C'est toujours un grand plaisir de revenir dans cette commission, où j'ai passé les cinq dernières années. Je garde un très bon souvenir du travail que l'on y effectue tous ensemble.
L'humilité, la reconnaissance et la détermination sont les trois principes qui guident mon action et qui prévaudront aussi pour le plan d'accompagnement des blessés que j'ai présenté le 10 mai dernier.
L'humilité, d'abord, parce que la tâche est immense, et aussi parce que la complexité du parcours d'accompagnement nous y oblige. Beaucoup de choses changeront concrètement avec ce plan, mais nous devrons encore ouvrir de nouveaux chantiers, relever de nouveaux défis et réfléchir, peut-être, à de nouveaux modes de prise en charge. Personne, dans une telle matière, ne peut prétendre tout savoir ni détenir toutes les clés.
C'est la raison pour laquelle j'ai souhaité que ce plan soit vivant, qu'il évolue : tous les six mois, je tiendrai un comité pour faire le point sur l'avancée et la concrétisation des mesures et sur ce qui doit être modifié et amélioré, voire ajouté ou retranché. Ces comités de suivi associeront les associations du monde combattant ainsi que les parlementaires.
La reconnaissance, ensuite, parce que ce plan repose sur un principe édicté par Georges Clemenceau au cours des années 1920 : « Ils ont des droits sur nous. » La reconnaissance de notre nation doit être à la hauteur du sacrifice de nos soldats, ces femmes et ces hommes qui ont donné leur corps et leur esprit pour défendre notre sécurité, notre liberté et nos valeurs. Mais ces blessés, ce sont aussi des familles, épouses ou époux, parents, sœurs et frères, qui sont éprouvés, voire endeuillés et que nous ne pouvons pas oublier.
La détermination, enfin, pour changer le parcours du blessé. Aujourd'hui, il s'agit trop souvent d'un parcours du combattant en solitaire – le combat de trop. C'est pour cela que le Président de la République nous a enjoint de garantir « une prise en charge immédiate, durable, adaptée et bienveillante en cas de blessures ou de décès en service », et c'est pour cela que le ministre des armées, Sébastien Lecornu, a mobilisé l'ensemble du ministère et qu'il m'a confié le pilotage de ce plan.
Ce plan est d'une ampleur inédite, par les moyens qu'il engage et par la transformation profonde qu'il implique pour le ministère des armées et ses services. Il l'est dans son approche, puisqu'il prend en compte tous les blessés – d'active, de réserve et anciens combattants – toutes les blessures – physiques comme psychiques – tout le parcours – de la blessure à la réhabilitation – et enfin tous les aspects du quotidien – des démarches administratives à la situation familiale.
S'agissant des moyens, les mesures nouvelles s'élèveront à 170 millions, dont 115 pour la mission Anciens combattants, mémoire et liens avec la nation. Ils s'ajouteront aux 800 millions d'euros que le ministère engage chaque année pour ses blessés.
Parmi les mesures les plus importantes, le programme Athos bénéficiera de 59,6 millions supplémentaires, qui permettront l'ouverture de six nouvelles maisons. À terme, le budget de fonctionnement du programme tournera autour des 10 millions par an.
L'assouplissement des conditions d'obtention de la majoration pour tierce personne, que vous avez voté à l'article 12 de la LPM, devrait coûter 40 millions. Le coût de la réparation intégrale devrait être de l'ordre 14 millions. Quant au renforcement des cellules d'aide aux blessés, en personnel et pour leur déconcentration, 16 millions lui seront consacrés, dans l'Hexagone et outre-mer. Cela permettra d'augmenter le nombre de référents et leur proximité avec les blessés.
Ce plan a été construit à partir des demandes de nos soldats et de leurs proches, du vécu de nos anciens combattants, des retours d'expérience des plans précédents ainsi que de la mobilisation du ministère et des associations. Il s'appuie également sur vos travaux, en particulier ceux de la mission d'information relative au suivi des blessés, menée en 2019 par Anissa Khedher et Laurence Trastour-Isnart. Nombre des mesures alors préconisées sont ainsi reprises dans le plan : le regroupement des informations, qui se fera avec la Maison numérique des blessés ; la création de la task force pour les cas les plus difficiles, et celle de l'interlocuteur unique, qui passera notamment par la déconcentration des cellules d'aide aux blessés ; la création du coffre-fort numérique, qui prolongera, améliorera et renforcera le dispositif sous-utilisé du dossier unique ; la consolidation du lien avec les familles ; le renforcement de la place du sport dans la reconstruction, grâce à la pratique de loisir ; la fin des démarches à l'échéance de la PMI et la mutualisation de la demande PMI-Brugnot.
Ce plan vise un objectif unique : que les blessés aient comme seule préoccupation celle de se soigner et de se reconstruire. Plusieurs principes directeurs ont guidé son élaboration : la simplification des démarches, pour un meilleur accès aux droits ; l'individualisation de la prise en charge ; une meilleure coordination entre les parcours de soin, administratif, psychosocial ou de réinsertion professionnelle ; la poursuite du travail sur la blessure psychique ; le soutien aux familles ; et enfin un principe de territorialisation.
Ce plan est bâti sur trois piliers. Le premier est la simplification de l'accès aux droits, qui en est le cœur. Cette simplification s'appuiera sur un principe qui régit déjà les relations entre l'administration civile et les administrés : le « dites-le-nous une fois », autrement dit la présomption de bonne foi et l'inversion de la charge de la preuve.
Avec ce plan, nous repensons chaque étape de la démarche administrative : quand nous pouvons automatiser, nous automatisons ; quand nous pouvons mutualiser, nous mutualisons ; quand nous pouvons supprimer, nous supprimons. Notre seule boussole est celle de l'efficacité. Il faut que l'administration ait les informations nécessaires sans que ni les démarches ni la complexité du dossier ne pèsent jamais sur le blessé et sur ses proches.
Ainsi, nous prévoyons que la demande PMI-Brugnot pourra être unique et que le renouvellement d'une PMI arrivée à échéance sera automatique, sans demande formelle. Cela épargnera nombre de difficultés à nos blessés et nombre de charges à l'administration ; et cela permettra d'aller beaucoup plus vite.
De même, certaines expertises médicales pourront désormais se faire sur pièces ou, lorsque ce sera possible ou recommandé, par visioconférence ; d'autres seront supprimées dès que la situation militaire ne peut plus évoluer.
Certains cas sont plus complexes, parce qu'ils mêlent plusieurs blessures, d'anciens et de nouveaux maux. Une unité dédiée à leur prise en charge sera expérimentée pendant un an. Nous l'améliorerons en fonction des résultats, et la pérenniserons.
Si certaines mesures du plan visent à garantir les droits des militaires, d'autres visent à les étendre, notamment grâce à la réparation intégrale et à l'assouplissement des conditions d'obtention de la majoration pour tierce personne. De nouveaux droits seront également ouverts avec la qualification comme maladies professionnelles de pathologies intimement liées à l'exercice militaire. Concrètement, un certain nombre de sauts en parachute ou de plongées sous-marines permettront d'obtenir cette qualification sans que le militaire ait à prouver de lien direct.
Les principes de ce plan sont ambitieux, mais des outils doivent les concrétiser. La Maison numérique des militaires blessés et de leurs familles en sera un. Ce site internet rassemblera toutes les informations utiles aux blessés, à tout moment de leur parcours. Dès cette année, les blessés pourront y effectuer l'ensemble de leurs démarches en ligne. Surtout, d'ici à l'année prochaine, un coffre-fort numérique évitera au combattant blessé d'avoir à fournir toutes les pièces de son dossier.
Le deuxième pilier du plan est relatif à la blessure psychique. Lors de nos débats en séance publique sur la LPM, vous avez manifesté, sur tous les bancs de l'hémicycle, votre souhait de voir la blessure psychique traitée comme la blessure physique.
C'est le cas dans ce plan. Aucune différence n'est faite entre les deux, de jure ni de facto. Pour ce qui est de la PMI par exemple, c'est bien la gravité de la blessure qui est prise en compte et non pas son caractère psychique ou physique. Des PMI pour blessures psychiques peuvent être plus élevées si le handicap qui en résulte est plus important.
En revanche, détecter, évaluer et prendre en charge la blessure psychique est plus complexe. C'est ce sur quoi nous devons travailler, en nous basant sur le triptyque « mieux prévenir, mieux détecter, mieux soulager ». Les dispositifs de sensibilisation et d'information seront renforcés, qu'ils soient destinés aux officiers commandants d'unité, aux soldats ou aux familles. J'ai notamment souhaité que les familles soient sensibilisées à la blessure psychique à la veille du retour des soldats en Opex (opération extérieure). Et, d'une meilleure prévention découlant un meilleur diagnostic, j'ai tenu à ce que l'ensemble des soldats partis en Opex bénéficient effectivement d'une visite médicale dans un délai maximal de trois mois après leur retour.
Le traitement des blessures psychiques est complexe, et notre accompagnement vers le soulagement ou la guérison doit être aussi individualisé que possible. L'ensemble de nos dispositifs s'inscrivent dans ce cadre, dont celui, expérimental, des maisons Athos, qui permet d'apporter un soutien à la reconstruction psychosociale des blessés. Les quatre maisons, implantées à Bordeaux, Toulon, Aix-les-Bains et dernièrement à Auray, accueillent aujourd'hui plus de 300 membres. Elles seront dix à la fin de la LPM 2024-2030.
En amont, le pôle de réhabilitation physique et psychique, développé en partenariat par l'Institution nationale des Invalides et le service de santé des armées (SSA), accompagnera les blessés au cours de la phase aiguë de leur pathologie. Il s'agit d'une porte d'entrée, d'une première étape sur le chemin de la réhabilitation.
Le troisième et dernier pilier du plan est l'accompagnement du blessé tout au long de son parcours, de la blessure jusqu'à la réhabilitation ou à la guérison, de la reconstruction psychosociale au retour à l'emploi.
Je veux citer, en exemple, la reconstruction par le sport. Notre objectif est que les blessés puissent retrouver une vie la plus proche possible de celle qu'ils menaient avant. Nous financerons donc des prothèses à finalité sportive pour permettre à ceux qui le peuvent de reprendre une activité, de loisir ou de haut niveau. Le Village des blessés, implanté au sein du Centre national des sports de la défense, à Fontainebleau, renforcera cette ambition, grâce à des infrastructures adaptées et, surtout, à la présence des familles.
Celles-ci font partie intégrante de la reconstruction et doivent être pleinement intégrées et soutenues. Le développement des maisons des familles, en hôpital d'instruction des armées, la mise en place de répits pour les proches des blessés, ou encore une offre renouvelée d'assistance devront y concourir.
Des mesures sont aussi prises pour favoriser l'entrée des anciens combattants sur le marché du travail, qu'il s'agisse d'emplois réservés ou dans le privé.
Ce plan est un fil ininterrompu, qui relie toutes les étapes du parcours du blessé. Il rappelle que le ministère des armées ne laisse aucun blessé, aucune famille sur le bas-côté.