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Intervention de Christophe Béchu

Réunion du mercredi 19 juillet 2023 à 9h00
Commission des affaires économiques

Christophe Béchu, ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires :

Je le dis d'emblée, le texte ne porte pas sur les causes des émeutes urbaines. Si tel était le cas, non seulement le recours à la procédure d'urgence serait malvenu mais les trois articles qu'il contient seraient loin d'être suffisants pour épuiser le sujet. La recherche d'un vote conforme ou d'une adoption consensuelle rapide serait sans doute vaine également.

Le projet de loi a recueilli l'unanimité du Sénat, malgré la diversité de ses sensibilités, qui est presque équivalente à celle de l'Assemblée. Mon souhait le plus cher est de parvenir au même résultat ici. Ce serait un message fort adressé aux élus.

Il n'est pas question de nier nos désaccords sur les causes des émeutes et les réponses à apporter pour qu'elles ne se reproduisent pas. Cependant, quelle que soit notre lecture des événements – insuffisance de la politique de la ville, excès de laxisme, manque de rappel de l'autorité, absence d'adultes, crédits trop généreux ou pas assez pour la police ou le social, liens défectueux entre la police et la justice, ou simple prétexte à une prédation bien plus basique –, aucun d'entre nous ne peut refuser d'admettre que les bâtiments démolis, détruits par le feu ou abîmés doivent être reconstruits le plus vite possible. Ces stigmates rappellent à une partie des habitants les émeutes.

Les bâtiments touchés lors des violences urbaines entre le 27 juin et le 5 juillet ont été plus nombreux que lors des émeutes de 2005. Plus d'un millier de commerces sont ainsi concernés, parmi lesquels les tabacs et pharmacies ont payé un tribut particulièrement lourd.

S'agissant des bâtiments publics, ce sont des symboles de nos institutions qui ont été visés, dont des commissariats, des brigades de gendarmerie et des postes de police municipale – 274 au total –, 105 mairies, 243 établissements scolaires, 47 établissements dépendant de la justice à un titre ou à un autre, trois centres hospitaliers ainsi que des médiathèques, des gymnases, des crèches, des centres culturels ou encore des locaux associatifs.

L'objectif du Gouvernement est de faire adopter les quelques mesures législatives permettant aux maires ou aux propriétaires de reconstruire plus vite.

Je sais la réticence de principe du Parlement à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance. Mais s'il y a un cas dans lequel le recours à cette procédure se justifie, en raison de l'urgence et de la grande technicité des dispositions nécessaires, c'est bien celui-là.

L'objet de l'habilitation est limité à double titre : d'une part, celle-ci porte uniquement sur les bâtiments qui ont été dégradés entre le 27 juin et le 5 juillet ; le Sénat l'a toutefois étendue aux équipements publics afin d'intégrer le mobilier urbain et les portions de voirie dégradés ; d'autre part, elle ne concerne qu'une partie des 800 bâtiments touchés puisque le droit actuel permet de couvrir 60 à 80 % des travaux nécessaires. Les trois articles visent à combler les quelques trous dans la raquette que nous avons repérés.

Le droit en vigueur autorise généralement la reconstruction à l'identique mais l'évolution des normes environnementales ou en matière de sécurité empêche souvent son application. L'article 1er permet donc de considérer comme identique une reconstruction qui intègre les nouvelles normes. Ensuite, il autorise à commencer les travaux sans attendre l'autorisation définitive. Pour les travaux préparatoires, les terrassements et les démolitions éventuelles avant reconstruction, ce sont des semaines voire des mois qui peuvent être gagnés. Le fait de pouvoir mener en parallèle les instructions, ajouté à l'application du principe selon lequel le silence vaut acceptation dans des délais restreints, viennent compléter le dispositif pour pallier les lacunes existantes.

Le deuxième article a trait aux marchés publics. Nous ne supprimons en aucune manière la mise en concurrence. Nous supprimons la publicité, là encore dans des cas restreints, en deçà d'un seuil qui devra être précisé par ordonnance. Il sera significativement inférieur aux 5,3 millions d'euros du seuil européen mais sensiblement supérieur à un million d'euros. Nous ne pouvons guère aller au-delà, comme le souhaiterait le Sénat, en raison des règles applicables aux marchés présentant un intérêt transfrontalier certain ; il devrait donc se situer autour de 1,5 million d'euros.

Enfin, s'agissant du zéro reste à charge, l'article 3 permet de récupérer le fonds de compensation pour la TVA (FCTVA) dans l'année où la TVA est payée ; de supprimer l'obligation de 20 % de participation minimale de la collectivité qui a subi les dégâts au financement des travaux ; de supprimer le plafond de soutien qu'un établissement public de coopération intercommunale (EPCI) peut apporter à une commune dans le cadre d'une opération qui ne correspond pas à sa compétence. Quand nous aurons fait tout cela, nous aurons fini.

La position du Gouvernement est simple : faire adopter le projet de loi dans une forme qui ne préempte pas les débats à venir. Je sais la tentation de procéder à des modifications sémantiques, mais cela ouvrirait le débat sur les causes. Or nous ne pouvons pas le faire à moitié, au détour d'un mot ou d'une phrase, un 20 juillet. Nous devons prendre le temps pour un tel échange tranquillement à la rentrée. Voilà dans quel état d'esprit je défendrai le texte ce matin.

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