Ce nouveau plan pour la ruralité arrive à un moment clef pour nos campagnes, dont le sentiment d'abandon ne se dément pas, au fil de difficultés quotidiennes qui vont croissant, malgré les 181 mesures de l'Agenda rural et la brève embellie qui a suivi le covid. Nous aurions aimé nous réjouir de votre plan, mais il retombe dans le piège du saupoudrage de mesures qui ne font que corriger les reculs imposés par ailleurs.
Votre plan, opportunément dévoilé à trois mois des élections sénatoriales, ajoute un peu d'ingénierie, grâce à des techniciens en préfecture qui ne pourront être saisis que par des groupes de deux à huit communes. En matière d'efficacité, cette méthode laisse perplexe. Il y a dans l'Oise 679 communes, dont 670 rurales ou très rurales.
Viennent ensuite des mesures censées gonfler le montant des dotations en échange d'une contribution des communes à la protection de la nature ou à la production d'énergies renouvelables. C'est une vision dégradante de la ruralité, qui ne serait là que pour nourrir et divertir le citadin, mais n'existerait pas pour elle-même.
Le Gouvernement, qui avait d'abord pensé supprimer les ZRR, va finalement les proroger, mais nous manquons de précisions sur leurs contours futurs, que ce soit pour les critères d'éligibilité, les dispositifs ciblés ou les montants alloués.
L'Igedd a elle-même regretté dans un récent rapport que l'Agenda rural ait consisté en un catalogue de mesures, même si toutes n'étaient pas inutiles, au lieu d'une stratégie cohérente pour sortir la ruralité de ses difficultés. Avec France ruralités, vous retombez dans cet écueil : ce plan prévoit une quarantaine de mesures et un éparpillement des moyens nuisible à une action de l'État dans les territoires véritablement efficace.
Il y aurait ainsi 60 millions d'euros de plus pour les commerces et 90 millions supplémentaires pour le transport à la demande : est-ce vraiment cela qui va changer les choses, ces crédits étant éparpillés sur nos 35 000 communes ? En réalité, les efforts sont loin de compenser les pertes infligées par la politique du Gouvernement. Je pense à l'insuffisance des dotations face à l'explosion du coût de l'énergie, à la perte d'autonomie financière des collectivités à la suite de la suppression de la taxe d'habitation, au zéro artificialisation nette (ZAN), aux zones à faibles émissions (ZFE) et à la dégradation progressive de la présence de l'État, malgré le déploiement du label France Services, qui est mal financé.
Derrière cet agrégat confus de mesures louables, qui sont prises les unes après les autres, se cache une méconnaissance profonde de la ruralité, c'est-à-dire de la réalité des territoires ruraux, que le Gouvernement se contente d'opposer à la ville et essaie de remettre à niveau par des moyens financiers insuffisants. Malheureusement, le sentiment d'abandon demeure.