous avons entamé, avec nos collègues européens, un premier tour de piste pour réfléchir à la prochaine programmation. Nous sommes sans doute à la croisée des chemins. Comme l'a indiqué le président Chassaigne, il s'agit de définir des outils de transformation et de transition suffisamment puissants, tout en restant dans une logique économique. Les paiements pour services environnementaux doivent se trouver hors de la PAC, me semble-t-il. Le développement de la finance carbone pourrait aussi permettre de financer cette transition.
Monsieur Ménagé, dans les accords internationaux, on est toujours plus fort dans certaines positions que dans d'autres. Il y a des intérêts défensifs et des intérêts offensifs. Nous sommes plus armés que l'Australie en aéronautique, par exemple. S'agissant de l'élevage, une grande partie des fromages français sont bénéficiaires. Pour la volaille et la viande bovine, la concurrence est essentiellement intra-européenne : il s'agit donc plutôt d'une question de compétitivité et de distorsion de concurrence au sein de l'espace européen. Une partie de la réponse, pour nous éviter d'être en défaut et de fragiliser nos filières, consiste à travailler à la compétitivité franco-française dans l'espace européen. L'incrémentation de l'accord de Paris contribuera aussi à résoudre l'équation. Pour les Néozélandais, l'élevage est un élément de force, et il ne faut pas qu'il affaiblisse le nôtre.
S'agissant de la betterave, le nouveau produit dont vous parlez n'a pas encore fait l'objet d'une demande d'homologation. Des analyses sont en cours en Autriche. Je ne dispose pas des données, mais je m'engage à revenir vers vous pour vous les présenter. Ce produit est déjà utilisé en Australie, où les exigences de santé publique sont à peu près de même nature que les nôtres : cette voie peut donc être intéressante.
Monsieur Arenas, j'ai évoqué le glyphosate hier lors des questions au Gouvernement. J'ai été suffisamment vilipendé, non pour avoir remis en cause l'avis de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), mais pour avoir suggéré une chronologie européenne. L'AESA équivaut à l'Anses : quand elle rend un avis, je le prends comme tel, que je sois d'accord ou non. Cette agence européenne est chargée d'étudier ces questions : je ne la remettrai donc jamais en cause – s'engager sur un tel chemin serait dangereux. L'AESA a édicté de nombreuses interdictions au niveau européen : quand elle considère qu'il n'existe pas de risque avéré, j'ai tendance à penser qu'il faut l'écouter.
Ce que fera la France sera décidé en interministériel le 15 décembre, mais comme je l'ai dit hier, il existe d'autres solutions. Notre pays est le seul au monde à avoir réduit sa consommation de glyphosate de 30 % en cinq ans. Il n'est donc pas question d'en rabattre ! Nous devons cependant nous aligner avec les autres pays européens, car si nous interdisons ce produit tandis que d'autres décident de ne pas réduire leur consommation, cela créera une distorsion. Il faut trouver un point d'équilibre, d'autant que l'AESA ne fait pas de l'interdiction une obligation et qu'un comité européen traitant de cancérogénicité estime qu'il n'y a pas d'effet cancer. La position française avait consisté à indiquer que nous réduirions la consommation de glyphosate s'il existait des solutions de remplacement. C'est ce que nous avons fait. S'il y a des impasses, constatons-les et continuons de travailler pour les lever, armés des avis de l'AESA et des autres organismes. L'enjeu est suffisamment important pour essayer de trouver un terrain d'entente.
Madame Thillaye, il faudrait étudier les effets de bord d'une gestion des fonds européens partagée entre les régions et l'État. Quand c'est l'État qui gère, on crie à la centralisation et on critique les technocrates de Paris, mais quand la gestion est confiée aux régions, certains jeunes agriculteurs veulent être « adoptés » par la région voisine où les avantages semblent plus intéressants. Soit on est décentralisateur, soit on ne l'est pas. Étant un peu les deux et ayant quelque culture d'élu local, je trouve assez savoureux de me faire reprocher d'avoir fait de la décentralisation et de me voir réclamer une gestion nationale de la dotation jeunes agriculteurs (DJA). Parlons-en collectivement !
Les crédits du Feder ne sont pas assez orientés vers la ruralité. Je ne vois pas pourquoi le développement industriel, le commerce et le tourisme ne relèveraient pas de ce fonds. S'agissant du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), il est compliqué de distinguer la partie agricole et la partie rurale. Le programme Liaison entre actions de développement de l'économie rurale (Leader) permet d'expérimenter et de faire émerger des projets, ce qui est plutôt utile. L'important est de respecter un équilibre. Un pan manque souvent : celui de la forêt. Il est plutôt entre les mains des régions ; or j'ai malheureusement le sentiment que toutes ne s'en saisissent pas suffisamment dans le cadre de la PAC.
Monsieur Buchou, en tant qu'élu d'un département victime de la grippe aviaire, vous savez les actions que nous menons pour les volailles. Nous serons les premiers à vacciner, étant entendu que c'est au niveau européen que l'expérimentation et la capacité à vacciner ont été décidées. Nous devrons nous assurer, dans les accords d'échange et de commerce, que cela n'entravera pas la capacité à exporter de certaines filières. Nous faisons de la diplomatie sanitaire, tant au niveau européen qu'au niveau bilatéral : je travaille avec les Japonais ou les Coréens, par exemple, et mes services sont en contact permanent avec les autres pays pour expliquer ce qu'est la vaccination. Il faut la faire sérieusement, pour garantir à ceux qui achèteront nos produits qu'il existe un processus de suivi sanitaire.
Enfin, monsieur Martineau, vous m'avez interrogé sur le règlement INCO. Nous avons intérêt à avoir des harmonisations au niveau européen : dès lors que nous sommes dans un marché ouvert, un étiquetage national ne servira à rien, sinon à se faire plaisir. Bien sûr, nous avons intérêt à ce que cet étiquetage respecte nos principes. Le rapport à l'agriculture et aux produits alimentaires est beaucoup plus patriotique, au bon sens du terme, en Italie qu'en France : les Italiens considèrent que tous leurs produits sont bons, et ils les vendent en Europe. Chez nous, l'effet levier n'est pas aussi puissant. Un travail collectif mérite donc d'être effectué pour renforcer la législation européenne en matière d'étiquetage de l'origine, dans le cadre de la révision de la PAC. Je souhaite que nous parvenions à une position harmonisée. Nous aurons sans doute des débats avec les Italiens, qui seront peut-être des alliés. L'objectif est de sortir de la logique ayant conduit à des décisions juridiques qui ont cassé les dispositions françaises. S'agissant de l'étiquetage des volailles, nous avons défendu une position seuls contre tous et avons tout de même réussi à obtenir une décision permettant de donner tout son sens à la mention « élevé en plein air ». Le cadre de cette stratégie d'alliance doit être européen, comme sur les IG et sur une grande partie des sujets agricoles. C'est ainsi que nous parviendrons à relever des défis de taille.