Intervention de Isabelle Rome

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 17h15
Commission des affaires sociales

Isabelle Rome, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l'égalité entre les femmes et les hommes, de la diversité et de l'égalité des chances :

Je vois mon ministère comme un ministère de combat pour la dignité humaine, pour l'égalité et contre les haines et discriminations, un ministère pour toutes et tous, où chacun et chacune, avec sa sensibilité, peut trouver une place, une expression et soutenir des initiatives. Les sujets dont nous traitons appellent au consensus. Je veux vous redire ma volonté de coconstruire avec toutes les sensibilités et en lien étroit avec la société civile, dans un esprit collaboratif et transpartisan. L'égalité est l'affaire de tous, particulièrement de toutes celles et ceux qui, comme vous, s'engagent politiquement pour défendre les autres.

Mon action s'articule autour de quatre volets. Je débuterai par celui de la lutte contre les violences faites aux femmes et la prise en charge économique et sociale des victimes.

Je suis intimement persuadée que l'éradication des violences à l'encontre des femmes est un prérequis pour atteindre l'égalité réelle entre les femmes et les hommes. C'est le premier axe du plan Toutes et tous égaux, visant à assurer partout en France une protection intégrale et immédiate des femmes par des mesures de prévention et d'alerte des violences sexistes et sexuelles, et à mieux sanctionner les auteurs.

Dans le prolongement du Grenelle des violences conjugales, nous déployons progressivement un dispositif inédit pour faciliter la rupture des victimes de violences conjugales avec leur conjoint violent et les accompagner vers une vie nouvelle.

Ce pack nouveau départ est une réponse simple, coordonnée, rapide et individualisée aux besoins des victimes de violences conjugales rendue possible par un système coupe-file mis en œuvre par un coordinateur unique, la caisse d'allocations familiales, ou par les départements s'ils sont volontaires. Il est en cours d'expérimentation dans le Val-d'Oise. Dès la rentrée, il sera étendu à quatre ou cinq autres départements, dont La Réunion, les Bouches-du-Rhône et la Côte-d'Or, avant d'être généralisé à l'ensemble du territoire d'ici à la fin 2025.

Ce pack permet de prioriser l'accès aux aides et aux dispositifs de droit commun au bénéfice des victimes de violences conjugales : allocation type RSA, accompagnement psychologique, aide au retour à l'emploi et à la formation, à la garde d'enfant et, si besoin, hébergement d'urgence. Une aide financière d'urgence issue de la proposition de loi de Valérie Létard viendra compléter le dispositif ; un décret d'application sera publié d'ici à la fin de l'année.

Une autre mesure non négligeable pour améliorer la prise en charge, à laquelle je suis particulièrement attachée au vu de mes années de présidente de cour d'assises, est la création au sein des tribunaux de pôles spécialisés en matière de violences intrafamiliales. Le décret paraîtra en septembre.

Nous doterons également chaque département d'une structure médico-sociale de prise en charge globale des victimes de violences intrafamiliales et sexuelles. Il en existe actuellement une soixantaine ; nous doublerons quasiment leur nombre d'ici à 2025. Le renforcement de l'Agence de recouvrement et d'intermédiation des pensions alimentaires par 110 équivalents temps plein supplémentaires bénéficiera aux mères isolées précarisées financièrement par le non-paiement des pensions.

La santé est un autre combat pour l'égalité. Il convient de lever les tabous entourant le corps féminin et de développer une stratégie globale pour la santé des femmes, réduite trop souvent à la sphère gynécologique. Dans la continuité de la Stratégie nationale de lutte contre l'endométriose lancée par le Président de la République en 2022, nous prévoyons un programme de recherche, intitulé « Santé des femmes, santé des couples », qui sera doté de 30 millions d'euros, dont 11 millions pour l'endométriose.

Je citerai également la loi dite « fausse couche », adoptée à l'initiative de votre collègue Sandrine Josso, qui permet d'accompagner les femmes et les couples ayant subi une fausse couche. La suppression du délai de carence en cas d'arrêt maladie consécutif à une telle interruption de grossesse permettra désormais aux femmes d'être indemnisées dès le premier jour d'arrêt de travail. C'est un progrès majeur. J'en remercie chaleureusement le Parlement. Il s'agit d'une mesure de bientraitance, tant cette épreuve peut se révéler douloureuse pour les femmes comme pour leur conjoint.

Il nous faut poursuivre le travail pour lever les tabous mais aussi chausser enfin les lunettes du genre pour prendre en compte la spécificité des pathologies et symptômes féminins, comme les maladies cardiovasculaires qui sont la première cause de mortalité des femmes.

En matière de prévention, nous avons permis dans les derniers projets de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) la gratuité de la contraception avant 26 ans et l'accès gratuit en pharmacie à la pilule du lendemain sans ordonnance pour toutes, sans limite d'âge. Il n'était pas tolérable que des freins financiers pénalisent des femmes dans l'accès à la contraception.

L'accès gratuit aux préservatifs pour les jeunes de moins de 26 ans en pharmacie vise à intégrer pleinement les jeunes hommes dans l'approche préventive. Le plan Toutes et tous égaux étend la mesure aux préservatifs féminins et participe à la prévention des infections sexuellement transmissibles.

Dans le même esprit, nous renforçons la lutte contre la précarité menstruelle qui concerne près de 4 millions de femmes, selon les derniers chiffres publiés en mars 2023. Dès 2024, les protections périodiques réutilisables seront remboursées par la sécurité sociale pour les jeunes de moins de 25 ans. Le budget dédié à la lutte contre la précarité menstruelle auprès des femmes adultes précaires sera doublé pour passer à près de 10 millions d'euros d'ici à 2027.

L'égalité économique est un autre axe important du plan Toutes et tous égaux et une problématique clef pour atteindre l'égalité réelle entre les femmes et les hommes.

En six ans, beaucoup a été fait en matière de formation, d'égalité salariale mais également d'accès des femmes aux postes de responsabilité. La loi du 5 septembre 2018 pour la liberté de choisir son avenir professionnel a instauré l'index égalité professionnelle, outil largement intégré par les grandes entreprises et qui ne cesse de progresser, puisque la note moyenne en 2023 est de 88 sur 100, contre 86 sur 100 en 2022 et que 72 % des entreprises ont publié leur index en 2023 contre 61 % en 2022. Les entreprises de toutes tailles, notamment les plus petites, doivent être davantage accompagnées pour cela ; c'est ce que prévoit le plan gouvernemental.

Par ailleurs, nous conditionnerons l'accès aux marchés publics à la publication de l'index et à l'obtention de la note minimale de 75 sur 100.

En dépit d'une législation ambitieuse et des nombreux dispositifs déployés, les femmes perçoivent un salaire inférieur en moyenne de 15,8 % à celui des hommes. Nous ne pouvons plus le tolérer ! Le Gouvernement propose trois axes pour résorber les inégalités professionnelles et salariales.

Premièrement, accompagner les entreprises et l'administration et favoriser leurs pratiques vertueuses. La publication de l'index ayant déjà permis d'importants progrès, nous avons décidé de le décliner dans les trois versants de la fonction publique. Je tiens à saluer l'adoption, la semaine dernière, de la proposition de loi visant à renforcer l'accès des femmes aux responsabilités de la fonction publique, qui permet également d'équilibrer les nominations aux plus hauts postes de l'État.

Deuxièmement, soutenir les femmes qui entreprennent. De ce point de vue, les inégalités persistent puisque 30 % seulement des entrepreneurs sont des femmes. Dans le secteur des start-ups, 88 % des financements sont attribués à des équipes masculines. Nous proposerons un programme « une entrepreneure, un mentor » qui permettra aux créatrices d'entreprises d'accéder gratuitement à une ou à un mentor en ligne pendant un à deux ans. Nous développerons également l'offre de coaching bancaire et financière proposée par la Banque de France.

Troisièmement, renforcer l'accès à l'emploi. À cette fin, nous ouvrirons un bureau d'accompagnement individualisé vers l'emploi dans chaque centre d'information sur les droits des femmes et des familles (CIDFF), notamment en zone rurale. Au nombre de soixante-dix-sept aujourd'hui, ces centres permettent d'attirer des publics particulièrement vulnérables – notamment des femmes victimes de violences – et de leur offrir un accompagnement personnalisé vers l'emploi.

Quatrièmement, réduire les inégalités liées à la parentalité. Nous souhaitons améliorer les congés maternité et paternité en diminuant de dix à six mois la durée d'affiliation nécessaire pour percevoir une indemnisation.

La lutte contre les haines et les discriminations est un autre pan de mon portefeuille.

Les discriminations coupent les ailes de notre jeunesse la plus fragile. La promesse de notre nation est précisément de lutter contre toute forme de violences et de discriminations. J'ai présenté hier le plan triennal national pour l'égalité, contre la haine et les discriminations anti-LGBT+, qui se décline autour de trois objectifs : mieux identifier, mieux prévenir et mieux traiter cette haine.

Nous développons un plan de formation massif et allouons 10 millions d'euros pour renforcer et pérenniser le soutien aux centres LGBT+. D'ici à 2027, dix nouveaux centres ouvriront afin d'atteindre l'objectif de deux centres par région. Ce fonds exceptionnel a commencé à être déployé dès 2022.

Mon ministère est aussi celui de la lutte contre le racisme et l'antisémitisme. Dès mon arrivée, j'ai souhaité que le nouveau plan national intègre pleinement des mesures de lutte contre les discriminations liées à l'origine. Le plan que j'ai présenté avec la Première ministre, le 30 janvier dernier, comporte plus de cent mesures concrètes, construites avec la société civile et les institutions indépendantes. Il s'est aussi inspiré des travaux parlementaires, dont le rapport des députés Caroline Abadie et Robin Reda et votre proposition de loi, chère présidente.

Je citerai quelques-unes des mesures prioritairement déployées dès 2023.

Au cours de leur scolarité, tous les élèves bénéficieront désormais d'au moins une visite mémorielle en lien avec les enjeux de racisme et d'antisémitisme. Les personnels de l'éducation nationale devront participer tous les cinq ans à une journée obligatoire de formation continue sur les enjeux du racisme, de l'antisémitisme et de l'antitsiganisme. L'intégralité des éducateurs sportifs et des volontaires qui œuvreront aux jeux Olympiques et Paralympiques 2024 y sera également sensibilisée.

Le monde de l'entreprise, où se concentre un nombre encore trop élevé de discriminations, est spécifiquement ciblé par des mesures ambitieuses. Le travail est d'ores et déjà engagé avec des partenaires sociaux pour mieux outiller les comités sociaux et économiques. Parallèlement, comme l'a indiqué le Président de la République à Marseille, nous généraliserons une stratégie nationale de testing sur les discriminations à l'embauche, au logement et aux prêts bancaires. Pour ce faire, la Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT (Dilcrahh) sera dotée de nouveaux moyens budgétaires et humains afin de créer un véritable pôle de lutte contre les discriminations opérationnel en 2024.

L'égalité n'est pas une coquille vide, c'est le pilier de notre contrat social auquel j'étais déjà profondément attachée en tant que magistrate. L'égalité est un combat permanent. Elle passe d'abord par le préalable de l'égalité des droits, mais aussi par l'égalité des chances pour toutes et tous, et l'égalité économique entre les femmes et les hommes sans discriminations.

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