Intervention de Pap Ndiaye

Réunion du mardi 11 juillet 2023 à 17h30
Commission des affaires culturelles et de l'éducation

Pap Ndiaye, ministre :

Monsieur Sorre, les plus-values du concours à bac + 3 sont évidentes tant du point de vue du recrutement que de l'égalité des chances. Le métier d'enseignant a toujours historiquement servi l'ascension sociale – les enfants de paysans devenaient instituteurs, et parfois plus – je pense au président Pompidou qui était lui-même fils d'instituteur et petit-fils de paysan et on pourrait prendre bien d'autres exemples. Nous devons faire en sorte que les deux années rémunérées soient les plus efficaces pour former les professeurs des écoles, qui puissent rendre les meilleurs services possible.

En ce qui concerne l'éducation à la sexualité, madame Pollet, la loi du 4 juillet 2001 relative à l'interruption volontaire de grossesse et à la contraception nous oblige à dispenser trois séances par an entre le CP et la terminale. Nous devons respecter la loi, charge à vous de la modifier si elle ne vous convient pas. Cette année, 37,8 % des élèves ont bénéficié d'au moins une séance, contre 17,1 % l'année dernière. Il nous reste du chemin à parcourir, raison pour laquelle j'ai saisi le Conseil supérieur des programmes.

Il me semble réducteur d'opposer cet enseignement aux savoirs fondamentaux. Dans les pays les mieux placés dans les classements internationaux tels que Pisa, Timss – Trends in international mathematics and science study – ou Pirls, les élèves bénéficient d'une éducation à la sexualité ainsi que d'un enseignement de développement durable. Il ne faut pas se placer dans une perspective uniquement quantitative, la pédagogie est un facteur essentiel. Le renforcement des savoirs fondamentaux auquel je suis particulièrement attaché – j'ai mentionné l'heure et demie de mathématiques en première, l'heure de français ou de mathématiques en sixième ainsi que l'accent mis sur les travaux d'écriture à l'école élémentaire – est parfaitement compatible avec d'autres enseignements qui sont nécessaires.

On sait que l'enseignement à la sexualité est bon pour les relations entre les filles et les garçons – cela fait diminuer les violences sexistes et sexuelles –, et pour le climat scolaire général – cela fait baisser le harcèlement. Il n'a que des avantages.

On peut souhaiter que l'éducation à la sexualité soit assurée dans le cadre familial, mais si l'école ne le fait pas, ce ne sont pas toujours les parents qui s'en chargent. C'est parfois malheureusement l'industrie pornographique qui prend le relais.

J'ai échangé avec les sénatrices auteures d'un rapport d'information très pertinent sur l'industrie de la pornographie – Annick Billon, Alexandra Borchio Fontimp, Laurence Cohen, et Laurence Rossignol. Notre mission est à la fois d'enrichir les connaissances des élèves et de développer leur bien-être. Les pays du nord de l'Europe qui réussissent très bien font de l'éducation à la sexualité. Le choix n'est pas entre apprendre à lire ou être éduqué à la sexualité. Il faut combiner les deux et accorder une place importante à la pédagogie.

En volume d'heures enseignées, la France se situe dans la bonne moyenne européenne. L'augmentation mécanique du nombre d'heures – nous le faisons avec l'heure et demie de mathématiques en première – n'est donc pas la seule réponse. Nous devons aussi penser à la manière dont les mathématiques sont enseignées. L'approche en France est historiquement plus abstraite que dans d'autres pays qui préfèrent une méthode plus pratique, voire plus ludique. Le très bon rapport « 21 mesures pour l'enseignement des mathématiques » de Cédric Villani et Charles Torossian il y a quelques années le montre très bien.

C'est la raison pour laquelle nous travaillons particulièrement sur la pédagogie. Le plan français et le plan mathématiques qui forment des enseignants dans le premier degré donnent de très bons résultats. Nous allons faire de même pour les professeurs des écoles qui enseignent en maternelle, en particulier pour l'acquisition du vocabulaire.

Madame Colboc, nous avons de très bons retours s'agissant du pass culture collectif, qui a connu à partir de septembre 2022, après des années difficiles marquées notamment par la crise sanitaire, un décollage très impressionnant puisque 82 % des établissements l'ont activé et que 52 % des élèves en ont bénéficié cette année. Ces chiffres vont bien au-delà de nos prévisions, et nous ferons encore mieux l'année prochaine. Subsiste une difficulté que vous connaissez sans doute et qui ne se pose pas seulement en zone rurale : le pass culture collectif ne permet pas de financer des transports scolaires. Ainsi, le coût de location d'un car ou du déplacement vers l'endroit d'une activité culturelle ou artistique peut être, à lui seul, prohibitif. Nous travaillons à résoudre ce problème, en lien avec le ministère de la Culture et les collectivités. Il n'en demeure pas moins que le bilan est très positif et que l'on observe un élan très favorable au pass culture collectif. Je ne dispose pas encore de détails s'agissant du type d'activités concernées.

J'ai bien noté, madame Brugnera, votre remarque relative aux effets de la baisse démographique sur les temps de décharge des directeurs d'école. Je n'ai pas été sensibilisé à cette question ; aussi me permettrai-je de vous répondre plus en détail ultérieurement.

Monsieur Bilde, il y a effectivement des disparités entre bac professionnel, bac technologique et bac général. La réforme du bac professionnel, que j'ai évoquée, prévoit justement du travail en demi-groupe dans les disciplines fondamentales, en particulier en français et en mathématiques, car les tests de positionnement en seconde montrent que les élèves des lycées professionnels obtiennent dans ces matières des résultats significativement inférieurs à ceux des élèves des filières générales. Il s'agit là d'un effort très important.

Madame Calvez, vous m'avez interrogé au sujet de l'orientation. La découverte des métiers, qui était expérimentée dans 640 collèges cette année, sera généralisée à partir de la rentrée prochaine dans les classes de cinquième, puis de quatrième et de troisième. Cette démarche peut consister à visiter une entreprise ou, par exemple, le tribunal judiciaire de la ville pour y découvrir les métiers du droit. Il y a énormément de possibilités : le but est que les élèves aient en tête un éventail de plus en plus large de métiers. Je pense notamment aux métiers industriels, qui ne bénéficient pas toujours d'une image très positive, particulièrement auprès des jeunes filles. Ces filières, encore trop massivement masculines, sont pourtant très valorisantes – nous ne sommes plus au temps de Zola !

Le stage de troisième révèle aujourd'hui de nombreuses inégalités, puisque ce sont les familles qui sont chargées de le trouver : alors que certains élèves accomplissent un stage de « pousse-gravats » – j'ai entendu un jour cette expression –, d'autres bénéficient de stages beaucoup plus intéressants et valorisants. Nous devons mettre la main à la pâte pour proposer nous-mêmes des stages, en lien avec des associations. Les expériences menées jusqu'ici n'ont pas été très probantes, aussi nous devons nous améliorer. J'observe surtout que ce stage de troisième interviendra désormais à l'issue des découvertes des métiers effectuées en classes de cinquième et de quatrième : les élèves auront donc déjà des idées, des envies, et on peut espérer qu'ils ne s'y prendront pas à la dernière minute, à l'automne, pour chercher leur stage. Je compte beaucoup sur la participation des associations et je tiens à vous remercier, madame Calvez, d'avoir organisé il y a quelques semaines un colloque tout à fait pertinent sur ce sujet.

Madame Meunier, le fait qu'il y ait encore des drames ne veut pas dire que le programme Phare est inefficace, mais simplement qu'il n'est pas encore complètement appliqué. Il n'a été généralisé dans les écoles et les collègues qu'à la rentrée dernière, et il ne le sera dans les lycées qu'à la rentrée prochaine. En outre, il convient qu'il soit bien appliqué dans ses trois dimensions : prévention et information, détection, prise en charge. Dans un certain nombre de situations, le harcèlement a été détecté mais la prise en charge n'a pas été à la hauteur – elle a même parfois été franchement déficiente. Les inspections générales nous remettront prochainement des rapports détaillant ces éléments. Il ne s'agit donc pas de mettre à la corbeille le programme Phare, mais plutôt de l'appliquer aussi bien que possible. Lorsqu'il est bien appliqué, les résultats sont au rendez-vous : on le voit tant dans les premiers pays où il a été mis en œuvre, comme la Finlande, que dans les six académies où il a été expérimenté à partir de 2019, comme l'académie de Rennes qui a connu des améliorations très nettes. À partir de la rentrée 2023, un enseignant référent, rémunéré, sera nommé dans chaque collège pour veiller à l'application effective du programme. Tout n'est donc pas parfait, mais nous avançons aussi bien que possible, de manière tout à fait résolue, sur ce sujet prioritaire.

La question de l'instruction en famille a déjà été posée l'année dernière. Cette modalité d'enseignement est possible pour quatre motifs : les trois premiers ne posent pas beaucoup de difficultés, tandis que le quatrième est davantage source de contentieux. Globalement, les familles obtiennent satisfaction, puisque 89,9 % des demandes sont approuvées, même si les taux varient en fonction des motifs – il est vrai que le taux d'acceptation des demandes déposées sur le fondement du quatrième motif est de l'ordre de 62 %. Au début du mois de juin, nous nous sommes penchés, dans le cadre d'un séminaire national, sur la disparité des réponses apportées par les différentes académies – certaines rejettent massivement les demandes tandis que d'autres se montrent plus ouvertes. Il convient donc de réguler les choses afin que l'Éducation nationale apporte une réponse coordonnée, cohérente et homogène aux sollicitations des familles. Quoi qu'il en soit, on est loin d'une suppression ou d'une quasi-suppression de l'instruction en famille, qui a concerné quelque 60 000 élèves au cours de l'année qui vient de s'écouler.

Les résultats du dispositif Vacances apprenantes sont tout à fait positifs, qu'il s'agisse des colos apprenantes ou des stages de réussite. Il y a en effet un enjeu budgétaire. Le système avait été mis en place pour répondre à la crise sanitaire et aux confinements, l'idée étant de compenser les semaines de fermeture des classes par du temps d'apprentissage pendant les vacances. Compte tenu des résultats obtenus, nous souhaitons que le dispositif soit prorogé, institutionnalisé, et que la ligne budgétaire correspondante soit donc reconduite et sécurisée, ce qui occasionne quelques échanges avec les services du ministre délégué chargé des comptes publics…

Madame Genevard, j'ai bien pris note de votre remarque sur le lycée de Morez et, plus largement, sur les formes de concurrence possibles entre les CFA et les lycées professionnels. Globalement, la situation est meilleure qu'il y a quelques années, puisque de nombreux lycées professionnels proposent désormais des formations d'apprentis dans le cadre desquelles les plateaux techniques, très coûteux, sont partagés avec un CFA. De même, il arrive que des jeunes passent du certificat d'aptitude professionnelle (CAP) au bac professionnel, ou que les titulaires d'un bac professionnel s'inscrivent en CAP pour compléter leur formation. On peut donc tout à fait envisager ces échanges de manière constructive.

J'ai eu l'occasion de visiter des lycées professionnels, y compris dans le Jura, pour les métiers du bois, ou en Haute-Savoie, pour l'industrie de décolletage, où les relations entre petites entreprises, lycées professionnels et CFA sont optimales. Je me renseignerai sur la situation du lycée de Morez mais il est en effet possible que, localement, une forme de concurrence s'exerce.

Madame Amrani, les lycéens non affectés, essentiellement, relèvent des lycées professionnels, voire, des lycées technologiques pour l'une des huit filières technologiques. Certains élèves, en effet, demandent des spécialités qui ne sont pas disponibles dans leur quartier ou dans son voisinage.

Nous n'avons pas encore de retours précis s'agissant de l'inscription aux pactes mais nous sommes optimistes pour parvenir à la masse critique nécessaire. Nous disposerons de chiffres définitifs à partir de mi-septembre.

Monsieur Molac, vous connaissez mon attachement aux langues régionales. Nous sommes disposés à favoriser leur enseignement mais à hauteur des besoins identifiés. L'année dernière, j'ai maintenu le deuxième poste de certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré (Capes) de breton mais force est de constater que les candidats ne se bousculent pas au portillon. Je suis prêt à adapter l'offre mais en fonction de la demande. J'ai échangé avec le président du conseil régional de Bretagne autour de cette question mais, aussi, à propos des mutations et des décharges d'enseignement.

J'ai pris note des éléments indiqués par Mme Keke à propos de l'école de la Roseraie de L'Haÿ-les-Roses, d'autant plus que j'ai passé mon enfance à Fresnes et que je connais bien cette enclave du Val-de-Marne. Nous travaillons à la valorisation des AESH. J'ai mentionné les hausses de salaire, les propositions de CDI et le passage aux trente-cinq heures. Nous devons également améliorer leur formation : les soixante heures prévues commencent souvent en décembre, donc assez tard après la rentrée scolaire.

Je vous invite à m'écrire pour me donner des éléments précis en ce qui concerne les fermetures de classe, lesquelles peuvent être liées à des baisses d'effectif. Nous procéderons aux derniers ajustements de la carte scolaire au mois d'août, après les phases de février et de juin, en raison des déménagements et des emménagements. Si c'est nécessaire, nous pouvons créer un poste.

Monsieur Di Filippo, s'agissant des trente minutes d'activités physiques, cette année de mise en route n'a sans doute pas été parfaite. La formation des professeurs est assurée par Eduscol et à travers un matériel pédagogique que nous avons diffusé. À proprement parler, il n'est pas question de sport. Par exemple, un jour de pluie, les élèves peuvent rester dans leur classe et en profiter pour faire des exercices d'assouplissement, ou ils peuvent s'abriter sous le préau et courir autour de trois plots. La logistique doit être minimale pour que les trente minutes d'activité physique soient effectives.

Un regroupement de ces trente minutes sur une ou deux heures ne serait pas opportun. Selon un spécialiste en santé publique de Rennes, qui a publié une grande étude sur la détérioration de la santé des élèves, l'exercice physique quotidien est le plus efficace. Il est préférable d'en faire une heure chaque jour plutôt que deux fois deux heures par semaine. Outre les trente minutes, on peut espérer qu'avec les jeux dans la cour de récréation et les diverses allées et venues, l'heure sera atteinte. La situation est d'ailleurs très préoccupante puisque, en raison notamment de la sédentarité, les capacités cardio-pulmonaires des jeunes sont moindres qu'il y a vingt ans. De tels moments d'activité physique s'ajoutent donc au sport.

Les clubs sportifs jouent en effet un rôle essentiel. Cette année, nous les avons mobilisés dans cent quarante collèges environ, avec deux heures de sport hebdomadaires en plus. Dès le mois de septembre, nous passerons à la vitesse supérieure puisque tous les collégiens auront deux heures de sport de plus par semaine en lien avec un club. Nous sommes très attentifs à une telle articulation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion