C'est avec un plaisir non dissimulé que je viens vous présenter le plan France ruralités. On peut ne pas être d'accord avec les mesures de ce plan, mais j'ai voulu qu'il soit aussi simple et compréhensible que possible, en quatre axes.
France ruralités est le résultat d'un travail d'analyse de près de douze mois. L'évaluation de la mise en œuvre de l'Agenda rural a été coordonnée par M. Jean-Jacques Kéjelart, de l'Inspection générale de l'environnement et du développement durable (Igedd). Le directeur adjoint de mon cabinet, M. Pierre Manenti, a procédé aux concertations qui ont associé plus de 300 personnes, dont les représentants de toutes les associations d'élus locaux et beaucoup de parlementaires intéressés par ces questions. Nous avons présenté en janvier le fruit de nos travaux à la Première ministre et, après des modifications qui ont suivi de nouvelles rencontres, elle a présenté officiellement le plan France ruralités il y maintenant un mois.
En introduction, je souhaite mettre en exergue deux notions. L'égalité, d'abord, car nous souhaitons tous que les territoires ruraux bénéficient de l'égalité des chances, dans une période où l'ascenseur social connaît beaucoup de difficultés. L'équité territoriale, ensuite, car elle est au cœur de France ruralités. Ne nous voilons pas la face, nos concitoyens qui vivent dans les zones rurales ont le sentiment d'être relégués et abandonnés.
Bien entendu, on n'a pas attendu que je sois ministre pour travailler sur les ruralités, et beaucoup de choses ont déjà été faites par le Parlement et par mes collègues Mme Jacqueline Gourault et M. Joël Giraud.
Le Gouvernement a ainsi mis en place les plans Action cœur de ville (ACV), pour les villes de 20 000 à 100 000 habitants, et Petites villes de demain (PVD), pour celles de 2 000 à 20 000 habitants – ces seuils sont des approximations, car nous n'avons pas souhaité qu'ils soient contraignants. Il manquait une aide à l'ingénierie en faveur des villages, et c'est ce qui est proposé au sein de France ruralités avec le programme Villages d'avenir.
L'Agenda rural avait déjà permis de consacrer plusieurs milliards d'euros à 181 mesures, le tout manquant peut-être de lisibilité – c'est en tout cas la conclusion du rapport de M. Kéjelart. Nous poursuivrons le plan Avenir montagnes, qui a vu le déploiement d'une soixantaine de chefs de projet aider les intercommunalités à accomplir les évolutions nécessaires. Je pourrais détailler longuement les très nombreux résultats concrets dans bien des domaines. Toutes les actions menées par l'Agence nationale de la cohésion des territoires (ANCT) portent la marque de l'Agenda rural – mais nos concitoyens ne l'ont pas forcément perçu. Les responsables d'intercommunalités savent à quel point le programme Territoires d'industrie a été extrêmement intéressant. Beaucoup a été fait en matière d'aménagement numérique, même si la tâche reste encore importante. Les mesures de l'Agenda rural ont été mises en œuvre à 92 %, et il continue à être appliqué. C'est notamment le cas avec le recrutement de volontaires territoriaux en administration (VTA), grâce à la reconduction du budget destiné au financement de cette mesure par l'État. Cela permet d'affecter dans des territoires ruraux de jeunes diplômés en aménagement du territoire ou en ingénierie culturelle de niveau bac + 3 à bac + 5. C'est un succès : ces jeunes sont extrêmement précieux pour les collectivités qui les emploient et ils améliorent leur employabilité en acquérant une superbe expérience.
Nous avons souhaité que le plan France ruralités, élaboré de manière collective, repose sur trois principes.
Il s'agit, tout d'abord, d'une approche partenariale. Ce n'est pas l'État seul qui délivrera ce qu'il croit avoir compris des besoins. Il viendra accompagner toutes les initiatives locales qui émaneront d'associations, de collectivités et de commerces du monde rural. L'État ne peut rien seul ; il faut travailler avec le tissu associatif et socioprofessionnel ainsi qu'avec les collectivités locales.
Ensuite, nous voulons que ce plan soit simple et lisible, ce que ses quatre axes permettent.
Enfin, il s'agit de mesurer l'efficacité des actions conduites en définissant des indicateurs – je suis un peu lasse de l'évaluation a posteriori des politiques publiques. Le rapport de M. Kéjelart sur l'Agenda rural est très pertinent, mais, pour le plan France ruralités, mieux vaudrait, me semble-t-il, prévoir des indicateurs de performance dès le départ.
Quels sont les quatre axes de ce plan ?
Le premier, « Soutenir les villages dans leurs projets », consiste à fournir une aide en matière d'ingénierie. J'ai effectué quatre-vingt-trois déplacements depuis juillet 2022 et tous les acteurs, qu'ils soient maires ou membres d'un pôle d'équilibre territorial et rural (PETR), m'ont indiqué qu'il leur fallait des moyens dans ce domaine pour pouvoir constituer des dossiers de demandes de subventions d'investissement auprès de l'État, des régions ou des départements. Nous répondons à ce besoin. Il est évident que les situations en ce qui concerne l'ingénierie sont extrêmement diverses selon les collectivités. Il faut prendre en compte cette diversité, qui est heureusement à l'image de la France.
Le deuxième axe, « Reconnaître et rémunérer les aménités rurales », consiste à faire des collectivités territoriales rurales des acteurs de la transition écologique. Elles sont riches d'air pur, de forêts et d'eau, mais elles ne perçoivent pas de rémunération à ce titre – à l'exception de celles situées dans des parcs naturels ou des zones Natura 2000. Il s'agit d'en prévoir pour toutes les communes pour leur contribution au captage du CO2 et à la neutralité carbone.
Le troisième axe est intitulé : « Apporter des solutions au quotidien et répondre aux attentes des habitants ». Il s'agit, tout d'abord, de lutter contre les logements vacants, car il y en a dans presque tous les villages de France. On estime leur nombre à 900 000, ce qui permettrait de loger aisément deux millions de personnes. Il faut aussi se préoccuper de la mobilité. On investit à juste titre des milliards d'euros dans le train et les bus, mais comment répondre aux besoins des personnes qui ne sont pas motorisées et qui habitent à 30 ou 40 kilomètres de la gare ou de l'arrêt de bus ? Il faut s'occuper de la mobilité dite du dernier kilomètre. Enfin, il faut renforcer l'attractivité économique des territoires ruraux et y renforcer l'artisanat et les industries existantes. C'est notamment la raison pour laquelle des mesures législatives sont nécessaires.
L'objectif du quatrième axe est précisément celui de son intitulé : « Refonder les zones de revitalisation rurale (ZRR) ».
Nous voulons que le citoyen soit au cœur de France ruralités. Pour améliorer la qualité de vie en zone rurale, nous devons travailler avec tous ceux qui sont volontaires, qu'il s'agisse d'associations, d'acteurs économiques ou, bien entendu, de collectivités territoriales.
Le programme d'ingénierie prévu dans le cadre de Villages d'avenir repose sur le déploiement de 100 chefs de projet par l'ANCT, en complément de ce qui est déjà réalisé avec Action cœur de ville et Petites villes de demain. À la différence de ces deux derniers programmes et conformément à la demande des maires concernés, chacun de ces chefs de projet sera rattaché directement au préfet de département afin de favoriser une véritable mutualisation, comme c'était le cas dans le passé. Il s'agit de très beaux postes et ces chefs de projet seront recrutés conjointement par l'ANCT, qui pilotera le programme Villages d'avenir, et le préfet. Les chefs de projet devront travailler de manière partenariale. Ils consacreront un temps important au début de leur mission à l'analyse de l'existant et des besoins en ingénierie, afin de pouvoir ensuite utiliser au mieux les 20 millions d'euros disponibles. Cette somme permettra de financer des compléments d'ingénierie, par exemple en commandant des prestations temporaires à des organismes comme le Centre d'études et d'expertise sur les risques, l'environnement, la mobilité et l'aménagement (Cerema). Elles pourront porter sur tous les domaines susceptibles d'intéresser les collectivités territoriales, comme la culture et le patrimoine, l'aménagement du territoire ou les finances.
Au terme de ce travail d'ingénierie, qui prendra quelques mois mais certainement pas des années, il faudra accompagner les projets d'investissement des communes. J'ai déjà commencé à discuter avec les commissions compétentes des associations représentatives des régions, des départements et des intercommunalités pour voir dans quelles conditions ces collectivités accepteront de participer au financement des projets.
Le label Village d'avenir garantira un financement des investissements par l'État à hauteur de 40 %, soit 10 points de plus que ce qui est consenti en moyenne au titre de la dotation d'équipement des territoires ruraux (DETR) et de la dotation de soutien à l'investissement local (DSIL). Nous espérons que les régions et les départements contribueront respectivement, par exemple, à hauteur de 20 %. Ces projets intéressent tout le monde, quelle que soit l'appartenance politique. Je pense donc qu'on peut y arriver. Pour l'instant, les commissions précitées de l'Association des maires et des présidents d'intercommunalités de France (AMF) et de l'Association des maires ruraux de France (AMRF) sont très favorables à cette démarche collective, à partir du moment où le projet est présenté par le maire du village. Il serait utile que ce dernier puisse savoir très rapidement sur quel pourcentage de cofinancements il peut compter.
J'en viens à la reconnaissance des aménités rurales, deuxième axe du plan France ruralités. Lors de l'examen du projet de loi de finances (PLF) pour 2023, la dotation de soutien aux communes pour la protection de la biodiversité et pour la valorisation des aménités rurales a été doublée et elle atteint désormais 40 millions d'euros. Nous le devons à M. Joël Giraud et au sénateur M. Bernard Delcros, qui ont travaillé d'arrache-pied. Je venais de succéder à Mme Caroline Cayeux comme ministre déléguée chargée des collectivités territoriales et j'ai relayé leur demande. Ce doublement est une mesure extrêmement précieuse, comme l'ont souligné de nombreux maires. Notre ambition est de faire passer cette dotation de 40 à 100 millions d'euros, indépendamment du travail en cours de l'Igedd sur la possibilité d'utiliser une partie des sommes versées par les entreprises au titre des certificats d'économies d'énergie (CEE) pour financer les collectivités rurales.
Pour apporter des solutions aux besoins du quotidien, troisième axe de France ruralités, il faut notamment s'attacher aux mobilités dites du dernier kilomètre. Je suis très heureuse d'avoir obtenu 30 millions d'euros par an pendant trois ans pour améliorer les mobilités en zone rurale, là où il n'y a ni train ni bus. Cela permettra de financer des projets très divers. Ils pourront émaner d'associations – Familles rurales dans les Vosges, par exemple, a présenté un service d'aide au déplacement lors de la visite de la Première ministre – ou encore de départements, dans certains desquels nous investissons pour acheter des véhicules électriques et installer des bornes de recharge. Le département de la Creuse a fait un travail d'ingénierie remarquable pour améliorer la mobilité en apportant des compléments au train et au bus. Des intercommunalités peuvent aussi jouer un rôle en prolongeant l'action des régions. Peu importe qui est à l'origine du projet, nous serons à ses côtés pour investir, qu'il s'agisse de vélos électriques, de projets associatifs ou bien de la mise en place d'un service public. La mobilité décarbonée est une nécessité absolue.
Il s'agit aussi d'aider les territoires ruraux à renforcer leur attractivité économique. Cela implique de saisir l'opportunité que constituent les VTA. J'ai pu obtenir 3 millions d'euros pour accompagner les acteurs qui proposent des projets dans le domaine de l'économie sociale et solidaire (ESS) en milieu rural, en complément du soutien apporté à de nombreuses têtes de réseau par Mme Marlène Schiappa, secrétaire d'État chargée de l'ESS et de la vie associative.
Comme vous avez pu le constater, le dossier de presse comprend les contributions de quatorze membres du Gouvernement. Cela témoigne de la dimension interministérielle du plan France ruralités.
Pour lutter contre les logements vacants, il faut avant tout aider en matière d'ingénierie. Cela suppose de mettre en place des établissements publics fonciers (EPF) et des établissements publics fonciers locaux (EPFL), ainsi que des sociétés d'économie mixte (SEM). Sans ces instruments, les maires sont démunis face aux logements vacants, ce qui explique qu'il en existe 900 000 dans le monde rural. Plusieurs aides sont prévues dans ce domaine, mais je n'en cite qu'une : la prime de sortie de vacance, que nous rétablissons. Elle permet d'aider, à hauteur de 5 000 euros, les propriétaires qui rénovent un logement vide pour l'occuper ou le louer.
Je ne m'étends pas sur les nombreuses mesures adoptées en faveur de l'égalité des chances et de l'éducation, car vous connaissez bien ces politiques publiques. Nous essayons d'accompagner les initiatives associatives ou de collectivités locales.
La culture n'est pas en reste puisque, avec ma collègue Mme Rima Abdul Malak, nous avons obtenu 7 millions d'euros en 2024 pour financer le recrutement de VTA contribuant à l'ingénierie culturelle dans les territoires ruraux.
La santé est fondamentale. En nous inspirant de l'initiative très réussie de gynécobus dans le Var, nous lançons 100 médicobus. Si cette expérience cofinancée par les agences régionales de santé (ARS) est concluante, nous doublerons leur nombre. Chaque bus permettra d'organiser des consultations médicales un jour par mois dans vingt localités différentes. Cela fonctionne très bien dans certains départements et nous étendons ce dispositif. Il ne faut pas baisser les bras en ce qui concerne les maisons de santé. Vous pouvez nous indiquer quelles sont les collectivités qui disposent de locaux, car nous pouvons les aider à les rénover pour y installer ces maisons de santé. L'ARS peut aussi contribuer au budget de fonctionnement de ces dernières lorsqu'elles sont en déficit, ce qui est souvent le cas les premières années.
Le quatrième axe du plan France ruralités vise à renforcer les ZRR. L'attractivité des territoires ruraux dépend aussi de la présence d'industries, de commerces et de professions libérales. Les 14 000 communes situées en ZRR continueront à bénéficier d'exonérations fiscales et de charges sociales. Le projet de loi prévoira en outre des exonérations et des aides à l'ingénierie supplémentaires pour les 4 000 communes en ZRR les plus en difficulté.
Six indicateurs de performance sont prévus, mais ils ne sont pas définitifs. Je souhaite en remplacer deux et en ajouter quelques-uns plus qualitatifs.