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Intervention de Sébastien Lecornu

Séance en hémicycle du lundi 3 octobre 2022 à 16h00
Déclaration du gouvernement relative à la guerre en ukraine et aux conséquences pour la france

Sébastien Lecornu, ministre des armées :

Sous l'autorité de Mme la Première ministre, qu'il me soit permis de compléter quelques points dans le cadre de ce débat. La ministre de l'Europe et des affaires étrangères a tracé les grandes lignes de notre action. Je reviendrai, conformément au contrôle que le Parlement se doit d'effectuer sur le Gouvernement et au titre du ministère dont j'ai la charge, sur l'aide militaire que la république française apporte évidemment depuis le début du conflit à l'Ukraine.

Les trois éléments qui guident la doctrine de notre soutien militaire à l'Ukraine sont assez simples. Premièrement, nous nous efforçons de coller à la demande des Ukrainiens. Nous avons cherché à ne pas être trop diffus dans la manière d'apporter notre aide, par la nature même des équipements. Un dialogue opérationnel et de confiance s'est noué au fil du temps avec le ministère de la défense ukrainien. Les besoins exprimés sont mesurés et clairs ; nous tentons d'y répondre.

Deuxièmement, notre aide s'entoure d'une certaine discrétion – ce sont les Ukrainiens eux-mêmes qui nous en font la demande. C'est de cette façon que nous avons pu constater l'efficacité du système d'artillerie Caesar : l'effet de surprise relatif que nous avons créé est la clé de la réussite sur le champ de bataille.

Troisièmement, ce que nous promettons, nous le donnons vraiment. Beaucoup d'annonces sont faites par certains pays, mais elles ne sont pas toujours suivies d'effets. La France, elle, s'honore de tenir scrupuleusement sa parole.

Je veux aussi rappeler à la représentation nationale les trois grands chapitres d'aide militaire que nous avons apportée à l'Ukraine depuis le début de la guerre.

Le premier chapitre a impliqué la fourniture d'équipements de protection et d'armement individuels, de systèmes de missiles antichars et antiaériens. Il correspondait, entre février et avril, à une réaction d'urgence.

Le deuxième chapitre a été plus lourd : nous avons délivré à l'Ukraine non seulement des pièces d'artilleries – notamment dix-huit canons Caesar assortis de leurs munitions –, mais aussi de nombreux véhicules sous blindage destinés au transport de troupes, tels que les véhicules de l'avant blindés (VAB).

Le troisième chapitre, qui a débuté en septembre, consiste à répondre à des demandes précises formulées par les Ukrainiens, notamment en matière de carburants. L'accès aux carburants est absolument décisif, y compris pour faire rouler les canons Caesar. Nous avons fixé un calendrier de maintenance et d'approvisionnement en pièces détachées – c'est sans doute moins spectaculaire que de fournir des pièces d'artillerie entières, mais les pièces détachées des canons Caesar ou d'autres matériels nécessitent un entretien et nous répondons présent. En outre, la demande en munitions est importante, d'autant que le phénomène d'attrition qui les concerne est particulièrement fort. Autre demande spécifique : la formation. Malheureusement, l'attrition des artilleurs est elle aussi significative : lorsqu'un artilleur tombe, il faut bien qu'un autre prenne sa place, ce qui suppose de le former.

Sous l'autorité du Président de la République, un nouvel agenda d'accompagnement militaire à l'Ukraine a été établi ; il sera déployé dans les semaines à venir. Le président a déjà passé un certain nombre de commandes. Par ailleurs, une mobilisation forte de la BITD sera nécessaire, car notre industrie de défense doit être en capacité de régénérer des stocks – j'en reparlerai demain devant la commission de la défense et des forces armées.

Je veux dire quelques mots des classements, sur lesquels ont insisté Mme Valérie Rabault et M. Boris Vallaud. Il faut savoir que ces classements tiennent uniquement compte des éléments en source ouverte : ils écartent une partie de l'aide octroyée par la France à l'Ukraine qui, pour faire simple, n'est pas visible sur la place publique. En outre, les classements agrègent des critères parfois très différents. Certains pays ont par exemple valorisé le coût de la formation ou celui du transport des munitions. La France a choisi de ne pas le faire, c'est un élément que je livre à la représentation nationale.

En outre, en général, les classements ne tiennent compte que de ce qui est promis et non effectivement livré. Je n'en dis pas plus pour ne pas créer d'incidents avec nos amis et alliés, mais, dans les faits, ce qu'a promis la France a été, à l'unité près, donné aux Ukrainiens.

Enfin, Mme Catherine Colonna l'a rappelé, ces classements ne prennent jamais en considération la facilité européenne pour la paix, laquelle représente pourtant 450 millions d'euros pour la part française, soit 20 % du fonds européen. La France n'est pas forcément meilleure ou moins bonne que d'autres pays ; je me contente par ces propos de vous éclairer sur ces classements qui circulent sur internet et dans la presse, classements au sujet desquels il y aurait beaucoup à dire. Si nous devions les mettre à jour, je pense que la France progresserait de manière assez significative par rapport à ses partenaires européens. Du reste, nul ne conteste que nos amis et alliés américains sont les premiers contributeurs.

Je conclus en évoquant le rôle de la France, en tant que nation cadre de l'Otan, dans les missions de réassurance sur le flanc oriental de l'Europe. Quelque 900 hommes sont mobilisés, la défense du ciel est assurée grâce à des missions d'ampleur et un groupe de l'armée de terre est positionné. Nous avons la capacité, si c'était malheureusement nécessaire, d'atteindre le niveau de la brigade. L'investissement de la France comme nation cadre en Roumanie aura coûté aux contribuables français 700 000 millions d'euros pour la seule année 2022. Ces crédits n'étaient certes pas prévus, mais ils témoignent de l'engagement de la France et de son armée.

Le président Gassilloud a dépeint ce qui nous attend à l'avenir. Oui, ce qui se passe en Ukraine nécessitera un retour d'expérience (Retex) profond, notamment en ce qui concerne l'hybridité, la dissuasion nucléaire et les stocks de munitions. Nous aurons l'occasion d'en discuter lors de l'examen du PLF pour 2023 et, dans l'esprit de coconstruction avec le Parlement et les diverses formations politiques qu'a rappelé la Première ministre, lors de l'élaboration de la prochaine loi de programmation militaire.

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