Si j'ai bien compris, vous avez l'intention de renoncer à l'objectif de réduction à 50 % de la part du nucléaire dans la production d'électricité d'ici 2035 pour réindustrialiser le pays grâce à l'énergie nucléaire. J'avoue ma perplexité, ne serait-ce que parce que vous auriez pu réindustrialiser par d'autres moyens, qu'il s'agisse des énergies renouvelables ou de l'incitation à la sobriété. L'Allemagne n'est pas moins industrialisée que nous mais elle s'est tout de même fixé comme objectif de couvrir 80 % de sa consommation d'électricité par les énergies renouvelables.
Je n'ai pas le temps de vous expliquer à nouveau les dangers du nucléaire, je préfère aborder l'aspect budgétaire. La construction de l'EPR de Flamanville accuse un retard de douze ans et a fait exploser le budget initialement prévu – 19,1 milliards d'euros, soit six fois plus que prévu. Je m'inquiète pour le projet que vous présentez. Je ne vois pas pourquoi il ne subirait pas le même sort, pour un coût du mégawattheure qui sera sans doute bien supérieur, à terme, à celui des énergies renouvelables. Surtout, vous voulez inscrire ce projet dans un programme de stabilité qui prévoit une baisse historique des dépenses publiques. Je ne comprends pas votre raisonnement d'autant plus que les mesures prévues dans le programme de stabilité pour mener la transition écologique sont très insuffisantes par rapport aux propositions de Jean Pisani-Ferry.
Quels sont les instruments de partage des risques que l'État envisage afin de limiter le coût du capital et donc le coût final de production de l'électricité ? Les projets de construction sont d'une telle complexité qu'il est fort probable que le budget ne sera pas tenu.
D'autre part, vous envisagez de recourir à l'épargne populaire pour financer le projet. Je suis très dubitatif car nous avons besoin de cette épargne pour le logement social qui est, lui aussi, en crise alors que les sommes collectées grâce au Livret A s'élèvent à 375 milliards d'euros. Que proposez-vous pour limiter les risques qui pèseraient sur l'épargne populaire ?
Enfin, les mécanismes mobilisés par l'État devront obtenir l'approbation de la Commission européenne au regard du droit de la concurrence. La Hongrie avait ainsi dû procéder à la scission du parc historique de l'entité gérant la construction des nouveaux réacteurs en contrepartie de l'autorisation d'un financement public. Comment éviter un tel scénario en France ?