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Intervention de Jean-Paul Mattei

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 9h00
Commission des affaires économiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Paul Mattei, rapporteur :

Ce texte se présente, de manière un peu inhabituelle, sous la forme de trois articles d'habilitation à prendre des ordonnances. Cette méthode, je veux insister sur ce point, que nous n'acceptons en temps normal qu'à la marge, se justifie pleinement dans le cas présent.

Bien que le temps presse, les mesures dérogatoires nécessitent un travail d'expertise approfondi, notamment en matière de règles d'urbanisme, de procédures d'instruction des permis de construire, ou encore de règles de la commande publique, et non d'être rédigées à la hâte à la fin du mois de juillet.

En outre, la rédaction des habilitations, sur laquelle nos collègues sénateurs ont déjà travaillé, est précise et ciblée. Elle permet des dérogations circonscrites et limitées, pendant une durée restreinte, dans le cadre d'ordonnances qui devront être publiées dans les trois mois à compter de la promulgation du présent texte. L'examen au Sénat a été l'occasion d'apporter des précisions utiles sur la portée de ses dispositions.

Je tiens à cet égard à saluer le travail accompli par Mme Sophie Primas, rapporteure pour la commission des affaires économiques du Sénat, et par les rapporteurs pour avis Mme Catherine Di Folco et M. Vincent Delahaye, avec lesquels nous avons eu des échanges fructueux depuis le début de l'examen du texte. Je veux aussi souligner l'engagement et l'efficacité du Sénat lequel, en adoptant le texte à l'unanimité, après le dépôt de sept amendements en commission et de cinq amendements en séance publique, a permis de nous transmettre le texte rapidement.

Nous avons pu entendre les représentants de l'Association des maires de France et des présidents d'intercommunalités (AMF) et de France urbaine ainsi que les administrations concernées. Ces auditions, en présence de députés que je remercie de s'être rendus disponibles, ont été l'occasion d'échanges francs et riches sur la portée des dispositions.

L'article 1er habilite le Gouvernement à prendre, par voie d'ordonnance, les mesures propres à accélérer la reconstruction et la réfection des bâtiments dégradés lors des violences urbaines : d'abord, pour autoriser leur reconstruction à l'identique, ou sous réserve de modifications limitées et d'amélioration justifiées, même si les règles d'urbanisme en vigueur s'y opposent. Cette dérogation ponctuelle aux dispositions d'urbanisme a globalement emporté l'adhésion des acteurs, et notamment des associations de collectivités que nous avons rencontrées.

Ensuite, pourraient être engagés des travaux préliminaires dès avant la délivrance de l'autorisation d'urbanisme ou la décision de non-opposition à déclaration préalable. Il s'agit d'une disposition intéressante qui devrait permettre d'avancer lors de travaux tels que les démolitions, les terrassements, l'élaboration des fondations, dans le laps de temps qui sépare le dépôt de la demande de l'octroi de l'autorisation. Cette mesure serait très encadrée par l'obligation de procéder à une reconstruction à l'identique.

Enfin, afin d'accélérer le traitement des demandes d'autorisation d'urbanisme, les délais de consultation des différentes instances ou autorités, qui peuvent aujourd'hui s'étendre jusqu'à six mois, seraient ramenés, moyennant la mobilisation des services instructeurs, à une durée avoisinant six semaines.

L'article 2 habilite le Gouvernement à instaurer un régime dérogatoire à certaines règles de la commande publique pour les marchés de travaux sur les bâtiments concernés.

Ces dérogations permettraient aux acheteurs publics, premièrement, de passer des marchés publics sans publicité, mais avec mise en concurrence, pour des travaux dont le montant serait inférieur à un seuil défini dans l'ordonnance, sur lequel nous reviendrons dans nos débats. Il convient de fixer un montant bien supérieur au seuil de droit commun qui est de 100 000 euros. Nous escomptons d'une telle dérogation un gain de temps d'environ quatre semaines.

Deuxièmement, il s'agit de permettre aux acheteurs publics de ne pas allotir leurs marchés – les dérogations à cette obligation sont très encadrées par le code de la commande publique. Dans la même veine, les acheteurs publics pourraient conclure plus facilement des marchés globaux, qui portent à la fois sur les études et l'exécution des travaux. Dans certains cas, cette faculté permettrait de gagner plusieurs mois.

L'article 3 habilite le Gouvernement à prendre trois types de mesures visant à faciliter le financement, par les collectivités territoriales, des travaux de réparation et de reconstruction nécessaires. Il s'agit d'abord de rendre les versements du FCTVA contemporains des dépenses, c'est-à-dire dans l'année au cours de laquelle les travaux ont été réalisés et payés, et non dans l'année n+2 comme le prévoit le droit commun.

Ensuite, l'article prévoit de déroger à l'exigence de participation minimale des collectivités territoriales ou des groupements maîtres d'ouvrage au financement de leurs projets d'investissement. Fixée à 20 % dans le droit commun, cette participation minimale serait portée jusqu'à 100 % du coût des travaux.

Enfin, il serait possible de déroger à la règle de plafonnement des fonds de concours pouvant être versés au sein des intercommunalités, dont les attributions ne peuvent aujourd'hui excéder la part du financement assurée, hors subventions, par le bénéficiaire du fonds de concours.

Ces trois dispositifs ne prétendent pas couvrir de manière exhaustive les besoins de financement des collectivités pour effectuer les réparations, mais ce sont des outils bienvenus pour faciliter et accélérer le financement des travaux, contribuant ainsi à soulager les collectivités et leur trésorerie. Ils accompagnent utilement la création du fonds visant à financer le reste à charge pour les collectivités territoriales concernées, prévu par la circulaire de la Première ministre en date du 7 juillet.

J'estime que les dispositions du projet de loi sont nécessaires et équilibrées, et je vous propose d'adopter le texte sans modification, ce qui n'empêche pas le débat.

La restauration de nos quartiers devra être menée sur le long terme et les problématiques de ces territoires méritent d'être abordées bien plus largement, mais ce projet de loi nous permet d'apporter des réponses utiles aux problèmes les plus urgents.

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