Cela se vérifie, en premier lieu, dans sa mise en œuvre. En effet, le recours aux CDD n'est pas réservé à un ensemble de situations énumérées par les textes – tels le remplacement d'un salarié absent ou l'accroissement temporaire de l'activité de l'entreprise –, ce qui atténue les risques de requalification du contrat. Ensuite, la durée des missions effectuées pour le compte de l'entreprise utilisatrice n'est pas limitée, non plus que le nombre de leurs renouvellements. Enfin, le coût du contrat est moindre que celui du contrat de travail temporaire ou du CDI intérimaire, car son formalisme ne répond à aucune prescription légale.
Cela se vérifie, en second lieu, dans le régime de sanctions prévues en cas d'abus. Aucune des dispositions réprimant les comportements prohibés d'un entrepreneur de travail à temps partagé ou d'une entreprise utilisatrice dans le cadre d'une relation de travail intérimaire ne s'applique dans le cadre du travail à temps partagé. Pour autant, il ne faut pas croire que les abus ne sont pas susceptibles d'être réprimés : ils peuvent l'être au titre du marchandage ou du travail illégal.
En définitive, il ressort de nos travaux que la souplesse du dispositif est louée tant par ses promoteurs – les entreprises de travail à temps partagé (ETTP ) – que par ses utilisateurs – les entreprises qui y recourent, à l'instar de La Poste ou de Renault –, sensibles au faible degré d'insécurité juridique que son utilisation fait courir.
Ce rappel du cadre juridique effectué, il nous faut à présent dire quelques mots de l'application du dispositif.
À l'heure où se pose la question de son avenir, l'évaluation de ce dispositif est compliquée par l'insuffisance des données disponibles. Pourtant, l'article 115 de la loi du 5 septembre 2018 oblige les ETTP à communiquer deux fois par an à l'autorité administrative le nombre de contrats signés, les caractéristiques des personnes recrutées, le détail des missions effectuées, le détail des formations suivies et leur durée, le taux de sortie dans l'emploi ainsi que tout document permettant d'évaluer l'impact du CDIE en matière d'insertion professionnelle.
Aussi surprenant que cela puisse paraître, cette disposition n'a pas été suivie d'effet et, plus surprenant encore, la situation ne s'est guère améliorée depuis la publication du rapport intermédiaire du Gouvernement il y a un peu plus d'un an, si bien que les services de l'État n'ont en leur possession que des données très parcellaires sur la mise en œuvre du CDIE. Cela est, bien évidemment, regrettable. Pour pallier cette difficulté, le ministre du travail a confié à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas), une mission d'évaluation de l'expérimentation, dont les travaux devraient être conclus prochainement.
Nous avons souhaité remettre nos conclusions sans attendre celles de l'Igas. Nous nous sommes donc appuyés sur les données qu'a bien voulu nous transmettre le Syndicat des entreprises d'emploi durable (Seed), qui regroupe l'essentiel des ETTP ayant conclu des CDIE.