Je suis heureux de vous retrouver pour la deuxième lecture de la proposition de loi visant à lutter contre le dumping social sur le transmanche et à renforcer la sécurité du transport maritime. Le 28 mars dernier, notre assemblée a adopté, à la quasi-unanimité, cette proposition de loi, suivie, le 21 juin, par le Sénat – également à l'unanimité –, témoignant de notre attachement collectif et transpartisan à la sauvegarde de la marine marchande de notre pays.
Comme vous le savez, les armateurs français, les marins nous regardent et attendent avec impatience ce texte, qui sera une première. En effet, jamais le Parlement n'avait légiféré sur cette question auparavant. Le temps presse et la pression concurrentielle déloyale est de plus en plus forte. C'est pourquoi l'adoption de cette proposition de loi doit impérativement intervenir dans les meilleurs délais, avant la fin de l'été. En effet, certains des décrets d'application doivent être soumis au Conseil supérieur de la marine marchande, puis au Conseil d'État, soit un processus long de plusieurs mois avant leur signature. Retarder l'adoption du texte conduirait inévitablement à reporter son entrée en vigueur après le début de l'année 2024.
Sur le fond, les modifications apportées par le Sénat n'ont pas affaibli la portée de notre texte. En effet, les avancées majeures que nous avons introduites – l'instauration d'un salaire minimum, la parité obligatoire entre le temps de travail et le temps de repos – ont été maintenues, voire sécurisées sur le plan juridique, donc renforcées par le Sénat. Même si nous sommes tous attachés au droit d'amendement et au débat parlementaire, l'urgence de la situation doit être notre seule boussole et devrait nous conduire à un vote conforme. Le texte qui nous est soumis aujourd'hui me semble constituer un compromis équilibré entre efficacité de la loi de police et sécurité juridique, dans un contexte où des recours semblent probables, sinon certains.
Concernant l'article 1er, qui définit le champ d'application de la proposition de loi, le secrétaire d'État chargé de la mer a rappelé, à l'Assemblée comme au Sénat, que ce texte avait vocation à s'appliquer uniquement aux liaisons transmanche, en aucun cas à celles avec la Corse ou avec le Maghreb. Je sais que c'est un sujet qui est cher à notre collègue Sébastien Jumel, qui a déposé un amendement en ce sens. Je tiens à le remercier et à le rassurer : cela sera bien précisé dans le décret et je demanderai au ministre de s'y engager formellement au banc.
Soyez également rassurés quant à l'organisation des rythmes de travail et à la rémunération du temps de repos des marins : c'est tout simplement le droit commun du travail qui s'applique, les salariés étant rémunérés pour leur temps de travail. En revanche, les repos, hors cadre des congés payés, ne sont pas rémunérés, comme c'est le cas pour l'ensemble des salariés de notre pays : ni plus, ni moins. Les contrôles permettront néanmoins de s'assurer que les marins employés sur le transmanche respectent bien ce rythme, fondé sur la parité entre le temps de travail en mer et le temps de repos à terre.
Concernant le dumping social que subissent les armateurs français assurant les liaisons maritimes avec la Corse, soumises au cadre très protecteur du dispositif de l'État d'accueil, le point d'équilibre trouvé au Sénat me semble être le bon. D'une part, les sanctions pénales, dont le renforcement avait été inscrit à l'article 1er bis, existent déjà. D'autre part, le régime de sanctions administratives – plus souple et rapide – introduit à l'article 1er ter a été conforté, afin d'améliorer l'efficacité des contrôles. Je remercie à cet égard notre collègue Colombani d'avoir retiré son amendement.
Enfin, concernant la suppression des rapports sur le contrôle des pratiques de dumping introduits aux articles 3 et 4, comme l'a rappelé le Sénat, les parlementaires que nous sommes disposent d'autres moyens de contrôle.
Arrivé quasiment au terme de l'examen de ce texte, j'ai pleinement conscience que cette proposition de loi ne peut épuiser, à elle seule, la question des pratiques déloyales dans le domaine de la marine marchande. Des négociations seront nécessaires, au niveau européen, pour faire évoluer les règles de la concurrence dans le secteur du transport maritime. Par ailleurs, nous attendons également l'application du texte de loi britannique adopté cette année.
Néanmoins, je le redis, l'adoption de ce texte constitue bien une première étape déterminante pour mettre un terme aux pratiques les plus néfastes, à la fois pour les marins, mais aussi pour la sécurité des liaisons transmanche. Je tiens à rappeler, encore une fois, qu'une loi de police sera d'autant plus efficace qu'elle ne souffrira d'aucune insécurité juridique.
Pour conclure, je me réjouis vivement du travail collectif qui a prévalu autour de cette proposition de loi : il a permis d'enrichir considérablement le texte initial. Des trois propositions de loi déposées, il y a moins d'un an, sur cette même question, sur le bureau de notre assemblée, nous avons réussi à faire un seul texte, coconstruit et renforcé juridiquement par le Sénat. Nous pourrons être fiers de le présenter à nos collègues, la semaine prochaine dans l'hémicycle.
Hier soir, dix-neuf amendements avaient été déposés : quatre d'entre eux ont été déclarés irrecevables et trois ont été retirés ; douze restent donc à examiner.