Je suis très honoré de me présenter devant vous pour évoquer le projet que nourrissent les autorités de me nommer au conseil d'administration de l'Oniam.
J'aimerais, tout d'abord, vous présenter quelques jalons de mon parcours professionnel. J'ai longtemps été professeur d'économie, en banlieue parisienne, avant d'intégrer l'École nationale d'administration. À la sortie de cette école, j'ai souhaité entrer à l'Inspection générale des affaires sociales (Igas) car l'intégration sociale et la santé publique me paraissent essentielles à la cohésion nationale. Rejoindre l'Oniam serait pour moi une étape importante dans un parcours marqué par les enjeux de santé publique, de démocratie sanitaire et même de sécurité sanitaire – l'EFS a ainsi été créé pour répondre à un grand scandale de santé publique ; quant à l'Oniam, il a été fondé pour indemniser des victimes.
L'Oniam a été créé par la loi du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé, dite « loi Kouchner », qui a organisé un dispositif de réparation amiable, gratuit et rapide des préjudices subis par les victimes d'accidents médicaux d'une certaine gravité. Son objectif est de faciliter l'indemnisation des victimes par les assureurs en responsabilité civile des établissements et des professionnels de santé, sans recours aux tribunaux. Cette loi permet également à l'Oniam d'indemniser, au titre de la solidarité nationale, les accidents médicaux liés aux aléas thérapeutiques, quand aucun responsable des dommages n'a pu être identifié. Au fil des années, le législateur a élargi les missions de l'Oniam aux victimes des infections nosocomiales graves, à celles des mesures sanitaires d'urgence et des vaccinations obligatoires et aux victimes des dommages transfusionnels, comme la contamination par le VIH ou par le virus de l'hépatite C. Il les a ensuite étendues aux victimes du Mediator, en 2011, et à celles de la Dépakine, à la fin de l'année 2016.
L'Oniam est dirigé par un conseil d'administration, dont la présidence était assurée, depuis 2015, par Mme Claire Compagnon, que je salue pour l'ensemble des actions qu'elle a menées pendant ses deux mandats. Outre son président, ce conseil d'administration comprend des représentants de l'État et des personnes nommées par le ministre chargé de la santé – personnalités qualifiées, membres du monde associatif et d'organismes sociaux –, pour une durée de trois ans. Le président du conseil d'administration est également à la tête d'un conseil d'orientation, qui assiste l'établissement pour ses missions importantes d'indemnisation des contaminations post-transfusionnelles et des dommages vaccinaux ainsi que pour des missions des collèges d'experts benfluorex et valproate de sodium. Il est composé de représentants des usagers du système de santé, de représentants de l'État et de personnalités qualifiées. Ce conseil d'orientation se réunit en trois formations, selon les sujets traités ; six séances de travail sont programmées chaque année.
Le siège de l'Oniam se trouve à Montreuil, en Seine-Saint-Denis, mais l'office est également implanté à Nancy, à Lyon et à Bordeaux. Il existe sept pôles territoriaux, présidés par des magistrats, qui organisent toute l'année des séances des commissions de conciliation et d'indemnisation (CCI), sur l'ensemble du territoire national. Ainsi, 225 séances des CCI se sont tenues en 2022, dans l'Hexagone et en outre-mer, avec les représentants locaux des associations d'usagers, des professionnels de santé, des établissements de santé, des assureurs et des personnalités qualifiées.
Il est important de souligner l'indépendance des différentes instances, qu'il s'agisse des CCI, du collège d'experts Mediator ou du collège d'experts Dépakine. Elles sont présidées par une quinzaine de magistrats, en activité ou honoraire, qui sont les garants de la qualité des avis rendus, notamment du respect des règles liées à la prise en compte des positions contradictoires des parties concernées et de la bonne gestion des liens d'intérêt des experts médicaux et des membres des instances. Enfin, l'Oniam apporte les ressources nécessaires au bon fonctionnement de ces instances, en assurant la rémunération de leurs membres et le remboursement de leurs frais de déplacement, ainsi que la gestion administrative et logistique du dispositif.
Depuis sa création, en 2002, l'Oniam a instruit plus de 95 000 demandes d'indemnisation, dont 77 000 au titre des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales. En 2022, l'Oniam a reçu environ 5 000 demandes d'indemnisation pour l'ensemble de ses missions. Sur ce total, près de 4 500 ont été déposées auprès des commissions de conciliation et d'indemnisation ; ces instances ont missionné plus de 3 500 expertises médicales, dans toute la France, et émis 1 400 avis favorables d'indemnisation. Sur le fondement de ces avis, l'Oniam a indemnisé plus de 1 130 personnes et, toujours en 2022, 96 % des offres ont été acceptées par les victimes d'accidents médicaux. De plus, environ 140 demandes d'indemnisation ont été déposées par des victimes de contamination d'origine transfusionnelle, tandis que moins de 40 demandes l'ont été à la suite de vaccinations obligatoires, hors covid-19. S'agissant des dommages résultant d'une vaccination covid-19, sur les 835 demandes d'indemnisation reçues au 31 décembre 2022 et près de 40 personnes ont été indemnisées à l'amiable. La mission d'indemnisation des victimes du Mediator s'est également poursuivie ; l'Oniam a reçu plus de 10 100 demandes d'indemnisation depuis la création du collège d'experts benfluorex, en 2011. Enfin, pour ce qui est de la Dépakine, l'office a reçu 3 720 demandes d'indemnisation depuis la création du dispositif, dont 165 en 2022.
Pour ce qui est des recettes de l'Oniam, il s'agit à 92 % de financements publics, 150 millions d'euros provenant de l'assurance maladie et 19 millions de l'État. La part de la dotation de l'assurance maladie a crû sensiblement en 2022, puisqu'elle représente près de 82 % des recettes, contre un peu plus de 72 % en 2021. Elle correspond d'ailleurs à la mission d'indemnisation des victimes d'accidents médicaux et des contaminations transfusionnelles.
Côté dépenses, l'exécution budgétaire a été marquée en 2022 par un niveau global d'engagements très important : plus de 212 millions ont été consacrés, pour l'essentiel, à l'indemnisation de victimes d'accidents médicaux et de celles de la Dépakine.
Le bilan social de l'établissement, qui emploie 119 équivalents temps plein (ETP), a été plutôt positif l'année dernière et les moyens alloués l'ont été efficacement. La qualité de vie au travail a quant à elle été renforcée, grâce notamment à la négociation d'un accord-cadre sur le télétravail.
Concernant les perspectives de l'Oniam pour les trois prochaines années, je vois se dessiner trois orientations principales.
La première est l'amélioration de l'indemnisation des victimes, qui figure au cœur des préoccupations de l'office, de son conseil d'administration et des associations. Je souhaite à cet égard souligner trois points essentiels. Le premier est que nous devons travailler sur la revalorisation du référentiel d'indemnisation utilisé par l'établissement. Je pense que ce travail devrait être inscrit à l'ordre du jour du conseil d'administration et faire l'objet d'un dialogue, exigeant mais constructif, avec les tutelles financières. Le deuxième point est que nous devons procéder, en collaboration avec les associations de victimes concernées, à la simplification des modalités d'indemnisation. Nous devons, par exemple, réfléchir aux pièces qui sont vraiment indispensables à la réparation d'un préjudice. Cette simplification doit permettre de faciliter l'accès au droit et de réduire les délais d'indemnisation. Troisièmement, il est sans doute nécessaire d'améliorer la visibilité de l'Oniam auprès des usagers et de leurs représentants, les associations de patients notamment, pour favoriser l'accès au dispositif amiable. Au sein de notre système de sécurité sanitaire, l'office n'est peut-être pas suffisamment connu non seulement du grand public mais aussi des professionnels de santé. Nous devrons sans doute communiquer davantage et nouer des partenariats pour améliorer sa notoriété.
Deuxième orientation : la consolidation de la mission de recouvrement des créances de l'établissement. Il y a quelques années, cette question avait fait l'objet d'un rapport sévère, voire très sévère, de la Cour des comptes. Ce rapport avait conduit l'Oniam à revoir l'organisation de ses opérations, avec l'appui de la direction générale des finances publiques. L'étude des chiffres montre que, incontestablement, des progrès ont été accomplis : depuis 2018, plus de 8 500 ordres de recouvrement ont été émis par l'office contre les assureurs et industriels de santé mis en cause, pour un montant de 215 millions d'euros. Les montants effectivement recouvrés depuis le 1er janvier 2018 s'élèvent à plus de 90 millions, soit un taux de recouvrement de près de 82 %, hors assignations devant les tribunaux conduisant à la suspension des actions de recouvrement de l'agence comptable de l'Oniam. En tant que président de l'Oniam, je serai très attentif à la poursuite et à l'amélioration des efforts engagés au cours des dernières années.
Enfin, la modernisation de l'Oniam doit également nous mobiliser au cours des prochaines années. L'établissement est encore, comme beaucoup d'autres entités de l'administration française, le royaume du papier. Cette modernisation devra donc se traduire par la mise en œuvre, notamment, d'un nouveau schéma directeur du système d'information. La numérisation doit aider à la simplification, en offrant aux demandeurs un service dématérialisé de qualité, pour la transmission des pièces justificatives en particulier. Il faudra cependant veiller à ce que tous ces éléments soient correctement stockés et à ce que cette numérisation ne soit pas un obstacle pour certaines victimes qui en maîtriseraient mal les outils. Mais la modernisation, c'est aussi s'assurer de la qualité du service rendu et de la prise en compte des attentes des victimes, ce que l'Oniam ne fait pas suffisamment aujourd'hui. Il sera sûrement nécessaire d'élaborer des enquêtes et un baromètre de satisfaction, pour mesurer l'efficacité et la qualité du service rendu par l'office.
Je suis très heureux de me présenter devant vous pour une mission, essentielle, qui devrait prolonger utilement – je l'espère en tout cas – celle que je mène jusqu'à la fin du mois de septembre 2023 au sein de l'EFS.