Intervention de Stéphane Piednoir

Réunion du mardi 27 juin 2023 à 14h05
Office parlementaire d'évaluation des choix scientifiques et technologiques

Stéphane Piednoir, sénateur, rapporteur :

. – Pour faire face aux enjeux environnementaux, économiques et sociaux liés à l'énergie, la sobriété apparaît de plus en plus comme un pilier essentiel de la transition énergétique et écologique, peut-être même avant l'efficacité énergétique ou le développement des énergies décarbonées, dont on entend plus souvent parler.

En effet, la sobriété offre un potentiel d'amélioration dans plusieurs domaines : la réduction des émissions de gaz à effet de serre, le respect des limites planétaires, l'acceptabilité des nouvelles infrastructures énergétiques, l'optimisation de l'efficacité énergétique ou le renforcement de la résilience.

Le sixième rapport du GIEC, sur lequel nous nous sommes beaucoup appuyés, traite pour la première fois de l'adaptation de la demande en énergie et services. Bien entendu, en limitant la demande en énergie, la sobriété peut diminuer les émissions de gaz à effet de serre, mais aussi contribuer à réduire les incertitudes technologiques, en évitant d'avoir à faire appel à des technologies risquées, voire incertaines comme la géo-ingénierie – technologie visant à modifier le climat ou l'environnement, de manière artificielle, dans le but de corriger les dérives que l'humanité cause par ailleurs.

La sobriété peut, de façon plus générale, contribuer au respect des limites planétaires. En particulier, elle peut diminuer la pression sur les ressources minérales, dont l'exploitation fait peser des menaces sur le respect de plusieurs de ces limites, au travers de ses émissions de gaz à effet de serre, par la modification de l'utilisation des sols ou la perturbation du cycle de l'eau douce.

L'atteinte de la neutralité carbone nécessitera notamment une décarbonation accélérée du secteur de l'énergie au niveau mondial, ce qui implique de construire, en quelques décennies seulement, un nombre très élevé de nouvelles infrastructures, telles que des parcs éoliens et solaires, des centrales hydroélectriques ou nucléaires.

En parallèle, le parc automobile devra largement être électrifié et la production d'hydrogène devra être décarbonée, à la fois pour remplacer l'hydrogène carboné actuellement utilisé dans l'industrie et pour massivement décarboner d'autres filières, comme celles du ciment et de l'acier.

Toutes ces infrastructures demanderont de grandes quantités de matériaux, allant des produits de base, tels que l'acier et le ciment, jusqu'aux métaux critiques, comme les terres rares. Pour certaines matières, les besoins approcheraient des réserves connues aujourd'hui. Pour d'autres, les volumes produits devraient croître extrêmement rapidement, ce qui n'est pas acquis.

Or, la sobriété peut avoir un impact très significatif sur les besoins en infrastructures. D'après les scénarios de RTE « Futurs énergétiques 2050 », la sobriété pourrait éviter de construire l'équivalent de six fois la capacité solaire actuelle, ou trois fois la capacité actuelle d'éolien terrestre, ou encore 50 parcs éoliens en mer de type « Saint-Nazaire ».

En outre, la réduction du rythme de construction des nouvelles infrastructures énergétiques aurait un effet positif sur leur acceptabilité. C'est vrai pour l'éolien, pour le solaire et sans doute pour le nucléaire.

Un autre apport important de la sobriété concerne la lutte contre l'effet rebond, mis en évidence au XIXe siècle par l'économiste William Stanley Jevons, lorsque l'amélioration du rendement de la machine à vapeur, au lieu de réduire la demande charbon, l'a au contraire accrue.

L'effet rebond se produit lorsque les améliorations technologiques augmentent l'efficacité avec laquelle une ressource est employée et a pour conséquence une diffusion de son usage et un accroissement de sa consommation plutôt qu'une diminution.

Parce qu'elle repose sur une réduction volontaire de la consommation, la sobriété permet de limiter les effets rebonds, voire de bénéficier pleinement de la réduction de consommation résultant des améliorations d'efficacité énergétique apportées par l'innovation technologique.

La sobriété peut aussi contribuer à accroître la résilience des systèmes socio-économiques et de la transition énergétique elle-même. En effet, la sobriété permet non seulement de limiter la dépendance à des sources d'approvisionnement externes, mais aussi d'être mieux préparés à faire face à des restrictions imposées par des événements imprévus, comme on l'a vu dernièrement.

Enfin, il ne faut surtout pas passer à côté des co-bénéfices de la sobriété. En effet, les pratiques de sobriété peuvent générer des bénéfices significatifs pour la santé et le bien-être des individus. Par exemple, la réduction de l'usage des véhicules individuels peut entraîner une diminution de la pollution atmosphérique ainsi qu'une réduction des nuisances sonores, avec des effets bénéfiques pour la santé. Il serait très important de faire prendre conscience à nos concitoyens de ces bénéfices qui peuvent améliorer leur qualité de vie.

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