Vous avez l'air d'en douter, et je conviens que cela risque d'être difficile. En tout cas, le dispositif est ainsi conçu. Nous sommes contents d'avoir pu travailler avec M. François Braun sur cette question.
Monsieur Lovisolo, le dispositif du plan contre les agressions d'élus est similaire pour tous les élus, qu'ils soient dans les territoires ruraux ou non. Parmi les principales mesures annoncées figure la création d'un réseau de 3 400 gendarmes spécialistes des violences à l'encontre des élus, qui doivent se faire identifier comme référents. Cet « aller vers » se déploie admirablement bien dans les départements. Le directeur général de la gendarmerie nationale (DGGN) m'a dit que, sur cette question, les messages passent.
Les élus doivent également enregistrer leurs numéros de téléphone mobile dans la base de données du dispositif « Alarme élu », pour être secourus rapidement quand ils appellent le 17, car ils sont des personnes à risque.
Vendredi dernier, j'ai encore annoncé quatre axes de protection pour les élus.
D'abord, la protection juridique et psychologique. Après la réunion que le Président de la République a organisée avec quelque 300 maires, j'ai pu m'entretenir avec une quinzaine d'entre eux, dont l'un n'a pu retenir ses larmes : comme le maire de L'Haÿ-les-Roses, il avait été victime d'une attaque à la voiture-bélier, qui avait été arrêtée à temps par les gendarmes. Tous sont courageux – la première adjointe de Saint-Brevin-les-Pins m'a dit que l'équipe municipale ne démissionnera pas, que la République fera front. Nous le savons, les maires sont notre front républicain.
On nous dit que les 5 millions d'euros du plan ne suffisent pas. Nous avons prévu 1 million d'euros pour que les élus soient accompagnés par des associations spécialisées dans l'aide aux victimes de toute sorte de violences, avec lesquelles le garde des sceaux travaille. Elles vont créer un guichet unique auprès duquel trouveront désormais une protection fonctionnelle automatique et gratuite les élus des communes de moins de 10 000 habitants : une délibération du conseil municipal ne sera plus nécessaire ; les frais d'assurance et de procédure seront pris en charge. Cette somme sera-t-elle suffisante ? Les élus seront-ils nombreux à utiliser cette protection juridique et psychologique ? Je ne sais pas ; nous commençons déjà avec cet argent.
La protection physique est le deuxième axe. Nous rencontrons des difficultés pour identifier les auteurs des violences, faute de caméras de vidéosurveillance. Il ne s'agit pas de celles financées dans les communes par le fonds interministériel de prévention de la délinquance (FIPD), mais de caméras qui peuvent être placées autour du domicile du maire, le temps de trouver les auteurs des attaques – bien sûr, toujours après un jugement reconnaissant que le maire est menacé, et sur autorisation du procureur. Or les gendarmes et la police ne disposaient pas de ces caméras. Nous apportons donc 3 millions d'euros pour acheter le matériel qui permettra d'élucider ces affaires.
Troisième axe : la protection judiciaire. Il s'agit, d'une part, de sanctionner celui qui s'attaque à un élu de la même façon que l'auteur de violences à l'encontre d'un gendarme ou d'un policier. La disposition adéquate ne pouvait être intégrée dans la loi d'orientation et de programmation du ministère de l'intérieur (Lopmi) ni dans le projet de loi d'orientation et de programmation pour la justice, sans risquer d'être considérée comme cavalier législatif ; elle le sera donc dans un autre texte, car nous avons besoin de telles sanctions pour montrer que l'on ne s'attaque pas à un élu de la République.
D'autre part, il s'agit de favoriser le rapprochement entre les maires et le Parquet. Lors des premières de mes nombreuses visites dans les territoires, je n'avais jamais rencontré de procureur ; dernièrement, tous étaient présents aux réunions organisées par l'AMF ou par le préfet. Il faut dire qu'avec le garde des sceaux et M. Gérald Darmanin, nous avions rédigé une circulaire enjoignant aux procureurs de se rapprocher des maires – ceux-ci, très occupés, n'avaient guère donné de suite aux cinq précédentes sur le sujet. Tous ont présenté les chiffres des actes de violences traités par leurs tribunaux respectifs, ce qui a permis de donner de la lisibilité à l'action judiciaire, à rebours du sentiment d'impunité qui nous agace tous.
Pour faciliter la reconstruction de tous les bâtiments détruits dans 500 communes, M. Christophe Béchu a indiqué que serait autorisé un reste à charge zéro pour la commune, donc, que la subvention dépasserait le plafond de 80 %. Comme le dit souvent la Première ministre, l'exception est possible : la dérogation pour aller jusqu'à 100 % est à la main des préfets, selon des conditions précises.
On ne se saisit pas assez du droit à la différenciation, qui est un marqueur de notre Gouvernement. Comme M. Lovisolo, je pense qu'il faut aller plus loin : certains territoires requièrent davantage de financements pour la mobilité, d'autres, pour la lutte contre le logement vacant. Il faudra créer des outils, et je vous invite à lire dans le détail le plan France ruralités. La Banque des territoires pourra aller jusqu'à créer une foncière par département, pour lutter contre le logement vacant. Avec un retour sur investissement en quarante-cinq ans et des loyers intéressants, ces logements offriront des possibilités de location.
Monsieur Blairy, vous ne souhaitez pas que le chef de projet s'installe à Arras. Or, pour qu'il puisse agir vite, il doit être proche du préfet et de tous les services de l'État présents en région – Ademe, agence de l'eau, direction départementale des territoires (DDT) ou Cerema. Seul dans la campagne, il ne serait proche que de quelques maires alors qu'il y en a 294 dans votre circonscription. Il faudra donc qu'il soit à un endroit d'où il pourra se rendre vite auprès de chacun, en voiture, en train ou en bus. Si la sous-préfecture est mal située ou trop grande, le préfet d'arrondissement saura trouver une organisation de sorte que le chef de projet puisse être très présent sur le terrain tout en rendant compte au préfet, qui connaît bien le territoire et pourra lui donner des informations utiles. N'hésitez pas à présenter des candidats à ces postes : au moins dix sont à pourvoir dès maintenant, même si le projet ne sera lancé qu'en 2024. Les candidats passeront un double entretien, avec l'ANCT et le préfet.
Monsieur Villedieu, le bilan des ZRR est assez discutable en raison du taux de recours. Si de nombreux rapports les critiquent, c'est que certaines communes n'ont pas su en faire un outil d'attractivité. En réalité, les ZRR marchent très bien là où les communes s'en saisissent. Le problème, comme pour toute politique publique, c'est de les faire connaître. En 2023, ce sont tout de même 380 millions d'euros qui sont consacrés aux ZRR. Une nouvelle définition du périmètre des ZRR intégrera, en plus du critère économique, ceux de la santé et de l'éducation, de sorte que toutes les politiques publiques participent à redonner de l'attractivité à ces territoires.
Madame Ferrer, je comprends votre déception. Moi-même, je me suis investie dans ce dossier en organisant deux rendez-vous avec vous-même et le délégué CGT, en étudiant la pertinence de la fermeture de cette trésorerie. Je suis intimement convaincue que l'organisation future sera plus efficace, vous êtes convaincue du contraire ; n'y revenons pas. Les conseillers financiers appliqueront le « aller vers » en se déplaçant auprès des maires concernés autant de fois que nécessaire. Attendons leur retour.
Il n'y a aucun mépris de ma part – je prends comme une insulte que vous considériez le contraire – à dire que les Français sont réfractaires au changement. Moi-même, je le suis et je dois parfois me faire violence, car on est attaché à ses pratiques. En tant que maire, il m'est arrivé de soutenir des programmes impopulaires, dont trois qui ont maintenant près de dix ans – j'avais donc raison. Parfois, on se trompe, mais, en l'espèce, je crois que l'on va vers une amélioration. Ne refaisons donc pas la discussion que nous avons eue à plusieurs reprises. En matière de services de trésorerie, les maisons France Services fonctionnent, et les citoyens en sont satisfaits.
Que tout le monde l'entende, la ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et de la ruralité ne méprise personne ! Elle aime l'autre, elle aime le citoyen et veut améliorer sa qualité de vie. Il n'y a pas une once de mépris dans mes propos.
Mme Catherine Couturier demande une augmentation de la dotation globale de fonctionnement (DGF). Tous les maires le voudraient et nous aimerions bien, nous aussi, que l'argent coule à flots. Mais nous cheminons sur un chemin de crête, en soutenant du mieux possible les collectivités locales confrontées aux multiples crises, sans aggraver encore davantage la dette publique. Bien sûr, nous pouvons toujours faire mieux, mais c'est la première fois depuis de nombreuses années que la DGF a été augmentée – de 320 millions d'euros en 2023. Nous travaillerons d'arrache-pied pour la renforcer encore davantage en 2024, mais comprenez bien qu'il ne suffit pas de le vouloir pour y parvenir. C'est facile de vouloir 1 milliard d'euros plutôt que 320 millions, mais nous ne devons pas oublier nos 3 000 milliards d'euros de dette !
Monsieur Di Filippo, vous m'avez interrogée à brûle-pourpoint au sujet de la biosphère. Je n'ai pas la réponse, mais mon cabinet vous écrira. En tout cas, vous avez de bonnes idées et nous ne manquerons pas de les étudier.
Mme Pochon me demande ce que nous comptons faire pour renforcer la cohésion des territoires. Un jeune homme est mort, les banlieues s'enflamment ; à vous entendre, nous resterions les bras ballants. Vous avez le droit de le penser et je respecte votre opinion mais, en l'espèce, nous agissons et nous avons pris de nombreuses mesures. Le plan France ruralités est un outil de cohésion des territoires et je regrette que vous n'en ayez pas pris la mesure. Le Président de la République a rappelé l'importance des sommes investies dans les plans Banlieue, bien plus élevées que celles qui l'auraient été dans le plan Borloo, s'il avait été retenu. Nous n'avons pas ménagé nos efforts pour soutenir les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) ou doter l'Agence nationale pour la rénovation urbaine des moyens nécessaires, mais est-ce seulement une affaire d'argent ? Je ne le crois pas. Nous analysons les événements pour tenter de les comprendre. Le travail est engagé, ne tirons pas de conclusions trop hâtives ; prenons le temps nécessaire. Parmi les 500 communes qui ont été le théâtre de violences, 200 ne comptaient pas de QPV. Ce ne sont donc pas forcément les banlieues qui sont en cause. Qu'allons-nous faire ? Je suis triste si vous ne voyez pas dans France ruralités une volonté forte, délibérée, d'accorder des moyens supplémentaires en faveur de la cohésion des territoires, pour restaurer l'équilibre et l'équité.
Monsieur Raux, vous avez proposé des solutions transpartisanes. Je suis en charge des collectivités locales, j'ai travaillé avec quatorze ministères et je n'ai pas besoin de vous rappeler ce que je pense de l'idée d'imposer aux médecins de s'installer en zone rurale. Mme Agnès Firmin-Le Bodo et M. François Braun vous ont répondu : cette proposition n'a pas été retenue, essentiellement parce que les médecins s'y opposent frontalement, jusqu'à se mettre en grève pour manifester leur mécontentement. N'interprétez donc surtout pas mon attitude comme une réticence à accepter une proposition transpartisane. Au contraire, j'écoute avec attention les questions que vous posez et je vous sais modéré : ce type de proposition est donc bienvenu, en général, du moins dans mon champ de compétences, c'est-à-dire les collectivités locales et la ruralité. Vous serez toujours entendu par mon cabinet mais je ne fais pas la pluie et le beau temps au Gouvernement, où nous sommes quarante ! Mes collègues vont ont répondu.
Par ailleurs, je n'ai pas une vision misérabiliste de la ruralité. Au contraire, j'en ai une très belle et j'ai envie que les gens s'y sentent heureux. Le sentiment de relégation que l'on peut percevoir naît de ce que les gens ne se sentent pas suffisamment heureux dans leur milieu. Essayons d'éviter d'employer ce terme de misérabilisme, car il pourrait renforcer l'impression des gens qui y vivent de ne pas être assez écoutés ou pris en considération. Nous verrons si, ensemble, nous réussissons à faire évoluer la situation.
Monsieur Jean-Louis Bricout, vous avez raison, nous avons favorisé un choc de l'offre de logement, mais à présent, nous devons créer un choc de la demande. J'ai un « dada », celui de pactes à conclure entre les métropoles et les territoires ruraux. Lorsque j'étais première vice-présidente de la métropole de Toulouse, je suis parvenue à faire signer des contrats de réciprocité entre la métropole et les territoires ruraux alentours, dans le secteur de l'agroalimentaire. Nous avons ainsi réussi à éviter la fermeture d'un abattoir dans le Gers, en lui achetant la viande pour approvisionner toutes les cantines des écoles toulousaines. Ce schéma pourrait être reproduit pour le logement.
Les métropoles construisent des métros, mais pas des trains qui permettraient à tous ceux qui le souhaitent de vivre en dehors de la métropole, jusqu'à une heure de trajet, tout en continuant à y travailler. Vous trouverez toujours en moi une alliée pour lutter contre la métropolisation. Du reste, ce n'est pas le Gouvernement qui est à l'origine de ce phénomène ; il nous a été imposé. Cependant, les temps ont évolué et, même si des jeunes veulent encore le métro en bas de chez eux pour aller facilement au cinéma, ils sont de plus en plus nombreux à préférer vivre à la campagne. Nous devons répondre à leurs attentes grâce à ces contrats de réciprocité entre les métropoles et les territoires ruraux.
Il faudra également déconcentrer l'économie. Un énorme travail a été accompli par le préfet M. Rollon Mouchel-Blaisot, auparavant à la tête du programme Action cœur de ville. Il a évalué les montants que nous devrions investir dans les friches, qui se situent quasiment toutes dans des villes moyennes ou en milieu rural. Nous investirons l'argent nécessaire pour les réhabiliter et permettre d'y installer des activités industrielles. Cette opération coûtera cher, mais c'est le prix à payer si on ne veut pas artificialiser de nouveaux sols. Ces crédits ne seront pas ceux dédiés à France ruralités, ce sera de l'argent supplémentaire.
Je vous associerai, bien évidemment, à ce travail, comme je vous l'ai promis, et la première réunion du groupe de travail pourrait se tenir mi-septembre.