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Intervention de Danielle Simonnet

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 13h30
Commission d'enquête relative aux révélations des uber files : l'ubérisation, son lobbying et ses conséquences

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDanielle Simonnet, rapporteure :

Madame Bergé, la question démocratique est en effet au cœur des Uber files, affaire qui témoigne d'un sentiment d'irresponsabilité et d'impunité des élus bien ancré dans la culture politique de la Ve République. L'obligation de rendre des comptes et le droit de révoquer les élus, y compris les ministres, qui ne sont pas forcément élus, pèserait sur l'ensemble de l'environnement politique et sur des élus qui n'écoutent qu'une infime minorité de la population, à savoir les dirigeants des grandes multinationales, comme c'est le cas pour Uber.

La présomption de salariat est au cœur de la question, car la « plateformisation » de l'emploi, le capitalisme de plateformes, a pour logique de ne plus avoir à assumer un contrat de travail ni des cotisations sociales, et de se limiter à mettre en relation, sur la base d'un contrat commercial, des gens en situation d'autoentrepreneur.

Le contrat de travail n'étant pas défini dans le code du travail, qui existe pourtant depuis 1910, il est intéressant de nous appuyer sur la jurisprudence. À cet égard, l'audition du président de la Cour de cassation était très importante, car elle rappelait cette évidence que ce n'est pas le travailleur qui choisit s'il est indépendant ou salarié, mais les faits : est-il, ou non, dans un rapport de subordination ? De fait, toutes les décisions de justice, que ce soit au niveau administratif, aux prud'hommes ou au pénal et jusqu'à la Cour de cassation, concluent sur le fond que les travailleurs des plateformes sont dans un rapport de subordination et que leur situation devrait donc faire l'objet d'une requalification salariale. La loi, avec ses décisions de justice, nous le dicte. Notre État de droit respectera-t-il ces exigences ? Non.

Aujourd'hui, les plateformes imposent un état de fait à l'État de droit et il est donc très important que le débat se poursuive. En tant que républicaine, très attachée à l'État de droit, je considère qu'il est du rôle de ce dernier de mettre fin à ces manquements et de respecter enfin la présomption de salariat dans un rapport de subordination. À propos de Mediflash, par exemple, plateforme qui met en relation des travailleurs sous statut d'autoentrepreneur, Mme Borne, qui était alors ministre du travail, et M. Véran, alors ministre de la santé, ont rédigé un excellent courrier dénonçant cette mise en relation qui mettait dans une situation hallucinante des EHPAD ayant recours par ce biais à des aides-soignantes qui auraient dû être sous la responsabilité des infirmiers et sous statut salarié.

On voit bien que, par ailleurs, les plateformes piétinent la réglementation sectorielle. Le rapport révèle aussi à quel point Bpifrance a financé ces plateformes, en contradiction même avec des décisions prises par des gouvernements successifs. La présomption de salariat est donc une question centrale du point de vue de l'État de droit.

Quant au portage salarial, il s'agit d'une excellente proposition pour un travailleur ayant un véritable statut d'indépendant, dans lequel il contrôle ses tarifs : dans une coopérative, il aura les mêmes droits qu'un salarié, tout en restant, fiscalement, un travailleur indépendant. Le portage salarial n'est cependant pas applicable à des plateformes qui s'exonèrent illégalement de leurs obligations. De fait, leur permettre ce mécanisme reviendrait à leur dire qu'elles peuvent continuer à abuser du statut de faux indépendants, situation qui devrait conduire à une fermeture immédiate si l'État de droit savait se faire respecter. Il faut toujours nous référer à l'État de droit.

J'espère que nous pourrons poursuivre la réflexion pour aboutir à des propositions de loi transpartisanes, notamment pour qu'il existe enfin une autorité délivrant des agréments qui permettent de vérifier que les plateformes respectent leurs obligations.

J'espère aussi que nous aurons un vrai débat à l'Assemblée nationale, au titre de l'article 50-1 de la Constitution, sur la directive relative à la présomption de salariat actuellement débattue à l'échelle européenne. L'intérêt suscité par cette commission d'enquête montre bien que ce débat devrait être partagé et suivi d'un vote démocratique.

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